podcast regard décalé Caucase.mp3 (343.03 Ko)
Ce livre allie deux qualités primordiales à mes yeux pour comprendre une situation quelle qu'elle soit: celle de l'historien et celle du journaliste, celle de l'histoire et celle de l'actualité.
Pour s’y retrouver dans cet enchevêtrement de nationalités et de minorités aux noms plus exotiques les uns que les autres, tous Circassiens ou Tcherkesses. Munissez-vous d'une carte de l'endroit (voir en bas de cet article) et acceptez la main tendue par un spécialiste de la région. Régis Genté est journaliste et installé en Géorgie au cœur du Caucase depuis une dizaine d'années. Correspondant pour de nombreux médias francophones et internationaux, il n'a pas hésité à faire appel à des historiens pour resituer dans son contexte cette présentation. L'exercice n'était pas aisé. Présenter la politique russe ou plus exactement celle de Vladimir Poutine sans parti pris. Dans la presse française, il est de bon ton d'accuser le président russe de tous les maux et plus particulièrement de ceux aux relents dictatoriaux, xénophobes, homophobes, nationalistes, etc... ce qui n'est pas faux, mais insuffisant. Régis Genté a veillé à présenter le plus objectivement possible les motivations et les actions de chacun des partis. Le lecteur lui en sait gré.
Il y a longtemps que le Caucase est un sujet d'actualité dans les médias. Une autre qualité du livre est d'avoir su résumer une actualité parfois confuse et brouillonne car non encore digérée. C'est désormais chose faite.
Ce qui transpire aussi de ces pages, c'est la violence en général et plus particulièrement celle faites aux femmes. Aux femmes journalistes en particulier. On ne peut s'empêcher de noter que les deux journalistes assassinées dans les années 2000, furent deux femmes ayant voulu dénoncer les crimes commis soit par la Russie soit par la Tchétchénie.
Régis Genté rappelle avec lucidité les contradictions de la politique intérieure et extérieure de Vladimir Poutine. De vieilles recettes dans une vielle marmite. En revendiquant une idéologie nationaliste, la Russie d'aujourd'hui continue à rejeter ses nombreuses populations qui ont fait d'elle un empire né au début du XVIIIe siècle sous le règne de Pierre le Grand et qui trouva son apogée au milieu du XIXe siècle avec justement la conquête du Caucase. Panslavisme et république fédérale multiethnique ne peuvent s'accorder. Vladimir Poutine ne peut qu'en être conscient comme il ne peut ignorer qu'il ne sera pas celui qui trouvera une troisième voie pour sortir la Russie de ses vieilles contradictions. L'homme n'a pas le profil. Ancien du KGB, ancré dans le souvenir nostalgique de l'empire soviétique, il n'est pas en mesure de proposer une nouvelle politique. Pourtant, il semble grand temps que la Russie vive sa décolonisation commencée au début des années 90 en Europe centrale.
Il ne reste plus qu'à résister. Résister à la maudite influence occidentale, traduisez en paroles poutiniennes: multiculturalisme, politique pro-gay, et autres décadences en tout genre. Il est vrai que parfois l'Occident tend le bâton pour se faire battre... mais c'est un autre sujet. Ainsi se justifient les positions russes en politique étrangère et les soutiens apportés aux régimes autoritaires comme la Syrie qui s'expliquent entre peur de toutes nouveautés politiques et socio-culturelles et plaisir de contrecarrer les politiques extérieures des pays occidentaux. L'arme économique reste une réalité. Sur fond de manifestations pro-européennes en Ukraine, visant à lutter contre la volonté de Vladimir Poutine de créer un nouvel empire économique à défaut de politique auprès d’une partie des anciennes républiques soviétiques, le président russe rêve de créer une entité politico-économico-culturelle associant la Russie et ses anciennes républiques. Mais curieusement, on n'y croit plus, tout cela c'est du déjà vu. Encore une fois, Poutine peut-il l'ignorer? Nous ne le pensons pas.
Alors pour passer le temps, Vladimir Poutine et ses courtisans s'enrichissent. Ils peuvent prendre leur temps, il ne semble pas qu'un quelconque homo novus puisse prochainement changer la société russe.
Régis Genté, Poutine et le Caucase, Buchet Chastel, 2014. 18 euros.
Pour s’y retrouver dans cet enchevêtrement de nationalités et de minorités aux noms plus exotiques les uns que les autres, tous Circassiens ou Tcherkesses. Munissez-vous d'une carte de l'endroit (voir en bas de cet article) et acceptez la main tendue par un spécialiste de la région. Régis Genté est journaliste et installé en Géorgie au cœur du Caucase depuis une dizaine d'années. Correspondant pour de nombreux médias francophones et internationaux, il n'a pas hésité à faire appel à des historiens pour resituer dans son contexte cette présentation. L'exercice n'était pas aisé. Présenter la politique russe ou plus exactement celle de Vladimir Poutine sans parti pris. Dans la presse française, il est de bon ton d'accuser le président russe de tous les maux et plus particulièrement de ceux aux relents dictatoriaux, xénophobes, homophobes, nationalistes, etc... ce qui n'est pas faux, mais insuffisant. Régis Genté a veillé à présenter le plus objectivement possible les motivations et les actions de chacun des partis. Le lecteur lui en sait gré.
Il y a longtemps que le Caucase est un sujet d'actualité dans les médias. Une autre qualité du livre est d'avoir su résumer une actualité parfois confuse et brouillonne car non encore digérée. C'est désormais chose faite.
Ce qui transpire aussi de ces pages, c'est la violence en général et plus particulièrement celle faites aux femmes. Aux femmes journalistes en particulier. On ne peut s'empêcher de noter que les deux journalistes assassinées dans les années 2000, furent deux femmes ayant voulu dénoncer les crimes commis soit par la Russie soit par la Tchétchénie.
Régis Genté rappelle avec lucidité les contradictions de la politique intérieure et extérieure de Vladimir Poutine. De vieilles recettes dans une vielle marmite. En revendiquant une idéologie nationaliste, la Russie d'aujourd'hui continue à rejeter ses nombreuses populations qui ont fait d'elle un empire né au début du XVIIIe siècle sous le règne de Pierre le Grand et qui trouva son apogée au milieu du XIXe siècle avec justement la conquête du Caucase. Panslavisme et république fédérale multiethnique ne peuvent s'accorder. Vladimir Poutine ne peut qu'en être conscient comme il ne peut ignorer qu'il ne sera pas celui qui trouvera une troisième voie pour sortir la Russie de ses vieilles contradictions. L'homme n'a pas le profil. Ancien du KGB, ancré dans le souvenir nostalgique de l'empire soviétique, il n'est pas en mesure de proposer une nouvelle politique. Pourtant, il semble grand temps que la Russie vive sa décolonisation commencée au début des années 90 en Europe centrale.
Il ne reste plus qu'à résister. Résister à la maudite influence occidentale, traduisez en paroles poutiniennes: multiculturalisme, politique pro-gay, et autres décadences en tout genre. Il est vrai que parfois l'Occident tend le bâton pour se faire battre... mais c'est un autre sujet. Ainsi se justifient les positions russes en politique étrangère et les soutiens apportés aux régimes autoritaires comme la Syrie qui s'expliquent entre peur de toutes nouveautés politiques et socio-culturelles et plaisir de contrecarrer les politiques extérieures des pays occidentaux. L'arme économique reste une réalité. Sur fond de manifestations pro-européennes en Ukraine, visant à lutter contre la volonté de Vladimir Poutine de créer un nouvel empire économique à défaut de politique auprès d’une partie des anciennes républiques soviétiques, le président russe rêve de créer une entité politico-économico-culturelle associant la Russie et ses anciennes républiques. Mais curieusement, on n'y croit plus, tout cela c'est du déjà vu. Encore une fois, Poutine peut-il l'ignorer? Nous ne le pensons pas.
Alors pour passer le temps, Vladimir Poutine et ses courtisans s'enrichissent. Ils peuvent prendre leur temps, il ne semble pas qu'un quelconque homo novus puisse prochainement changer la société russe.
Régis Genté, Poutine et le Caucase, Buchet Chastel, 2014. 18 euros.