Le 21 mai 2019, dans un Cirque d'hiver aux 4/5èmes plein, après un meeting riche de nombreux candidats et invités, Yannick Jadot avait conclu la soirée en dénonçant le vernis écologique circonstanciel dont commençaient à se parer tous les partis à l’approche des élections. Il critiquait aussi l’"écologie de la promesse et de l’inaction" du gouvernement, trop dans l’intention et pas assez dans l’action, quand l’urgence à agir pour l’environnement se faisait pourtant plus que jamais sentir.
Le retour de la science dans le débat politique
Cet écart entre la théorie et la pratique, ou entre une stratégie qui peine à prendre son envol et le besoin d’une mise en œuvre aussi dans le court terme, est un premier élément qui a pu faire la différence. La conscience de l’urgence de la situation environnementale et de l’impératif qu’il y a à faire bouger les choses dès à présent, soulignées par le rapport du GIEC sur le climat ou de l’IPBES sur la biodiversité et les écosystèmes, ont pu avoir une incidence dans les choix de vote. Ce type d’alertes, portées par un positionnement nouveau du discours scientifique et de la façon de le véhiculer et de le transmettre, mérite d’être salué. Sans pour autant se compromettre ni se galvauder, la science a compris qu’il fallait aussi savoir se rendre intelligible et se donner à entendre, pour mieux remplir son rôle. Démontrer que l’on peut être rigoureux dans sa démarche et dans la restitution de ses résultats, tout en étant capable d’adapter son discours à son interlocuteur : cette nécessaire traduction fait aussi partie de la fonction de recherche aujourd’hui, telle qu’elle est et doit être articulée avec la société civile.
Des démarches comme celles du GIEC ou de l’IPBES, à la fois médiatisées en direction du grand public, et avec une vocation politique déclarée d’aide à la décision pour les dirigeants, ont permis aux électeurs d’accéder de façon directe et massive à l’essentiel d’une information de qualité, qui a sûrement eu une incidence dans ce résultat, même si elle est difficile à quantifier. De telles initiatives restituent une voix aux chercheurs et remettent la parole scientifique au cœur du débat dans la Cité, renouant ainsi avec une part de sa vocation, qui est aussi de nourrir des citoyens éclairés en les étayant dans des choix qui ne soient pas subis mais argumentés.
Des démarches comme celles du GIEC ou de l’IPBES, à la fois médiatisées en direction du grand public, et avec une vocation politique déclarée d’aide à la décision pour les dirigeants, ont permis aux électeurs d’accéder de façon directe et massive à l’essentiel d’une information de qualité, qui a sûrement eu une incidence dans ce résultat, même si elle est difficile à quantifier. De telles initiatives restituent une voix aux chercheurs et remettent la parole scientifique au cœur du débat dans la Cité, renouant ainsi avec une part de sa vocation, qui est aussi de nourrir des citoyens éclairés en les étayant dans des choix qui ne soient pas subis mais argumentés.
L’expérience de l’Allemagne
On ne s’intéresse pas toujours assez à ce qui se passe autour de nous. Pourtant, cette montée de la vague verte était d’une certaine façon en germe dans ce qui est advenu au niveau national en Allemagne, lors des dernières législatives. Souvenons-nous de ce qui s’est passé globalement dans tous les Länder, mais surtout dans le Land emblématique de Bavière, où les projections les plus alarmantes se faisaient, en amont des élections, quant au score de l’extrême-droite. Certes, Alternative für Deutschland (Afd) a totalisé 10,21% des scrutins, mais il s’agissait là d’un résultat bien en-deçà de celui craint, et surtout, les Verts ont, eux, "explosé" toutes les prévisions, en terminant seconds derrière le CSU, avec 17,55% des suffrages… Ce qu’il est intéressant d’observer, c’est la dimension transnationale du phénomène, qui commence à pointer. Parce que, de la même façon que le nuage de Tchernobyl ne s’est pas arrêté aux frontières de la France, la question écologique, qui ne concerne ni plus ni moins que la question même de la Vie (a minima sur Terre, ce qui n’est déjà pas si mal…), ne connaît pas les frontières des hommes. Avec cette thématique, aussi large et aussi essentielle, nous tenons enfin peut-être un objet de fédéralisme ou en tout cas de fédération, susceptible de tenir lieu de levier de gouvernance alternatif pour l’Europe, et capable de battre en brèche le vieux débat souverainiste, au profit d’un vrai dénominateur commun. Avec 15% en Irlande, 15,8% en Finlande et 22% en Allemagne pour les listes vertes, c’est à un mouvement de fond que nous sommes en train d’assister. Une prise de conscience progressive mais qui va en se généralisant, de l’état de la planète et de l’urgence à agir, qui nous concerne tous. Un impératif de survie qui devrait acter définitivement la nécessité de remettre la dimension écologique à la base de tout projet politique, aussi bien national qu’européen, tant, en réalité, c’est évidemment de façon systémique au niveau mondial que le problème se pose.
L’élan de la jeunesse
Un autre élément qui a sûrement fait frémir, voire bouillonner cette vague, est la mobilisation des jeunes en faveur de l’environnement, qui se donne à voir depuis plusieurs mois dans leur mouvement en faveur du climat, notamment. Sans surprise, Harris interactive a publié, à l’annonce des résultats, des estimations de vote selon les classes d'âge, qui montrent qu’EELV arrive en tête chez les 18-24 ans, avec 22,1%.
Dans un sondage interne relatif aux intentions de vote de ses étudiants et personnels, présenté le 9 mai 2019 lors de la Journée de l’Europe, Sciences Po Grenoble créditait le parti vert de 30% (contre 7% au niveau national selon le sondage Euro-Rolling IFOP du 10 avril 2019). LREM venait deuxième avec 17% des voix (contre 23% au niveau national) et le Rassemblement National parmi les derniers, avec 1% (versus 21%). Qu'est-ce qui explique ces résultats et ces écarts, et la surreprésentation de votes en faveur des partis verts, sociaux et europhiles chez les jeunes (Génération S arrivait 3ème avec 15% et Place publique 4ème avec 11%) ? Outre l'âge (le fameux "A vingt ans, si on n’a pas le cœur à gauche, on n’a pas de cœur. A quarante ans, si on a toujours le cœur à gauche, on n’a pas de tête" discutable de Jean d’Ormesson) et l'origine socio-culturelle des sondés, sans doute est-il intéressant de rappeler aussi la coloration très européenne des formations de cet IEP, et de voir comment des gens éduqués à ces questions se positionnent.
Sans réduire l’analyse des résultats à cela, les philosophes et les psychologues ont assez théorisé les rapports entre la connaissance et la peur, ou en tout cas entre un déficit de connaissance et une forme de défiance, pour que l’on soit en droit de poser la question de savoir si aujourd’hui encore, nous sommes réellement bien instruits des institutions et des politiques européennes, ou en tout cas assez sensibilisés pour voter autrement que sur beaucoup de (mauvaises) représentations ?...
Même si la pédagogie n’est pas une panacée, l’éducation apparaît quand même souvent comme le début d’une solution. Lorsqu’il s’est exprimé suite à l’annonce des résultats, Yannick Jadot a fait part de la volonté des membres de sa liste d’informer de façon régulière sur leurs activités au Parlement, via la mise en place d’un comité citoyen de surveillance et d’initiative sur l’Europe, « qui réunira les acteurs de la société civile, les syndicats, les entreprises, les scientifiques et les citoyens, afin d’évaluer en permanence le travail des institutions européennes et de mobiliser les Français sur ces questions. »
Dans un sondage interne relatif aux intentions de vote de ses étudiants et personnels, présenté le 9 mai 2019 lors de la Journée de l’Europe, Sciences Po Grenoble créditait le parti vert de 30% (contre 7% au niveau national selon le sondage Euro-Rolling IFOP du 10 avril 2019). LREM venait deuxième avec 17% des voix (contre 23% au niveau national) et le Rassemblement National parmi les derniers, avec 1% (versus 21%). Qu'est-ce qui explique ces résultats et ces écarts, et la surreprésentation de votes en faveur des partis verts, sociaux et europhiles chez les jeunes (Génération S arrivait 3ème avec 15% et Place publique 4ème avec 11%) ? Outre l'âge (le fameux "A vingt ans, si on n’a pas le cœur à gauche, on n’a pas de cœur. A quarante ans, si on a toujours le cœur à gauche, on n’a pas de tête" discutable de Jean d’Ormesson) et l'origine socio-culturelle des sondés, sans doute est-il intéressant de rappeler aussi la coloration très européenne des formations de cet IEP, et de voir comment des gens éduqués à ces questions se positionnent.
Sans réduire l’analyse des résultats à cela, les philosophes et les psychologues ont assez théorisé les rapports entre la connaissance et la peur, ou en tout cas entre un déficit de connaissance et une forme de défiance, pour que l’on soit en droit de poser la question de savoir si aujourd’hui encore, nous sommes réellement bien instruits des institutions et des politiques européennes, ou en tout cas assez sensibilisés pour voter autrement que sur beaucoup de (mauvaises) représentations ?...
Même si la pédagogie n’est pas une panacée, l’éducation apparaît quand même souvent comme le début d’une solution. Lorsqu’il s’est exprimé suite à l’annonce des résultats, Yannick Jadot a fait part de la volonté des membres de sa liste d’informer de façon régulière sur leurs activités au Parlement, via la mise en place d’un comité citoyen de surveillance et d’initiative sur l’Europe, « qui réunira les acteurs de la société civile, les syndicats, les entreprises, les scientifiques et les citoyens, afin d’évaluer en permanence le travail des institutions européennes et de mobiliser les Français sur ces questions. »
Extrait_meeting_Jadot_EELV.mp3 (2.13 Mo)