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L’Allemagne au cœur de la crise des réfugiés


Par Rédigé le 25/02/2016 (dernière modification le 25/02/2016)

L’Allemagne est depuis plusieurs années l’un des moteurs de l’Union européenne (UE), à tel point qu’elle a même parfois été surnommée "le gendarme de l’Europe". Avec la crise des réfugiés, elle renforce encore sa position et se place en fer de lance des débats. Multipliant les interventions diplomatiques, elle n’en restreint pas moins ses conditions de droit d’asile.


Réforme du droit d’asile et protection des frontières extérieures

Des réfugiés kurdes syriens arrivés le 17 août 2015 au camp de Kawrgosk, près d'Erbil, attendent les camions de vivres. Photo (c) Béatrice Dillies
Des réfugiés kurdes syriens arrivés le 17 août 2015 au camp de Kawrgosk, près d'Erbil, attendent les camions de vivres. Photo (c) Béatrice Dillies
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Fin janvier 2016, le ministre allemand de l’Intérieur, Thomas de Maizière, a rencontré ses homologues de l’Union européenne lors d’une réunion informelle à Amsterdam. L’objectif: trouver une solution européenne à la crise des réfugiés et réduire le nombre de personnes sur les routes. "Nous avons besoin d’un recul sensible et durable du nombre d’arrivants, et ce dès les prochaines semaines" a-t-il déclaré. En 2015, un million de migrants sont arrivés en Europe, et l’année 2016 devrait voir un afflux semblable. Pour Thomas de Maizière, l’Europe doit se mettre d’accord sur des normes et sur des procédures communes en matière de droit d’asile, afin que les écarts de prestations offertes aux demandeurs ne se répercutent pas sur la répartition des réfugiés dans l’Union. Une profonde réforme du système européen du droit d’asile (Dublin III) est ainsi suggérée.

Dans ce contexte, l’Allemagne plaide également en faveur de la protection des frontières extérieures de l’UE. "Nous soutiendrons toutes les mesures visant à renforcer l’Agence Frontex (Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne), et ce sur quelque frontière que ce soit" a déclaré le ministre allemand. Pour autant, les frontières de l’espace Schengen ne sont pas remises en cause par la chancellerie.

L’Allemagne restreint l’accueil des migrants

Début février, lors d’un sommet à Berlin, les partis de la Grande Coalition allemande (CDU et SPD) se sont accordés sur de nouvelles mesures pour faire face à l’afflux de réfugiés. Des mesures rendues nécessaires notamment depuis que l’Autriche a annoncé qu’elle diviserait par trois sa capacité d’accueil (90.000 migrants en 2015).

La principale disposition du texte consiste en la suspension du regroupement familial pendant deux ans pour les personnes ne remplissant pas les conditions pour obtenir le statut de réfugié ou de demandeur d’asile (car non exposée à une persécution systématique), mais qu’il n’est pas possible de reconduire dans leur pays car elles y seraient exposées à des menaces graves (peine de mort ou torture). Selon un nouveau projet de loi, Algérie, Maroc et Tunisie feront ainsi désormais partie des "pays sûrs" et leurs ressortissants seront reconduits chez eux.

Par ailleurs, des moyens ont été engagés par tous les Länder pour accélérer les retours des migrants dans leur pays d’origine: embauche d’agents administratifs au niveau régional et fédéral, incitations au retour volontaire, négociation d’accords de reconduite avec les principaux pays d’origine, soutien à la mise en place de "laissez-passer", substitut de passeport délivré par l’Union européenne facilitant le retour volontaire dans leur pays des étrangers arrivés sans papiers.

Discussions avec l’Arabie Saoudite

Le 3 février, le ministre fédéral des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, s’est rendu à Riyad après avoir fait halte en Iran. Invitée d’honneur de l’unique festival culturel du royaume saoudien (Janadriyah), l’Allemagne a profité de l’occasion pour discuter avec "l’ensemble des dirigeants politiques du pays" au sujet de la Syrie. M. Steinmeier a fait part de "gratitude envers l’Arabie Saoudite pour avoir rassemblé l’opposition syrienne, contribué fortement à l’envoi d'une délégation à Genève et intercédé en faveur de l’adoption des principes dits de Vienne, base des négociations", indique un communiqué de l'Ambassade d’Allemagne.

Dans la mesure où la crise des réfugiés est étroitement liée à la situation en Syrie, la diplomatie allemande ne ménage pas ses efforts pour tenter de trouver une issue sur ce terrain, notamment en essayant d’atténuer les tensions entre l’Iran et l’Arabie Saoudite. "Il importe que cessent les récentes montées de tensions entre les puissances régionales que sont l’Iran et l’Arabie Saoudite" a affirmé le ministre fédéral.

"Il faut de l’espoir pour surmonter la cruauté du monde"

Lors du 60e anniversaire de Frank-Walter Steinmeier, le 28 janvier 2016, des personnalités telles que l’ancien secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, ou l’ancien chef de la diplomatie américaine, Henry Kissinger se sont réunies afin de célébrer le ministre fédéral des Affaires étrangères.

A cette occasion, Kofi Annan a estimé qu’il ne fallait pas "surestimer la gravité de la situation malgré toutes les crises qui agitent le monde. Car, par rapport à certaines périodes de l’histoire, nous vivons aujourd’hui dans une paix relative. Quant au terrorisme, ce n’est pas un phénomène nouveau et il a déjà été maitrisé plus d’une fois par le passé", a-t-il ajouté. Le diplomate a néanmoins mis en garde contre la peur, qu’il considère comme "le plus grand danger", notamment quand il s’associe aux courants populistes: "il pourrait en résulter de graves problèmes politiques" avertit-il.

Pour Henri Kissinger, la question du nouvel ordre mondial constitue "’ultime défi pour les hommes d’États de notre époque". Pour Kofi Annan, l’enjeu consiste à donner leur place aux puissances émergentes autour de la table, "pour que les institutions internationales conservent leur légitimité. La diplomatie deviendra alors peut-être plus complexe mais elle gagnera certainement en importance".

Dans ce cadre, les responsabilités de l’Allemagne pourraient s’accroître de manière considérable. Le chef du Fonds Marschall allemand, Karen Donfried, a d’ores et déjà affirmé que l’engagement de l’Allemagne dans la lutte contre l’État Islamique témoignait d’une responsabilité accrue.

Les participants de cette célébration ont par ailleurs unanimement rejeté toute montée des nationalismes, qualifiés "d’impasse historique" par Henry Kissinger.

"Même si l’espoir est un leurre, il faut de l’espoir pour surmonter la cruauté du monde" a conclu Frank-Walter Steinmeier en citant le juriste Fritz Bauer.








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