Meilleur article de la semaine passée: Enquête sur l'antisémitisme musulman

Larvatus prodeo: l'auteur avance masqué. Le titre forcément très accrocheur révèle finalement une attente déçue, sinon, pour les plus critiques, une forme d'escroquerie sur le contenu de la marchandise littéraire : dans une approche prétendument historique - « Enquête sur l'antisémitisme musulman, De ses origines à nos jours » - laquelle manque le plus souvent de cohérence, Philippe Simonnot, pourtant ancien professeur d'économie du droit à l'Université Paris Nanterre, poursuit à rebours une chronologie des trois monothéismes qui oscille entre grands repères fondamentaux et historiettes microscopiques. Le plus incompréhensible réside sans doute dans la contradiction phénoménale entre, d'une part, son avant-propos consacré à la judéophobie « ancienne et complexe », illustrée dès le premier chapitre, des pires atrocités verbales d'antisémitisme et d'antisionisme qui truffent certains journaux et télévisions arabes. Et d'autre part, une approche renversée en son contraire dans la présentation très orientée de ses ultimes chapitres et portant sur le « crime prémédité du nettoyage de la Palestine » et la « bombe juive »: de quoi largement motiver la haine ordinaire du juif. Étrange maelström pour le responsable d'un site officiellement dédié à l'observation des religions.

Si l'auteur étaye son étude sur de nombreuses références généralement sourcées, son analyse n'en comporte pas moins quelques regrettables approximations. Lorsqu'il cite par exemple des prédications haineuses d'inspiration coranique qui incriminent « l'impureté des juifs » ou qui s'appuient sur les récits mahométans relatant la trahison des « tribus juives de Médine » pour justifier leur extermination, il pourrait éclairer son propos en rappelant un fait largement admis: le problème provient de la lecture verrouillée du texte ancien qu'en fait le musulman à l'époque moderne. Et ce, au plus grand profit des islamistes radicaux qui réfutent toute possibilité d'interprétation adaptative et dépoussiérée des allégories vindicatives, savamment reprises dans certains sermons enflammés.

Au chapitre intitulé « L'alliance objective des Juifs et des Arabes et le triomphe de l'islam », Philippe Simonnot opère un retournement brutal de perspective. Là encore, la méthodologie de l'auteur se trouve prise en défaut: des points historiques intéressants sont mentionnés mais l'ancien chroniqueur du Monde ne les utilise pas ou ne sait pas les utiliser pour nourrir sa thèse initiale. Une thèse qu'on finit progressivement par perdre de vue. Jusqu'aux dernières pages.

Entre temps, il est vrai, l'auteur nous aura intelligemment diverti en disséquant les tortueux arrangements des diplomaties britannique et française dans cette région du monde : en témoignent les arrières pensées de la perfide Albion qui instrumentalise la « création d'un foyer national juif » dans son « grand jeu » moyen-oriental et la stratégie du Quai d'Orsay qui protège, malgré sa collaboration active avec le nazisme, l'ancien Mufti de Jérusalem Hadj Amin Al-Husseini, afin de maintenir son influence au Levant.

Dans des conclusions pour le moins ambiguës où il tente, sans le revendiquer, de blâmer la part inhérente du judaïsme dans l'argumentaire sioniste, abondamment fustigé par ailleurs, de l'État hébreu, Philippe Simonnot achève de disqualifier la crédibilité de sa recherche historique, pourtant conséquente. On ne peut que le regretter.