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France-Turquie : un conflit en trompe l’œil


Par Christophe Penaguin Rédigé le 21/07/2020 (dernière modification le 20/07/2020)

Les relations entre la France et la Turquie n'ont sans doute jamais été aussi mauvaises. La situation en Libye est un élément majeur du conflit entre les deux pays. Le président de la Turquie, R. Erdogan, semble tout désigné pour le rôle du méchant de l'histoire. Pourtant, la politique française en Libye est loin d'être exempte de reproches.


Face à la Turquie de M. Erdogan, la France a voulu faire cavalier seul. (c) Foter.com / CC BY-NC-ND
Face à la Turquie de M. Erdogan, la France a voulu faire cavalier seul. (c) Foter.com / CC BY-NC-ND
Depuis quelques semaines, les relations entre la France et la Turquie se sont considérablement tendues. Le 10 juin, une frégate française a été visée par les radars de tir d'un navire militaire turc qui escortait un bateau soupçonné de transporter des armes vers la Libye. Même si les sujets de divergence abondent entre Paris et Ankara, c'est en effet la situation libyenne qui cristallise la nette dégradation des relations entre les deux capitales.

Plongée dans la guerre civile qui oppose le gouvernement de Fayez al-Sarraj (qui tient l'ouest du pays) et l'autoproclamée Armée nationale libyenne de Khalifa Haftar (qui contrôle l'est), la Libye est depuis longtemps livrée aux interventions de puissances étrangères. M. Haftar est vigoureusement soutenu par la Russie (qui a envoyé des mercenaires pour combattre à ses côtés), les Emirats arabes unis et l'Egypte (qui a récemment menacé le gouvernement libyen d'une intervention militaire). Fayez al-Sarraj, Premier ministre reconnu par la communauté internationale suite aux accords de Skhirat de 2015, est quant à lui épaulé militairement par la Turquie et son président, Recep Tayyip Erdogan.

L'ONU a mis en place un embargo sur les livraisons d'armes à la Libye et l'incident du 10 juin résulte de la volonté de la frégate française de faire respecter cet embargo. Le président Macron a déclaré, le 22 juin, "Je considère aujourd'hui que la Turquie joue en Libye un jeu dangereux", tandis que le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a accusé la Turquie d'être responsable d'une "syrianisation" de la Libye.

La sévérité des autorités françaises vis-à-vis de la Turquie souffre toutefois du silence de ces mêmes autorités face aux violations massives des accords internationaux sur la Libye par les alliés de M. Haftar Quand ce dernier a soudainement lancé une offensive générale contre la capitale libyenne, Tripoli, en avril, il a bénéficié de l'argent et des armes des Emirats arabes unis, de l'Egypte et de la Russie sans que la France proteste avec véhémence. Seule l'intervention de la Turquie a empêché la chute du gouvernement libyen légal.

Il faut dire que, malgré les dénégations de M. Le Drian, tous les spécialistes de la Libye sont d'accord pour considérer que la France soutient M. Haftar. Il est aussi clairement établi que l'Etat français considère les Emirats et l'Egypte comme des alliés (particulièrement dans la lutte contre le terrorisme). Si donc la Libye est en voie de "syrianisation", on peut estimer que la France a indirectement contribué à ce processus en tolérant les violations de la loi internationale tant qu'elles se faisait au bénéfice exclusif de M. Haftar.

Nous avons là un exemple des contradictions et des incohérences auxquelles peut mener le prisme exclusivement anti-terroriste que les autorités françaises ont adopté depuis quelques années dans le cadre de la politique étrangère. Certes, les Emirats arabes unis et l'Egypte combattent (en violant allègrement les droits de l'homme) les Frères musulmans et l'organisation Etat islamique. Certes, M. Haftar prétend lutter contre les islamistes et les terroristes (avec cet inconvénient qu'il a tendance à qualifier de terroristes tous ceux qui s'opposent à lui). Cela justifie-t-il que la France prenne partie dans une guerre civile, qui plus est en soutenant celui qui cherche à renverser le gouvernement légal libyen? Sans doute pas.

audio_libye.mp3 France - Turquie : un conflit en trompe l’œil.  (330.2 Ko)









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