L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE CONCLUT UN DÉBAT SANS PRÉCÉDENT SUR LA RESPONSABILITÉ DE PROTÉGER, UN CONCEPT QUI CONTINUE DE DIVISER LES ÉTATS MEMBRES
Miguel d'Escoto Brockmann (c) UN Photo / Paulo Filgueiras
Le Président de la soixante-troisième session de l’Assemblée, Miguel d’Escoto Brockmann, a toutefois indiqué, en fin de séance, que ce débat aura probablement été « la discussion la plus intensive et la plus complète jamais consacrée » à ce thème, en faisant remarquer que pas moins de 94 États Membres avait pris la parole, ainsi que deux délégations ayant le statut d’Observateur permanent.
Lors du Sommet mondial de 2005, les 180 chefs d’État et de gouvernement présents aux Nations Unies s’étaient engagés en faveur de la prévention du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité, et ils avaient également apporté leur soutien à la lutte contre l’incitation à ces actes. Faire en sorte que ces crimes ne soient pas commis contre une population relève de la responsabilité de protéger, que la communauté internationale doit assumer à la place de l’État concerné si celui-ci n’a pas les capacités ou la volonté politique de le faire.
Dans un rapport* qu’il a présenté mardi dernier à l’Assemblée, le Secrétaire général avait dévoilé une stratégie destinée à donner une dimension « opérationnelle » à la responsabilité de protéger, en s’appuyant sur trois piliers: la responsabilité de l’État en matière de protection; l’assistance internationale et le renforcement des capacités; et la réaction résolue en temps voulu contre toute tentative de commettre le genre de crimes graves identifiés.
Si la plupart des délégations se sont accordées à reconnaître qu’il appartient en premier lieu à un État de protéger sa population, et à la communauté internationale - en particulier au système des Nations Unies -, de renforcer les capacités d’alerte rapide et de prévention des pays qui en ont besoin, elles ont en revanche affiché leurs divergences s’agissant du troisième pilier, qui pourrait prendre la forme d’une intervention militaire mandatée par le Conseil de sécurité.
La mise en œuvre de ce pilier, qui est un recours à l’usage de la force, a de nouveau posé problème à certains États Membres qui soupçonnent que la notion d’une « réaction résolue en temps voulu » cache une volonté de porter atteinte à leur souveraineté. Ainsi, le Nicaragua, par la bouche de son représentant, a exprimé aujourd’hui son scepticisme devant ce qu’il qualifie comme un « prétexte de la part de certaines puissances pour s’octroyer un droit d’ingérence dans les affaires d’un État souverain ».
La délégation de la Fédération de Russie a préconisé une approche « équilibrée et prudente », jugeant que les conditions n’étaient pas encore réunies pour permettre l’opérationnalisation de la responsabilité de protéger, et ce en raison du caractère encore « fragile et préliminaire » de certaines notions qu’elle recouvre. Il a été rejoint, en ce sens, par la délégation du Sri Lanka, pour qui, « toute application simpliste de la responsabilité de protéger doit être évitée » et qui a recommandé que soient plutôt préférés « les partenariats consensuels aux actions coercitives ». D’autres intervenants, a rappelé le Président de l’Assemblée, ont émis des doutes quant à la capacité de la communauté internationale à répondre aux insuffisances de certains États en matière de responsabilité de protéger sans que l’on tombe de nouveau dans la pratique du « deux poids deux mesures ». Si la doctrine de la « responsabilité de protéger » est adoptée, serons-nous en mesure de renforcer la responsabilisation au cas où certaines nations abusent du droit à faire usage de la force, s’est demandé M. d’Escoto Brockmann.
Comme tant d’autres avant lui, la délégation de la Jamaïque, qui s’exprimait au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), a estimé que la réforme du Conseil de sécurité était une condition préalable à la mise en œuvre du troisième pilier de la responsabilité de protéger. Pour ces pays, un Conseil de sécurité plus représentatif et donc plus démocratique dans ses méthodes de travail, et dont les membres ne possèderaient plus de droit de veto, ou ne pourraient pas l’exercer dans les situations relevant de la responsabilité de protéger, pourrait « assumer » de manière plus légitime la mise en œuvre de ce concept, y compris en autorisant l’usage de la force au titre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies.
Le représentant du Panama ne l’a cependant pas entendu ainsi, jugeant au contraire que le manque de réforme du Conseil de sécurité ne saurait être une excuse pour ne pas intervenir lorsque les circonstances l’exigent. Celui du Bénin a souligné pour sa part que la responsabilité de protéger ne pouvait être crédible en l’absence de son troisième pilier.
Les représentants de la Fédération de Russie et de la Géorgie ont exercé leur droit de réponse.
Interview en podcast audio ci-dessous: Marion Arnaud, chargée de projet au sein de la Coalition internationale pour la responsabilité de protéger; propos recueillis par Jérôme Longué
Lors du Sommet mondial de 2005, les 180 chefs d’État et de gouvernement présents aux Nations Unies s’étaient engagés en faveur de la prévention du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité, et ils avaient également apporté leur soutien à la lutte contre l’incitation à ces actes. Faire en sorte que ces crimes ne soient pas commis contre une population relève de la responsabilité de protéger, que la communauté internationale doit assumer à la place de l’État concerné si celui-ci n’a pas les capacités ou la volonté politique de le faire.
Dans un rapport* qu’il a présenté mardi dernier à l’Assemblée, le Secrétaire général avait dévoilé une stratégie destinée à donner une dimension « opérationnelle » à la responsabilité de protéger, en s’appuyant sur trois piliers: la responsabilité de l’État en matière de protection; l’assistance internationale et le renforcement des capacités; et la réaction résolue en temps voulu contre toute tentative de commettre le genre de crimes graves identifiés.
Si la plupart des délégations se sont accordées à reconnaître qu’il appartient en premier lieu à un État de protéger sa population, et à la communauté internationale - en particulier au système des Nations Unies -, de renforcer les capacités d’alerte rapide et de prévention des pays qui en ont besoin, elles ont en revanche affiché leurs divergences s’agissant du troisième pilier, qui pourrait prendre la forme d’une intervention militaire mandatée par le Conseil de sécurité.
La mise en œuvre de ce pilier, qui est un recours à l’usage de la force, a de nouveau posé problème à certains États Membres qui soupçonnent que la notion d’une « réaction résolue en temps voulu » cache une volonté de porter atteinte à leur souveraineté. Ainsi, le Nicaragua, par la bouche de son représentant, a exprimé aujourd’hui son scepticisme devant ce qu’il qualifie comme un « prétexte de la part de certaines puissances pour s’octroyer un droit d’ingérence dans les affaires d’un État souverain ».
La délégation de la Fédération de Russie a préconisé une approche « équilibrée et prudente », jugeant que les conditions n’étaient pas encore réunies pour permettre l’opérationnalisation de la responsabilité de protéger, et ce en raison du caractère encore « fragile et préliminaire » de certaines notions qu’elle recouvre. Il a été rejoint, en ce sens, par la délégation du Sri Lanka, pour qui, « toute application simpliste de la responsabilité de protéger doit être évitée » et qui a recommandé que soient plutôt préférés « les partenariats consensuels aux actions coercitives ». D’autres intervenants, a rappelé le Président de l’Assemblée, ont émis des doutes quant à la capacité de la communauté internationale à répondre aux insuffisances de certains États en matière de responsabilité de protéger sans que l’on tombe de nouveau dans la pratique du « deux poids deux mesures ». Si la doctrine de la « responsabilité de protéger » est adoptée, serons-nous en mesure de renforcer la responsabilisation au cas où certaines nations abusent du droit à faire usage de la force, s’est demandé M. d’Escoto Brockmann.
Comme tant d’autres avant lui, la délégation de la Jamaïque, qui s’exprimait au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), a estimé que la réforme du Conseil de sécurité était une condition préalable à la mise en œuvre du troisième pilier de la responsabilité de protéger. Pour ces pays, un Conseil de sécurité plus représentatif et donc plus démocratique dans ses méthodes de travail, et dont les membres ne possèderaient plus de droit de veto, ou ne pourraient pas l’exercer dans les situations relevant de la responsabilité de protéger, pourrait « assumer » de manière plus légitime la mise en œuvre de ce concept, y compris en autorisant l’usage de la force au titre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies.
Le représentant du Panama ne l’a cependant pas entendu ainsi, jugeant au contraire que le manque de réforme du Conseil de sécurité ne saurait être une excuse pour ne pas intervenir lorsque les circonstances l’exigent. Celui du Bénin a souligné pour sa part que la responsabilité de protéger ne pouvait être crédible en l’absence de son troisième pilier.
Les représentants de la Fédération de Russie et de la Géorgie ont exercé leur droit de réponse.
Interview en podcast audio ci-dessous: Marion Arnaud, chargée de projet au sein de la Coalition internationale pour la responsabilité de protéger; propos recueillis par Jérôme Longué