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Nicolas Sarkozy a en même temps raison et tort. Dans son entretien "Face à la crise", le chef de l’Etat a raison d’expliquer que la France "entre dans un monde nouveau". Un monde balloté entre les fulgurantes anticipations psychologiques des marchés financiers et un mouvement spontané des "indignés" qui s’installe quant à lui dans la durée : de quoi prendre en ciseaux le tempo hésitant des politiques. C’est peut-être là que se joue la "rupture" dont Nicolas Sarkozy avait pressenti l’existence mais sans en saisir la véritable nature. Il a encore raison lorsqu’il appelle les Français à se "rapprocher du modèle allemand" et ce, malgré des propos inverses tenus lors de sa campagne électorale de 2007.
Mais le président de la République a tort de vouloir réduire ce rapprochement au seul paradigme des heures de travail. Le chef de l’Etat pourrait s’interroger sur les raisons qui conditionnent l’insolent succès de la formule allemande et qu’il croit pouvoir enfermer dans son slogan présidentiel "travailler plus". Il aurait pu, en premier lieu, constater que contrairement à sa gestion personnalisée de la crise économique européenne et de la préparation d’un sommet qui a, selon lui, "sauvé le monde", la Chancelière allemande a dû humblement se rendre devant le Bundestag et obtenir de la représentation populaire un mandat clair qui légitime davantage la position de Berlin. Dans l’Hexagone, l’ambition des députés semble parfois se cantonner à celle d’être élu. Puisqu’il revendique désormais une proximité avec l’Allemagne, Nicolas Sarkozy aurait été par surcroît bien inspiré de reconnaître l’importance accordée au Tribunal Constitutionnel Fédéral de Karlsruhe, véritable Cour Constitutionnelle indépendante qui a, elle aussi, eu son mot à dire. Et quel mot puisque toute l’Europe était suspendue à sa décision sur le financement du plan de la dette en faveur de la Grèce: un laissez-passer sous condition qui, tout en déboutant les eurosceptiques en Allemagne, a ainsi rappelé que le pouvoir budgétaire appartient aux seuls députés allemands.
Mais le président de la République a tort de vouloir réduire ce rapprochement au seul paradigme des heures de travail. Le chef de l’Etat pourrait s’interroger sur les raisons qui conditionnent l’insolent succès de la formule allemande et qu’il croit pouvoir enfermer dans son slogan présidentiel "travailler plus". Il aurait pu, en premier lieu, constater que contrairement à sa gestion personnalisée de la crise économique européenne et de la préparation d’un sommet qui a, selon lui, "sauvé le monde", la Chancelière allemande a dû humblement se rendre devant le Bundestag et obtenir de la représentation populaire un mandat clair qui légitime davantage la position de Berlin. Dans l’Hexagone, l’ambition des députés semble parfois se cantonner à celle d’être élu. Puisqu’il revendique désormais une proximité avec l’Allemagne, Nicolas Sarkozy aurait été par surcroît bien inspiré de reconnaître l’importance accordée au Tribunal Constitutionnel Fédéral de Karlsruhe, véritable Cour Constitutionnelle indépendante qui a, elle aussi, eu son mot à dire. Et quel mot puisque toute l’Europe était suspendue à sa décision sur le financement du plan de la dette en faveur de la Grèce: un laissez-passer sous condition qui, tout en déboutant les eurosceptiques en Allemagne, a ainsi rappelé que le pouvoir budgétaire appartient aux seuls députés allemands.
Une absence de centralisation qui limite l'arrogance du pouvoir
Par ailleurs, le locataire de l’Elysée devrait admettre que la sensibilité démocratique de l’Allemagne, explicable pour des raisons historiques, ne tolère aucune dérogation aux défaillances éthiques des hommes politiques. Deux ministres allemands de la défense, l’un responsable d’une frappe meurtrière en Afghanistan et l’autre thésard plagiaire, ainsi qu’un ministre des transports sous l’ère Schröder, ont fait les frais d’un principe intangible selon lequel un détenteur de maroquin ministériel aux prises avec la justice ne peut rester au gouvernement. Autant dire que l'espionnage indu d'un journaliste par un service de renseignement avec ou sans les instructions d’un ministère de l’intérieur aurait déjà conduit outre-Rhin le responsable du premier tout comme le titulaire du second à immédiatement quitter leur poste. En Allemagne, l’absence de sa centralisation limite l’arrogance du pouvoir.
Quant à l’Europe dont il est tellement question ces jours-ci, plusieurs publications pointent l’absentéisme des eurodéputés français ou leur moindre productivité en terme de rapports déposés ou de questions adressées au Parlement européen (3,9 et 20,66 pour les Allemands contre 2,01 et 12,53 pour les Français selon une étude du Parlement européen en 2008): une tendance confirmée en 2010 par une analyse de Parlorama.eu: "parmi les pays les plus actifs, et indépendamment de la taille de leurs délégations, on retrouve notamment les députés allemands". Faut-il y voir une conséquence de la sélection, en France, des candidats à la députation européenne ? Au mieux des recalés du parisianisme, au pire un quidam dont la seule compétence tient aux services rendus à un nobliau local.
En clair, c’est sans doute en raison du scrupuleux respect de ces exigences démocratiques que les Allemands se soumettent sans trop rechigner aux contraintes économiques. Même mieux: qu’ils parviennent à s’en affranchir. Et que l’Allemagne exporte presque autant que la Chine, que des philosophes allemands, plus soucieux de la pensée et de leurs cours à l’Université que d’un passage sur un plateau de télévision, pèsent dans les grands débats nationaux, à l’image du dernier article de Jürgen Habermas "Rendons l’Europe plus démocratique" publié dans Le Monde du 25 octobre, que sa presse nationale quotidienne ne subit pas par exemple -et l’exemple est la chose même- les avaries de distribution causées par un syndicat du livre tout puissant et, enfin, que le voisin outre-Rhin pourra sortir à terme du nucléaire sans trop d’encombres. Un vrai programme présidentiel. Et à même, comme le disent les Allemands, de les faire vivre "wie Gott im Frankreich".
Quant à l’Europe dont il est tellement question ces jours-ci, plusieurs publications pointent l’absentéisme des eurodéputés français ou leur moindre productivité en terme de rapports déposés ou de questions adressées au Parlement européen (3,9 et 20,66 pour les Allemands contre 2,01 et 12,53 pour les Français selon une étude du Parlement européen en 2008): une tendance confirmée en 2010 par une analyse de Parlorama.eu: "parmi les pays les plus actifs, et indépendamment de la taille de leurs délégations, on retrouve notamment les députés allemands". Faut-il y voir une conséquence de la sélection, en France, des candidats à la députation européenne ? Au mieux des recalés du parisianisme, au pire un quidam dont la seule compétence tient aux services rendus à un nobliau local.
En clair, c’est sans doute en raison du scrupuleux respect de ces exigences démocratiques que les Allemands se soumettent sans trop rechigner aux contraintes économiques. Même mieux: qu’ils parviennent à s’en affranchir. Et que l’Allemagne exporte presque autant que la Chine, que des philosophes allemands, plus soucieux de la pensée et de leurs cours à l’Université que d’un passage sur un plateau de télévision, pèsent dans les grands débats nationaux, à l’image du dernier article de Jürgen Habermas "Rendons l’Europe plus démocratique" publié dans Le Monde du 25 octobre, que sa presse nationale quotidienne ne subit pas par exemple -et l’exemple est la chose même- les avaries de distribution causées par un syndicat du livre tout puissant et, enfin, que le voisin outre-Rhin pourra sortir à terme du nucléaire sans trop d’encombres. Un vrai programme présidentiel. Et à même, comme le disent les Allemands, de les faire vivre "wie Gott im Frankreich".