La course aux présidentielles de 2012 a bien commencé mais chacun des candidats potentiels suit son propre rythme, sinon ses propres règles. Ce qui complique singulièrement la tâche de Nicolas Sarkozy. Le chef de l’Etat a cru réduire les risques en décrétant l’absence de primaires à droite. Cette manoeuvre ne suffira sans doute pas à lever la lourde hypothèque qui pèse sur sa réélection : cette décision est d’ailleurs loin de faire l’unanimité au sein de l’UMP, en particulier parmi les proches de François Fillon. Les conditions avantageuses du maintien de ce dernier à Matignon et sa forte popularité dans l’opinion publique conservatrice en font un présidentiable des plus crédibles. Le tableau se compliquera par surcroît en début d’année prochaine avec l’arrivée de Marine Le Pen, vraisemblablement la future présidente du Front National. L’amorce de sa campagne sur le thème du « parler vrai » a toutes les chances de séduire les nombreux déçus du sarkozysme. Tous ne pourront ou ne voudront pas trouver refuge auprès de Jean-Louis Borloo. Plus à gauche, l’obsédant silence de Dominique Strauss-Kahn sur ses intentions réelles ou supposées, nourrit un étrange mystère qui participe, si l’on est un peu gaullien, à la grandeur du personnage.
Une méthode doublée d'une dynamique
A force d’éviter de nommer les choses par leur nom, d’aseptiser la parole politique pour minimiser le risque électoral et circonvenir l’incendie diplomatique -Wikileaks en témoigne-, les partis traditionnels, à de rares exceptions près avec, par exemple, Manuel Valls rue de Solférino, ont laissé le champ libre à un autre niveau de discours : celui à même d’en subvertir l’idée et sa finalité. Deux candidats en ont compris la portée : Marine le Pen provoque, DSK se tait. Malgré les idées qui les opposent, les déclarations provocantes de la première et le silence habilement réfugié dans ses fonctions pour le second possèdent un dénominateur commun : il s’agit d’une méthode doublée d’une dynamique. Marine Le Pen a bien l’intention d’amener le Front National là où Gianfranco Fini a purgé le Mouvement Social Italien fascisant pour le transformer en « Alliance nationale » dès 1995. Et DSK se fait fort d’apparaître comme le leader d’une gauche rénovée, débarrassée de son passé dogmatique et volontiers réconciliatrice des salariés avec les entreprises. Une tactique commune autour du verbe -le dit et le non dit- qui prive le chef de l’Etat de son atout maître des élections de 2007. Et un mouvement en étau qui se tient à distance du centre tout en s’y approchant au plus près. Centre dont l’UMP aura un besoin vital au second tour : quel espace, dans ces conditions, restera-t-il au candidat élyséen pour remporter un nouveau mandat?