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Troyes: Quand la surdité ouvre le champ des possibles


Par Monique CUGNOT Rédigé le 04/07/2019 (dernière modification le 05/07/2019)

Oceane Andrzejczak est atteinte de surdité profonde. Elle a dix-neuf ans. Elle est étudiante infirmière à l’Institut de formation des métiers de la santé (IFMS) à Sens. La native de Troyes est passionnée de danse modern-jazz/classique depuis sa plus tendre enfance. Elle jure que son handicap n’est pas un frein à la réalisation de ses projets, bien au contraire. Rencontre.


Oceane Andrzejczak a une passion dévorante pour la danse modern-jazz depuis sa plus tendre enfance (c) photographe Frédérique Behl
Oceane Andrzejczak a une passion dévorante pour la danse modern-jazz depuis sa plus tendre enfance (c) photographe Frédérique Behl
Française avec des origines polonaises du côté de son père, Oceane est une jeune femme aux cheveux châtains, d’un mètre cinquante-six. Elle se préfère au naturel et réserve les tenues sophistiquées et la mise en beauté pour les événements. Cela ne l’empêche pas d’attirer les regards avec ses grands yeux bleus saphir.

Sa famille la décrit comme "une battante, pleine de courage avec une générosité exemplaire", témoigne avec sourire Oceane. En couple depuis deux ans et demi, son petit ami la soutient et s'adapte à son handicap invisible. Tout comme lui, ses amis l’acceptent telle qu’elle est. Alors qu’elle n’avait que quatorze mois, ses grands-parents remarquent qu’elle ne réagit pas à leurs appels. Son papi fait un test avec des coups de sifflets dans son dos. Aucune réaction du jeune enfant. Dès lors, Laurence Besnard, sa mère et son grand-père décident de prendre les devants et sollicitent l’aide de spécialistes de l’hôpital Trousseau de Paris. Oceane suivra toute une batterie d’examens. Le verdict tombe : « votre fille est atteinte du syndrome de Waardenburg de type 1, c’est-à-dire de surdité sévère bilatérale", a-t-on annoncé à Laurence. Atterrée, elle fait le douloureux constat que sa fille est la seule à être touchée par cette pathologie, dans leur famille. Son grand frère, de cinq ans son aîné en a été épargné. Elle a alors suivi le protocole de port d'appareils auditifs pendant un an, sans succès. Une décision s’impose. Oceane portera des implants cochléaires. A 3 ans, elle se fait opérer de l'oreille droite puis celle de gauche, à ses 12 ans, toujours à l’hôpital Trousseau avant d’être transférer à celui de Necker. Depuis l'été 2018, elle est suivie à la clinique de Champagne de Reims. L’étudiante se rappelle des nombreuses séances d'orthophonie à Sainte-Savine (Aube) plusieurs fois par semaine avant de les voir se diminuer. Désormais, elle va à l’hôpital au moins une fois par an pour des surveillances. C'est un handicap dit « invisible » faisant partie des quatre-vingt pourcent de handicap qui touchent la population handicapée. Bien qu’elle s’exprime correctement ("les personnes sourdes ont tendance à avoir un petit accent"), elle rencontre tout de même des difficultés au quotidien.

Scolarité et parcours du combattant

Quoi qu'il arrive, Oceane Andrzejczak garde la tête haute (c) photograpghe Frédérique Behl
Quoi qu'il arrive, Oceane Andrzejczak garde la tête haute (c) photograpghe Frédérique Behl
Dès la maternelle, Oceane a été "mise de côté". Sa mère se souvient de quelques anecdotes qu’elle préfère ne pas évoquer. Les années passent. Oceane compose avec son handicap comme n’importe quelle fille de son âge.
Depuis septembre 2018, elle réside à Sens pour les études chez une particulière : "une adorable personne âgée avec son petit chihuahua". En fin de 1e année à l'IFMS (Institut de Formation des Métiers de la Santé), elle se prépare à devenir infirmière. Une vocation de petite fille qu’elle approche, elle qui a passé le plus clair de son temps à fréquenter les centres hospitaliers.
Aussitôt les stages démarrés, la jeune femme est bien déterminée à montrer ce dont elle est capable. Elle affirme que son "handicap ne l’a jamais freiné dans quoi que ce soit. Au contraire, c'est une véritable force ! ".
Impressionnés par son courage et son implication, ses tuteurs de stages discutent parfois de la surdité d’autres personnes et saluent davantage sa ténacité. Au sein de son école, elle bénéficie d’un tiers-temps en plus lors des épreuves, c’est-à-dire du temps supplémentaire en fonction de la durée de l'examen, en lien avec la compréhension de texte et la formulation des phrases.
A côté du métier qu’elle brigue, Océane a une passion dévorante pour la danse.
troyes__quand_la_surdite_ouvre_le_champ_des_possibles.mp3 Troyes. Quand la surdité ouvre le champ des possibles.mp3  (9.01 Mo)


S’exprimer pour s’évader

C’est à l'âge de 3 ans et demi qu’elle fait ses premiers pas en danse. Partagée entre le modern-jazz qu’elle a d’abord découvert, elle se laisse tenter par le classique qu’elle affectionne tout autant. Même si elle a du arrêter pour se consacrer pleinement à ses études qu’elle poursuit à Sens, elle compte reprendre en septembre prochain. C'est sa mère qui l’a inscrite et depuis "l'amour de cette passion s'est développée et a su me garder auprès d'elle", livre Océane. Une passion qui permet aussi de s’évader face aux moqueries des camarades de classe. Cela commence au collège... A l’heure ou les adolescent(e)s se cherchent, se testent et s’exercent, Océane est victime de discriminations. Elle révèle que "le pire était au lycée. Seules l'infirmière et l'assistante sociale ont su l'écouter et l'accompagner dans les pires moments". Pourtant, ce n’est pas faute d’en avoir discuté avec la directrice adjointe et au CPE restés selon elle, complètement inertes. Cela a duré deux ans. Des heures, des jours, des semaines, des mois de trop... Très vite, elle ressent le besoin de se rapprocher d’un groupe de paroles dans lequel elle échange avec une infirmière psychologue. Garder le moral pour rester la tête haute, être bien dans son corps et s’évader, s’exprimer, s’ouvrir aux professionnels pour combiner à la fois "expression orale et corporelle". En bref, elle revit et excelle à ce moment-là en danse.

Mais la fille qu’on qualifie de téméraire ne s’arrête pas là. Elle découvre sur les réseaux sociaux qu’un concours de beauté exclusivement ouvert aux personnes en situation de handicap visible ou non visible s’organise dans le Grand Est et énorme chance pour elle... dans son département de naissance. Elle décide de se lancer dans cette aventure et décroche le titre de première dauphine Miss handi Grand Est. "Rare sont les événements dédiés aux handicapés et c’est bien dommage", relate la demoiselle de beauté. Ce graal lui permet de montrer que la population handi existe, qu’elle respire comme tout être humain et qu’elle a surtout le droit d’être respectée, entendue, écoutée et jouir des mêmes droits que les personnes valides. Bien plus qu’une écharpe, elle a surtout rencontré une nouvelle famille avec qui elle a passé une soirée exceptionnelle et sensationnelle. A cette occasion, elle a interprété une chanson en langue des signes française (LSF), apprise au lycée : on "écrit sur les murs de Kids United". Cette chanson lui permet de faire passer un message, de transmettre du courage et de laisser de côté les plus médisants. La LSF est peu courante. Oceane aimerait tant qu'elle se développe comme une langue étrangère qu’on apprend dès la maternelle ou l’élémentaire. Apprendre pour mieux avancer, en se remémorant ô combien : "on peut être heureux et handicapé mais on ne peut pas être heureux d’être handicapé ", citation de J-M Barbier, ancien président de l’APF (association des paralysés de France) sont autant de choses qui renforcent son leitmotiv.

En savoir plus sur Oceane Andrzejczak

Oceane Andrzejczak s'adonne également à la danse classique (c) photographe Frédérique Behl
Oceane Andrzejczak s'adonne également à la danse classique (c) photographe Frédérique Behl
Née le 17 Janvier 2000 à Troyes, elle réside à Mesnil-Sellières depuis sa naissance jusqu’à l’entrée dans son école d’infirmière à Sens. Elle partage sa vie entre son village natal et Sens, où elle y entame ses études. Elle est en couple depuis deux ans et demi, a un grand frère de 24 ans et une petite demi-soeur de 8 ans.









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