Paul Biya (à gauche), O. Obasanjo (à droite), entourés de Kofi Annan alors Secrétaire général de l'Onu, lors de la signature de l'Accord de Greentree le 12 juin 2006.
Cameroun-Nigeria (2.81 Mo)
Pas de place pour quelque triomphalisme. Mais une cohérence certaine, dans la démarche des autorités camerounaises.
La sobriété de Yaoundé tranchait pourtant avec l’importance des enjeux que cristallise la date du 14 août 2013. Ce jour là, le Cameroun recouvrait sa pleine souveraineté sur la presqu’île de Bakassi, dans la Région du Sud-Ouest. "Ce jour marque la fin d’une période transitoire qui remonte à l’année 2008. Désormais, les autorités administratives camerounaises ne sont plus, pour ainsi dire, sous surveillance des Nations Unies", explique un fin connaisseur du dossier, contraint à l’anonymat.
La sobriété de Yaoundé tranchait pourtant avec l’importance des enjeux que cristallise la date du 14 août 2013. Ce jour là, le Cameroun recouvrait sa pleine souveraineté sur la presqu’île de Bakassi, dans la Région du Sud-Ouest. "Ce jour marque la fin d’une période transitoire qui remonte à l’année 2008. Désormais, les autorités administratives camerounaises ne sont plus, pour ainsi dire, sous surveillance des Nations Unies", explique un fin connaisseur du dossier, contraint à l’anonymat.
Cela faisait sept ans que, suite à l’Accord de Green Tree du 12 juin 2006, les présidents Paul Biya et Olusegun Obansajo, s’étaient engagés à assurer une mise en œuvre harmonieuse de la décision de la Cour internationale de justice, reconnaissant la "camerounité" de Bakassi dès le 10 octobre 2002. Fruit de longues et patientes tractations entre le Cameroun et le Nigeria, cet instrument, avait été paraphé sous l’égide des Nations Unies et en présence d’Etats-témoins (Etats-Unis, Grande-Bretagne, Allemagne, France). En droite ligne de cet Accord, le Nigeria a procédé au retrait de son administration immédiatement en 2006, avant de retirer ses forces militaires de la zone, le 14 août 2008. Le processus n’était pourtant pas rendu à son dénouement.
Tout en étant faisant confiance aux deux parties, les Nations-Unies ne perdaient pas de vue que le processus de normalisation était encore exposé à quelques contrariétés. "Nous étions dans une situation délicate et les enjeux nécessitaient un minimum de prudence. N’oublions pas que la décision de la Cour internationale de justice était régulièrement critiquée par des acteurs politiques des Etats fédérés du Nigeria, limitrophes de la presqu’île de Bakassi, pour des raisons politiques et économiques", analyse un expert proche du dossier. Qui se fait plus explicite: "Un Etat comme celui du Cross River par exemple, tire la totalité de ses ressources de l’exploitation pétrolière dans la zone. Or, avec l’Arrêt de Green Tree, il voit ces revenus chuter de 80%. Convenons que ce n’était pas facile à admettre. D’où l’idée de cinq années de transition qui viennent de s’achever et qui ont permis de conjurer le spectre de la contestation".
Une page des relations entre le Cameroun et le Nigeria est donc tournée après vingt années d’un différend frontalier qui éclate en décembre 1993, avec l’invasion par l’armée nigériane, de la presqu’île de Bakassi, réputée riche en ressources halieutiques et pétrolières. A l’époque, Abuja tire prétexte de ce que ses ressortissants, majoritaires dans la région, seraient victimes des exactions des forces de l’ordre camerounaises. Mais, dans le même temps, des experts croient savoir qu’il s’agit pour les autorités nigérianes, de détourner l’attention des populations ailleurs que dans les difficultés internes. Il n’empêche. Le conflit est ponctué par des affrontements entre les armées des deux pays. Et peut-être surtout par le choix, dès 1994, du président Paul Biya, de la voie d’un règlement pacifique de la crise. Ce qui le conduit à solliciter l’arbitrage de la Cour internationale de justice, pour se prononcer sur l’ensemble de la frontière maritime et terrestre entre les deux pays. Deux décennies d’incertitudes se sont achevées le 14 août 2013. Restent les perspectives.
"Le Nigeria a montré des signes évidents de ce que la phase conflictuelle est derrière nous. Il a décidé de capitaliser cette histoire essentiellement sur le plan économique. Pour Abuja, le Cameroun doit devenir la porte d’entrée du marché sous-régional de la Cemac (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale, forte de quelques 40 millions d’habitants, Ndlr). "Je suis d’ailleurs convaincu que c’est une réflexion qui remonte à bien avant même me verdict de la Cour internationale de justice", explique le spécialiste non autorisé à s’exprimer publiquement sur le sujet. Et il n’y aurait, pour le Nigeria pas que des intérêts économiques. "Ce pays semble avoir décidé de faire du Cameroun un excellent allié sur la diplomatique, en s’assurant le soutien de Yaoundé, qui peut entraîner celui des Etats de la Cemac, voire de la sphère francophone pour des enjeux de positionnement sur la scène internationale", ajoute-t-il.
Le Cameroun, de son côté est bien conscient de ses intérêts dans ce qui pourrait être le couple Cameroun-Nigeria. "Le Nigeria est dorénavant une opportunité. C’est un marché de 160 millions d’habitants pour notre économie et c’est le débouché le plus immédiat et le plus important en plus de la Cemac. Ce qui offre à nos entreprises, à notre agriculture, à nos hommes d’affaires un champ presque infini de possibilités. On voit d’ailleurs que les échanges se sont accrus de façon exponentielle. "Selon les chiffres de la Banque mondiale, le Nigeria en 2011 était le premier exportateur au Cameroun", affirme Pierre Moukoko Mbonjo, ministre camerounais des Relations extérieures.
Des experts partagent cette vision. Et se montrent même plus exigeants sur la coopération entre la France et le Nigeria. "Avec les évolutions en cours, Abuja devrait être la principale mission diplomatique du Cameroun, plutôt que Paris", dit le spécialiste sous anonymat. Qui ne manque pas de regretter que les autorités camerounaises, soient encore si peu actives et si peu portées à l’anticipation, dans tant de domaines. Illustration toute symbolique de cette attitude de Yaoundé : les autorités n’ont pas pu faire construire une chancellerie à Abuja où pourtant le Nigeria leur a fait don d’une parcelle de terrain dans ce sens. Sans doute ce geste, attendu, constitue-t-il une pierre précieuse dans le nouveau chantier de la coopération camerouno-nigériane.
Tout en étant faisant confiance aux deux parties, les Nations-Unies ne perdaient pas de vue que le processus de normalisation était encore exposé à quelques contrariétés. "Nous étions dans une situation délicate et les enjeux nécessitaient un minimum de prudence. N’oublions pas que la décision de la Cour internationale de justice était régulièrement critiquée par des acteurs politiques des Etats fédérés du Nigeria, limitrophes de la presqu’île de Bakassi, pour des raisons politiques et économiques", analyse un expert proche du dossier. Qui se fait plus explicite: "Un Etat comme celui du Cross River par exemple, tire la totalité de ses ressources de l’exploitation pétrolière dans la zone. Or, avec l’Arrêt de Green Tree, il voit ces revenus chuter de 80%. Convenons que ce n’était pas facile à admettre. D’où l’idée de cinq années de transition qui viennent de s’achever et qui ont permis de conjurer le spectre de la contestation".
Une page des relations entre le Cameroun et le Nigeria est donc tournée après vingt années d’un différend frontalier qui éclate en décembre 1993, avec l’invasion par l’armée nigériane, de la presqu’île de Bakassi, réputée riche en ressources halieutiques et pétrolières. A l’époque, Abuja tire prétexte de ce que ses ressortissants, majoritaires dans la région, seraient victimes des exactions des forces de l’ordre camerounaises. Mais, dans le même temps, des experts croient savoir qu’il s’agit pour les autorités nigérianes, de détourner l’attention des populations ailleurs que dans les difficultés internes. Il n’empêche. Le conflit est ponctué par des affrontements entre les armées des deux pays. Et peut-être surtout par le choix, dès 1994, du président Paul Biya, de la voie d’un règlement pacifique de la crise. Ce qui le conduit à solliciter l’arbitrage de la Cour internationale de justice, pour se prononcer sur l’ensemble de la frontière maritime et terrestre entre les deux pays. Deux décennies d’incertitudes se sont achevées le 14 août 2013. Restent les perspectives.
"Le Nigeria a montré des signes évidents de ce que la phase conflictuelle est derrière nous. Il a décidé de capitaliser cette histoire essentiellement sur le plan économique. Pour Abuja, le Cameroun doit devenir la porte d’entrée du marché sous-régional de la Cemac (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale, forte de quelques 40 millions d’habitants, Ndlr). "Je suis d’ailleurs convaincu que c’est une réflexion qui remonte à bien avant même me verdict de la Cour internationale de justice", explique le spécialiste non autorisé à s’exprimer publiquement sur le sujet. Et il n’y aurait, pour le Nigeria pas que des intérêts économiques. "Ce pays semble avoir décidé de faire du Cameroun un excellent allié sur la diplomatique, en s’assurant le soutien de Yaoundé, qui peut entraîner celui des Etats de la Cemac, voire de la sphère francophone pour des enjeux de positionnement sur la scène internationale", ajoute-t-il.
Le Cameroun, de son côté est bien conscient de ses intérêts dans ce qui pourrait être le couple Cameroun-Nigeria. "Le Nigeria est dorénavant une opportunité. C’est un marché de 160 millions d’habitants pour notre économie et c’est le débouché le plus immédiat et le plus important en plus de la Cemac. Ce qui offre à nos entreprises, à notre agriculture, à nos hommes d’affaires un champ presque infini de possibilités. On voit d’ailleurs que les échanges se sont accrus de façon exponentielle. "Selon les chiffres de la Banque mondiale, le Nigeria en 2011 était le premier exportateur au Cameroun", affirme Pierre Moukoko Mbonjo, ministre camerounais des Relations extérieures.
Des experts partagent cette vision. Et se montrent même plus exigeants sur la coopération entre la France et le Nigeria. "Avec les évolutions en cours, Abuja devrait être la principale mission diplomatique du Cameroun, plutôt que Paris", dit le spécialiste sous anonymat. Qui ne manque pas de regretter que les autorités camerounaises, soient encore si peu actives et si peu portées à l’anticipation, dans tant de domaines. Illustration toute symbolique de cette attitude de Yaoundé : les autorités n’ont pas pu faire construire une chancellerie à Abuja où pourtant le Nigeria leur a fait don d’une parcelle de terrain dans ce sens. Sans doute ce geste, attendu, constitue-t-il une pierre précieuse dans le nouveau chantier de la coopération camerouno-nigériane.