Traitement de la douleur chronique par stimulation corticale (efficacité et mécanismes d’action)
Par Jean-Pascal Lefaucheur Professeur, Service de Physiologie – Explorations Fonctionnelles, Hôpital Henri Mondor, Créteil
Les douleurs neuropathiques, liées à une lésion du système nerveux périphérique et/ou central, sont difficiles à traiter. Le traitement pharmacologique repose principalement sur les anticonvulsivants et les antidépresseurs. En cas d’échec, les techniques de neurostimulation, totalement conservatrices et réversibles, représentent une alternative thérapeutique majeure. La neuromodulation analgésique peut s’exercer à trois niveaux :
- médullaire
- cérébral profond
- ou cortical
La stimulation médullaire (colonnes dorsales de la moelle) est proposée pour contrôler des douleurs secondaires à des lésions nerveuses périphériques incomplètes, notamment les douleurs radiculaires liées aux échecs de la chirurgie du dos. La stimulation cérébrale profonde, s’appliquant principalement aux noyaux sensitifs du thalamus, est invasive et n’est plus pratiquée en dehors de quelques centres spécialisés. En revanche, la stimulation du cortex précentral (moteur) tend à se développer et s’adresse théoriquement à toute douleur neuropathique chronique rebelle. Les premières études montrant un effet antalgique de la stimulation chronique du cortex moteur au moyen d’électrodes implantées chirurgicalement (dans l’espace épidural) ont été rapportées en 1991-1993 chez des patients présentant des douleurs centrales thalamiques ou des douleurs trigéminales neuropathiques. L’efficacité de la stimulation du cortex moteur a maintenant été confirmée par une vingtaine d’études portant sur plusieurs centaines de patients. Cette efficacité dépend en grande partie de la qualité du positionnement des électrodes épidurales dans le territoire cortical homotopique à la douleur. Par ailleurs, des effets antalgiques transitoires ont également été obtenus par la stimulation magnétique transcrânienne répétitive du cortex, une méthode non-invasive de modulation de l’activité corticale, de plus en plus étudiée comme nouvel outil de neuromodulation thérapeutique.
Les mécanismes d’action impliqués dans les effets antalgiques de la stimulation du cortex moteur mettent en jeu de façon certaine des structures à distance du site de stimulation.
Ces structures appartiennent au système limbique (gyrus cingulaire, cortex orbito-frontal) ou aux voies descendantes inhibitrices de la nociception (thalamus, tronc cérébral, moelle). En effet, la neurostimulation implantée, quelle qu’elle soit, affecte préférentiellement les fibres de passage, interneuronales, plutôt que les corps cellulaires neuronaux. Les modélisations concernant la stimulation du cortex moteur à visée antalgique font état d’une activation essentiellement cathodale des axones orientés parallèlement à la surface corticale, localisés dans les couches les plus superficielles du cortex cérébral. Les neuromédiateurs impliqués seraient l’acide gamma-amino-butyrique ou les opioïdes. La stimulation corticale semble aussi bien agir sur les aspects sensori-discriminatifs qu’affectivo émotionnels de la douleur chronique, peut-être en fonction des mécanismes préférentiellement impliqués dans les syndromes douloureux présentés par les patients.
Les douleurs neuropathiques, liées à une lésion du système nerveux périphérique et/ou central, sont difficiles à traiter. Le traitement pharmacologique repose principalement sur les anticonvulsivants et les antidépresseurs. En cas d’échec, les techniques de neurostimulation, totalement conservatrices et réversibles, représentent une alternative thérapeutique majeure. La neuromodulation analgésique peut s’exercer à trois niveaux :
- médullaire
- cérébral profond
- ou cortical
La stimulation médullaire (colonnes dorsales de la moelle) est proposée pour contrôler des douleurs secondaires à des lésions nerveuses périphériques incomplètes, notamment les douleurs radiculaires liées aux échecs de la chirurgie du dos. La stimulation cérébrale profonde, s’appliquant principalement aux noyaux sensitifs du thalamus, est invasive et n’est plus pratiquée en dehors de quelques centres spécialisés. En revanche, la stimulation du cortex précentral (moteur) tend à se développer et s’adresse théoriquement à toute douleur neuropathique chronique rebelle. Les premières études montrant un effet antalgique de la stimulation chronique du cortex moteur au moyen d’électrodes implantées chirurgicalement (dans l’espace épidural) ont été rapportées en 1991-1993 chez des patients présentant des douleurs centrales thalamiques ou des douleurs trigéminales neuropathiques. L’efficacité de la stimulation du cortex moteur a maintenant été confirmée par une vingtaine d’études portant sur plusieurs centaines de patients. Cette efficacité dépend en grande partie de la qualité du positionnement des électrodes épidurales dans le territoire cortical homotopique à la douleur. Par ailleurs, des effets antalgiques transitoires ont également été obtenus par la stimulation magnétique transcrânienne répétitive du cortex, une méthode non-invasive de modulation de l’activité corticale, de plus en plus étudiée comme nouvel outil de neuromodulation thérapeutique.
Les mécanismes d’action impliqués dans les effets antalgiques de la stimulation du cortex moteur mettent en jeu de façon certaine des structures à distance du site de stimulation.
Ces structures appartiennent au système limbique (gyrus cingulaire, cortex orbito-frontal) ou aux voies descendantes inhibitrices de la nociception (thalamus, tronc cérébral, moelle). En effet, la neurostimulation implantée, quelle qu’elle soit, affecte préférentiellement les fibres de passage, interneuronales, plutôt que les corps cellulaires neuronaux. Les modélisations concernant la stimulation du cortex moteur à visée antalgique font état d’une activation essentiellement cathodale des axones orientés parallèlement à la surface corticale, localisés dans les couches les plus superficielles du cortex cérébral. Les neuromédiateurs impliqués seraient l’acide gamma-amino-butyrique ou les opioïdes. La stimulation corticale semble aussi bien agir sur les aspects sensori-discriminatifs qu’affectivo émotionnels de la douleur chronique, peut-être en fonction des mécanismes préférentiellement impliqués dans les syndromes douloureux présentés par les patients.
De la nociception à la douleur de l’homme : la douleur dans la relation médecin-malade
Jean Cambier, membre de l’Académie nationale de médecine
Des gestes invasifs sont réalisés sous hypnose. Une telle mobilisation des dispositifs anti-nociceptifs est l’illustration des déterminants psychologiques qui personnalisent la relation médicale. La douleur-maladie, vécue dans la durée, tend à imprimer sa marque exclusive à la vie du patient. Tout en dévoilant l’inégalité de la tolérance à la douleur, le comportement du patient se plie aux réactions de l’entourage. C’est, en premier lieu, au médecin que s’adresse le malade. S’interroger sur les facteurs inconscients qui interviennent dans une telle confrontation revient à se pencher sur l’effet placebo.
Les régions du cerveau activées lors d’une analgésie-placebo sont les mêmes que celles qui le sont par les opiacés, le degré d’activation variant suivant que le sujet est haut ou bas répondeur. L’action attribuée à un médicament ou à toute autre intervention médicale à visée thérapeutique lui appartient pour une part. Cette part varie avec la personnalité et les expériences antérieures du patient mais aussi suivant la conduite de l’expérimentation au point qu’une parole malencontreuse, la présentation maladroite du protocole, les explications relatives au consensus préalable, une rumeur critique relative à l’essai peuvent générer un effet « nocebo ». L’effet placebo qui révèle la confiance et l’attente du patient engage en retour la personnalité du thérapeute.
Chaque médication a ses indications. Chaque fois qu’il est possible, elle s’inscrit dans un programme d’animation : kinésithérapie, ergothérapie voire hydrothérapie ou cures thermales. Pour établir ce programme, le praticien peut faire appel à une consultation spécialisée. Tout centre spécialisé a une vocation de recherche. Pour expérimenter, il faut classer les patients. Or la douleur chronique supporte mal les étiquettes. La démarche qui retient les points communs a pour effet de négliger ce qui fait le propre de la douleur de chacun. La qualité de la relation médecin-malade risque d’en souffrir. La société se mobilise contre la douleur, notre réunion en témoigne. Mais n’oublions pas que l’appel du patient est adressé en personne à celui ou à ceux qui ont mission de le soulager. Outre l’arsenal thérapeutique, chacun de ces intervenants dispose d’un « pouvoir de guérir » qui, pour l’acte médical, constitue un complément de valeur ajoutée.
Des gestes invasifs sont réalisés sous hypnose. Une telle mobilisation des dispositifs anti-nociceptifs est l’illustration des déterminants psychologiques qui personnalisent la relation médicale. La douleur-maladie, vécue dans la durée, tend à imprimer sa marque exclusive à la vie du patient. Tout en dévoilant l’inégalité de la tolérance à la douleur, le comportement du patient se plie aux réactions de l’entourage. C’est, en premier lieu, au médecin que s’adresse le malade. S’interroger sur les facteurs inconscients qui interviennent dans une telle confrontation revient à se pencher sur l’effet placebo.
Les régions du cerveau activées lors d’une analgésie-placebo sont les mêmes que celles qui le sont par les opiacés, le degré d’activation variant suivant que le sujet est haut ou bas répondeur. L’action attribuée à un médicament ou à toute autre intervention médicale à visée thérapeutique lui appartient pour une part. Cette part varie avec la personnalité et les expériences antérieures du patient mais aussi suivant la conduite de l’expérimentation au point qu’une parole malencontreuse, la présentation maladroite du protocole, les explications relatives au consensus préalable, une rumeur critique relative à l’essai peuvent générer un effet « nocebo ». L’effet placebo qui révèle la confiance et l’attente du patient engage en retour la personnalité du thérapeute.
Chaque médication a ses indications. Chaque fois qu’il est possible, elle s’inscrit dans un programme d’animation : kinésithérapie, ergothérapie voire hydrothérapie ou cures thermales. Pour établir ce programme, le praticien peut faire appel à une consultation spécialisée. Tout centre spécialisé a une vocation de recherche. Pour expérimenter, il faut classer les patients. Or la douleur chronique supporte mal les étiquettes. La démarche qui retient les points communs a pour effet de négliger ce qui fait le propre de la douleur de chacun. La qualité de la relation médecin-malade risque d’en souffrir. La société se mobilise contre la douleur, notre réunion en témoigne. Mais n’oublions pas que l’appel du patient est adressé en personne à celui ou à ceux qui ont mission de le soulager. Outre l’arsenal thérapeutique, chacun de ces intervenants dispose d’un « pouvoir de guérir » qui, pour l’acte médical, constitue un complément de valeur ajoutée.