Buste de Niccolò Macchiavelli. (c) Helena Meijer
Proche conseiller du pouvoir à Florence dans l'Italie de la Renaissance, Machiavel s'interrogeait, non sans un certain cynisme qui lui a survécu, sur les raisons qui garantissaient le maintien, ou au contraire précipitaient la chute d'un homme d'État, qu'il ait acquis le pouvoir par un plèbiscite populaire ou par un coup d'État sanglant. Nous prendrons ici cinq de ses réflexions qui ont récemment trouvé écho dans l'actualité.
1) Les exactions, les actes de cruauté et leur fréquence : « Quelqu’un pourra demander pourquoi [...] quelque autre tyran semblable put, malgré une infinité de trahisons et de cruautés, vivre longtemps en sûreté dans sa patrie, se défendre contre ses ennemis extérieurs, et n’avoir à combattre aucune conjuration formée par ses concitoyens ; tandis que plusieurs autres, pour avoir été cruels, n’ont pu se maintenir ni en temps de guerre, ni en temps de paix. Je crois que la raison de cela est dans l’emploi bon ou mauvais des cruautés. Les cruautés sont bien employées (si toutefois le mot bien peut être jamais appliqué à ce qui est mal), lorsqu’on les commet toutes à la fois, [...] lorsqu’on n’y persiste pas, et qu’on les fait tourner, autant qu’il est possible, à l’avantage des sujets. Elles sont mal employées, au contraire, lorsque, peu nombreuses dans le principe, elles se multiplient avec le temps au lieu de cesser. » Ainsi, les 23 ans de mandat de l'ex-président tunisien Ben Ali, orchestrées par la répression systématique de toute opposition, avec un corps policier aux méthodes miliciennes (tortures, séquestration...), se sont-elles soldées par un mouvement de révolte qui a conduit à la Révolution de jasmin.
1) Les exactions, les actes de cruauté et leur fréquence : « Quelqu’un pourra demander pourquoi [...] quelque autre tyran semblable put, malgré une infinité de trahisons et de cruautés, vivre longtemps en sûreté dans sa patrie, se défendre contre ses ennemis extérieurs, et n’avoir à combattre aucune conjuration formée par ses concitoyens ; tandis que plusieurs autres, pour avoir été cruels, n’ont pu se maintenir ni en temps de guerre, ni en temps de paix. Je crois que la raison de cela est dans l’emploi bon ou mauvais des cruautés. Les cruautés sont bien employées (si toutefois le mot bien peut être jamais appliqué à ce qui est mal), lorsqu’on les commet toutes à la fois, [...] lorsqu’on n’y persiste pas, et qu’on les fait tourner, autant qu’il est possible, à l’avantage des sujets. Elles sont mal employées, au contraire, lorsque, peu nombreuses dans le principe, elles se multiplient avec le temps au lieu de cesser. » Ainsi, les 23 ans de mandat de l'ex-président tunisien Ben Ali, orchestrées par la répression systématique de toute opposition, avec un corps policier aux méthodes miliciennes (tortures, séquestration...), se sont-elles soldées par un mouvement de révolte qui a conduit à la Révolution de jasmin.
2) L'ouverture d'esprit et l'éclairage de l'Histoire : « Le prince doit lire les historiens, y considérer les actions des hommes illustres, examiner leur conduite dans la guerre, rechercher les causes de leurs victoires et celles de leurs défaites, et étudier ainsi ce qu’il doit imiter et ce qu’il doit fuir. Il doit faire surtout ce qu’ont fait plusieurs grands hommes, qui, prenant pour modèle quelque ancien héros bien célèbre, avaient sans cesse sous leurs yeux ses actions et toute sa conduite, et les prenaient pour règles. » Ce précepte n'est guère suivi par le colonel Mouammar Kadhafi qui, loin de s'émouvoir des faits d'actualités d'ores-et-déjà tournés en pages historiques dans les pays voisins, continue en Libye à exercer son pouvoir autocratique tourné vers lui-même et son culte de la personnalité. Une grande partie de la communauté internationale a condamné ses prises de position jugées "effrayantes" et "aveugles aux réalités".
Manifestation anti-massacres à Tokyo le 23 février 2011 devant l'ambassade de Libye. (c) Hajime Nakano
3) Des qualités et des vices : « Il serait très beau, sans doute, et chacun en conviendra, que toutes les bonnes qualités [...] se trouvassent réunies dans un prince. Mais, comme cela n’est guère possible, et que la condition humaine ne le comporte point, il faut qu’il ait au moins la prudence de fuir ces vices honteux qui lui feraient perdre ses États. » Que n'en a pas fait l'ancien président de la République arabe d'Egypte, Mohammed Hosni Moubarak ; prompt à afficher ses qualités de négociateur dans les conflits israélo-palestiniens, appréciées des États-Unis, il n'a par ailleurs pas pu occulter la corruption généralisée dans les organes de son État policier. Première spectatrice et victime de ces inégalités croissantes, la population egyptienne s'est embrasée lorsque la goutte d'eau a fait déborder le vase : la mise en lumière de la corruption de son fils Alaa lors d'affaires de marchés publics et de privatisations, et la montée en puissance de son autre fils Gamal qui était pressenti pour lui succéder à la tête de l'État. Il n'était plus possible à Moubarak de cacher les vices de son système, dans un pays où l'opposition clandestine, en particulier l'association des Frères Musulmans, en était arrivée à financer des établissements scolaires délaissés par le gouvernement.
4) Ne pas être détesté du plus grand nombre : « Le mépris et la haine sont sans doute les écueils dont il importe le plus aux princes de se préserver. » En Iran, depuis les résultats hautement contestés de l'élection présidentielle de 2009, la situation intérieure du pays est instable, sujette à d'occasionnels bouillonnements. Le président Mahmoud Ahmadinejad n'a cessé, par ses prises de positions controversées (au sujet de la Shoah, des attentats du 11 septembre, etc.), de cultiver un certain mépris de la communauté internationale. Mais il s'attire aujourd'hui la haine d'une partie de la population, entraînée par l'opposition, qui appelle à son exécution. La répression est d'une rare violence, ce qui bien sûr n'est pas de bon augure pour apaiser cette situation insurrectionnelle.
5) L'appel aux mercenaires : « Le prince dont le pouvoir n’a pour appui que des troupes mercenaires, ne sera jamais ni assuré ni tranquille ; car de telles troupes sont désunies, ambitieuses, sans discipline, infidèles, hardies envers les amis, lâches contre les ennemis ; et elles n’ont ni crainte de Dieu, ni probité à l’égard des hommes. Le prince ne tardera d’être ruiné qu’autant qu’on différera de l’attaquer. Pendant la paix, il sera dépouillé par ces mêmes troupes ; pendant la guerre, il le sera par l’ennemi. » Cet enseignement, on peut en retrouver quelques échos dans une Libye divisée, où d'un côté les mercenaires commandités par le clan Kadhafi sèment la terreur avec une désorganisation la plus totale ; et d'un autre les insurgés ont réussi à prendre le contrôle de l'Est du pays, ralliés par une partie de l'armée. Les forces de Kadhafi s'amenuisent à mesure que le chaos s'étend sur le pays, parallèlement de plus en plus dépeuplé et fui par ses ressortissants.