Introduction
Carte des zones autonomes sous le mandat français de Syrie avant 1937 (et plus particulièrement 1923): Liban, Alep, Damas, Alexandrette (Hatay), Alaouites. Illustration (c) Pandries
La situation devient de plus en plus tendue pour le gouvernement de Bachar Al-Assad. Ce dernier reste au pouvoir en dépit des manifestations et des combats armés qui font rage entre l’Armée syrienne libre et l’armée régulière du régime, mais la violence dont Bachar Al-Assad fait usage contre la population ne peut pas continuer. Si Bachar Al-Assad a gouverné par la peur jusqu’à présent, il est maintenant évident que les Syriens ne sont plus effrayés.
Dans les prisons, les détenus sont torturés physiquement et psychologiquement. Mais les rebelles syriens continuent à manifester et à mener une lutte armée contre le régime syrien et la contestation devient un état généralisé dans l’ensemble du pays. La peur ne fonctionne donc plus. Ce qui marque un réel changement: il y a encore un an, personne n’aurait imaginé ce changement radical.
Je pense qu’à l’heure actuelle la Syrie est en situation de guerre civile. La contestation ne se résume plus à des manifestations pacifistes. Pour que le régime mobilise des chars, des bateaux de la Marine et des hélicoptères de l’Armée de l’air, ce n’est pas pour mater les manifestations, mais pour faire face à des groupes armés – que beaucoup de chercheurs pensent islamistes – qui cherchent à attaquer le régime alaouite. Cet aspect confessionnel du conflit en Syrie est à prendre en considération. Désormais, les syriens sont en pleine guerre civile. Ce sont les syriens sunnites qui ont été oubliés et mal traités par le régime tout au long de 40 ans qui subissent actuellement la répression sanglante d’un régime alaouite qui cherche à s’affirmer et à imposer son pouvoir, mais en vain.
Mais jusqu’à quand et jusqu’à quel point ce régime peut-il encore résister face cette révolte et quelles sont ses marges de manœuvre?
Dans les prisons, les détenus sont torturés physiquement et psychologiquement. Mais les rebelles syriens continuent à manifester et à mener une lutte armée contre le régime syrien et la contestation devient un état généralisé dans l’ensemble du pays. La peur ne fonctionne donc plus. Ce qui marque un réel changement: il y a encore un an, personne n’aurait imaginé ce changement radical.
Je pense qu’à l’heure actuelle la Syrie est en situation de guerre civile. La contestation ne se résume plus à des manifestations pacifistes. Pour que le régime mobilise des chars, des bateaux de la Marine et des hélicoptères de l’Armée de l’air, ce n’est pas pour mater les manifestations, mais pour faire face à des groupes armés – que beaucoup de chercheurs pensent islamistes – qui cherchent à attaquer le régime alaouite. Cet aspect confessionnel du conflit en Syrie est à prendre en considération. Désormais, les syriens sont en pleine guerre civile. Ce sont les syriens sunnites qui ont été oubliés et mal traités par le régime tout au long de 40 ans qui subissent actuellement la répression sanglante d’un régime alaouite qui cherche à s’affirmer et à imposer son pouvoir, mais en vain.
Mais jusqu’à quand et jusqu’à quel point ce régime peut-il encore résister face cette révolte et quelles sont ses marges de manœuvre?
Le régime alaouite de Bachar Al-Assad peut-il résister encore?
Il est permis de penser que le régime syrien continue à compter sur deux supports majeurs. D’abord l’armée. Mais, il n’est plus du tout certain que l’armée soutienne toujours le régime. Le gouvernement, paraît-il, ne fait appel qu’à la quatrième brigade pour contrer les rebelles. Cette brigade, la mieux équipée de l’armée syrienne, est particulièrement entourée et soignée par les autorités. Elle est placée sous les ordres du frère de Bachar al-Assad, Maher, et est constituée presque seulement d’alaouites contrairement aux autres brigades de l’armée qui, elles, sont sunnites, comme la majorité des Syriens.
L’autre support du régime de Bachar al-Assad, c’est la Classe moyenne. Elle est touchée de pleine fouée au niveau économique par le mouvement populaire qui ravage la Syrie depuis déjà un an et demi et l’isolement du pays [dans certaines villes, beaucoup de commerces ont fermé faute d’approvisionnement]. Cette classe moyenne a fini par retirer son soutien à Bachar al-Assad. Or, elle constituait un appui indispensable au régime syrien. Sans elle, c’est son socle de la vie économique qui s’effondre.
Certes, militairement, le régime est plus puissant que les rebelles. Et la communauté internationale n’a pas, pour l’instant, l’intention d’intervenir. Le régime syrien engage une course contre la montre et table sur l’épuisement des insurgés. Sa stratégie de départ, qui consiste à faire croire que "sans moi, c’est le chaos", tient malheureusement toujours. Les autorités syriennes énoncent qu’il faut un régime autoritaire et laïc sinon on risque de provoquer des conflits confessionnels. Abstraction faite de l’existence ou non de ce risque et même si les insurgés ont permis à des oppositions d’émerger, il n’y a toujours pas d’alternative crédible et démocratique au régime de Bachar Al-Assad.
Mais en même temps, je ne crois pas que le régime de Bachar Al-Assad va pouvoir survivre car le point de non-retour a été atteint, d’autant plus que ce régime a lâché sur des questions cruciales: l’état d’urgence [en place depuis plus de 48 ans] a été levé au tout début du conflit. Aussi, en l’absence d’une intervention internationale tendant à mettre fin aux agissements sanglants et aux massacres perpétrés par le régime alaouite et avec le soutien politique et militaire sans faille que la Russie continue à apporter à ce régime, nous allons tout droit vers une guerre civile interconfessionnelle et interminable entre Alaouites et sunnites en Syrie similaire à celle de l’Irak. Celle-ci pourrait aboutir à un changement géopolitique non seulement en Syrie mais aussi au Liban, en Jordanie et dans une partie de la Turquie (au sud de la Turquie). Mais quand et comment cette situation va-t-elle évoluer?
L’autre support du régime de Bachar al-Assad, c’est la Classe moyenne. Elle est touchée de pleine fouée au niveau économique par le mouvement populaire qui ravage la Syrie depuis déjà un an et demi et l’isolement du pays [dans certaines villes, beaucoup de commerces ont fermé faute d’approvisionnement]. Cette classe moyenne a fini par retirer son soutien à Bachar al-Assad. Or, elle constituait un appui indispensable au régime syrien. Sans elle, c’est son socle de la vie économique qui s’effondre.
Certes, militairement, le régime est plus puissant que les rebelles. Et la communauté internationale n’a pas, pour l’instant, l’intention d’intervenir. Le régime syrien engage une course contre la montre et table sur l’épuisement des insurgés. Sa stratégie de départ, qui consiste à faire croire que "sans moi, c’est le chaos", tient malheureusement toujours. Les autorités syriennes énoncent qu’il faut un régime autoritaire et laïc sinon on risque de provoquer des conflits confessionnels. Abstraction faite de l’existence ou non de ce risque et même si les insurgés ont permis à des oppositions d’émerger, il n’y a toujours pas d’alternative crédible et démocratique au régime de Bachar Al-Assad.
Mais en même temps, je ne crois pas que le régime de Bachar Al-Assad va pouvoir survivre car le point de non-retour a été atteint, d’autant plus que ce régime a lâché sur des questions cruciales: l’état d’urgence [en place depuis plus de 48 ans] a été levé au tout début du conflit. Aussi, en l’absence d’une intervention internationale tendant à mettre fin aux agissements sanglants et aux massacres perpétrés par le régime alaouite et avec le soutien politique et militaire sans faille que la Russie continue à apporter à ce régime, nous allons tout droit vers une guerre civile interconfessionnelle et interminable entre Alaouites et sunnites en Syrie similaire à celle de l’Irak. Celle-ci pourrait aboutir à un changement géopolitique non seulement en Syrie mais aussi au Liban, en Jordanie et dans une partie de la Turquie (au sud de la Turquie). Mais quand et comment cette situation va-t-elle évoluer?
L’évolution de la situation en Syrie
Comme je l’ai déjà souligné plus haut, la Communauté internationale a, jusqu’à présent, démontré qu’elle ne peut, en réalité, faire grand-chose et qu’elle est incapable d’agir. Les déclarations du Secrétaire Général de l’ONU et des chefs d’États occidentaux, les Résolutions internationales ne sont que de belles paroles qui ne sont suivies d’aucun effet concret. Quant aux pays arabes, ils sont faibles et soumis aux décisions de grandes puissances. Ils se contentent d’apporter certains appuis financiers et militaires (armes) aux insurgés sans pouvoir imposer une solution politique concrète consistant à arrêter le carnage en Syrie. Cependant, certains pays arabes (dont notamment l’Arabie Saoudite et certains pays du Golfe) n’hésitent pas à faire jouer leurs intérêts géopolitiques, stratégiques et confessionnels à travers le conflit syrien (notamment l’Arabie Saoudite et le Qatar). L’Iran joue également le même rôle mais en appuyant le régime de Bachar Al-Assad.
Même avant l’éclatement du mouvement populaire, la Syrie n’entretenait que certains liens limités avec les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, et l’Occident en général. Ces pays ne sont pas du tout séduits par l’idée d’intervenir en Syrie, surtout que l’intervention en Libye a largement dépassé le temps prévu et a contribué à décourager plus d’un membre de l’Otan.
La Turquie, l’Arabie Saoudite et le Qatar sont, en revanche, des pays très importants pour le régime syrien. Et ils ont fini par s’éloigner de Bachar Al-Assad. Le Qatar et l’Arabie Saoudite ont rappelé leurs ambassadeurs, la Turquie a condamné l’usage de la violence contre les manifestants et a menacé d’intervenir en Syrie notamment à la suite du grave incident aérien qui a eu lieu à la frontière avec la Syrie et qui à l’occasion duquel les syriens ont abattu un avion de chasse turque alors que ce dernier ne survolait pas l’espace aérien syrien.
Plus que jamais, Bachar Al-Assad se trouve isolé sur la scène internationale. Pourtant, aucun des pays arabes ou des puissances régionales, pas plus que les puissances mondiales, ne veut prendre le risque d’intervenir directement en Syrie. C’est pourquoi, le régime de Bachar Al-Assad n'est pas encore sur le point de s'effondrer, mais celui-ci perd progressivement du terrain comme le témoigne l’insécurité qui se généralise dans les grandes villes (telles que Damas et Alep) jusqu’à présent demeurées à l’écart des affrontements majeurs, ou comme en attestent les progrès de l’organisation des rebelles, de mieux en mieux armés.
Il risque donc d’arriver un moment où les autorités syriennes ne contrôleraient plus rien en dehors des grands axes de communication. Dès lors, on pourrait s’attendre à une multitude de scénarios catastrophe: une instabilité à la frontière avec Israël, le Liban, la Jordanie et la Turquie; un flamboiement des régions kurdes aux frontières turque et irakienne, une implantation des germes d'une situation à l'irakienne,… Ou un Hezbollah qui, abandonné par son autorité de tutelle et est dos au mur, se mettrait à attaquer dans toutes les directions autour de lui.
Dans ces circonstances, la communauté internationale n’a aucun intérêt à intervenir en Syrie. D’autant qu’elle ne s’y retrouverait pas en termes de retour sur investissement. Une guerre coûte trop cher et, en Syrie, il n’y a pas beaucoup de gisements pétroliers et de ressources naturelles. Comment la situation peut-elle alors évoluer? L’idée de la famille d’Al-Assad de créer un État alaouite en Syrie pourrait-elle se concrétiser? Le clan Al-Assad ferait-il recours au plan B tendant à créer un État alaouite?
Même avant l’éclatement du mouvement populaire, la Syrie n’entretenait que certains liens limités avec les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, et l’Occident en général. Ces pays ne sont pas du tout séduits par l’idée d’intervenir en Syrie, surtout que l’intervention en Libye a largement dépassé le temps prévu et a contribué à décourager plus d’un membre de l’Otan.
La Turquie, l’Arabie Saoudite et le Qatar sont, en revanche, des pays très importants pour le régime syrien. Et ils ont fini par s’éloigner de Bachar Al-Assad. Le Qatar et l’Arabie Saoudite ont rappelé leurs ambassadeurs, la Turquie a condamné l’usage de la violence contre les manifestants et a menacé d’intervenir en Syrie notamment à la suite du grave incident aérien qui a eu lieu à la frontière avec la Syrie et qui à l’occasion duquel les syriens ont abattu un avion de chasse turque alors que ce dernier ne survolait pas l’espace aérien syrien.
Plus que jamais, Bachar Al-Assad se trouve isolé sur la scène internationale. Pourtant, aucun des pays arabes ou des puissances régionales, pas plus que les puissances mondiales, ne veut prendre le risque d’intervenir directement en Syrie. C’est pourquoi, le régime de Bachar Al-Assad n'est pas encore sur le point de s'effondrer, mais celui-ci perd progressivement du terrain comme le témoigne l’insécurité qui se généralise dans les grandes villes (telles que Damas et Alep) jusqu’à présent demeurées à l’écart des affrontements majeurs, ou comme en attestent les progrès de l’organisation des rebelles, de mieux en mieux armés.
Il risque donc d’arriver un moment où les autorités syriennes ne contrôleraient plus rien en dehors des grands axes de communication. Dès lors, on pourrait s’attendre à une multitude de scénarios catastrophe: une instabilité à la frontière avec Israël, le Liban, la Jordanie et la Turquie; un flamboiement des régions kurdes aux frontières turque et irakienne, une implantation des germes d'une situation à l'irakienne,… Ou un Hezbollah qui, abandonné par son autorité de tutelle et est dos au mur, se mettrait à attaquer dans toutes les directions autour de lui.
Dans ces circonstances, la communauté internationale n’a aucun intérêt à intervenir en Syrie. D’autant qu’elle ne s’y retrouverait pas en termes de retour sur investissement. Une guerre coûte trop cher et, en Syrie, il n’y a pas beaucoup de gisements pétroliers et de ressources naturelles. Comment la situation peut-elle alors évoluer? L’idée de la famille d’Al-Assad de créer un État alaouite en Syrie pourrait-elle se concrétiser? Le clan Al-Assad ferait-il recours au plan B tendant à créer un État alaouite?
L’idée d’un État Alaouite est-elle réelle?
Je pense que le régime de Bachar Al Assad va tôt ou tard s'effondre. Je ne vois aucun autre sort pour lui. Sa chute peut prendre des mois, peut-être des années. Les combats, les manifestations, les soulèvements et la répression sanglante peuvent encore durer pendant longtemps. Tant que l’armée ne se désolidarisera pas réellement et entièrement du régime, les choses ne changeront pas. Mais je pense que nous ne sommes pas loin de ce point de rupture. La position du régime syrien s’affaiblit de jour en jour. Je crains cependant un déchaînement de violence et un nettoyage confessionnel dans certaines régions syriennes. La violence risque de devenir encore beaucoup plus sanglante que ce qu’on a pu voir jusqu’à présent.
A mon avis, il existe deux options en Syrie. Soit la communauté internationale décide d’intervenir de manière sérieuse, ce qui me semble peu probable pour les raisons que j’ai citées plus haut, soit la Syrie va se transformer en second Irak et être divisée en deux États distincts, un État Alaouite le long de la côte et un Etat sunnite le long de la région du Nord-Est et du Nord-Sud (région s’étendant entre Alep et Damas). Les Druzes ne seraient, peut être, pas lésés, Israël ayant l’intention de leur faire don de son Golan. Cette dernière hypothèse me semble la plus plausible.
Au moment où la plupart des spécialistes et analystes du soulèvement syrien prévoient un repli de la famille Al Assad et des Alaouites dans la montagne Alaouite, il ne faut pas oublier que l’État alaouite est une idée qui date de l’époque du Mandat français.
Dans ce contexte, certains médias de l’opposition syrienne révèle qu’Ayman Abdel Nour, un ancien camarade de classe de Bachar Al-Assad devenu son conseiller politique avant de déserter le régime en 2007, a reconnu que l’idée de créer un État alaouite à part entière ne datait pas d’hier dans l’optique de la politique du régime syrien.
Aussi, les mêmes sources confient que Mohammed Nasif, un ancien professeur de Bachar Al-Assad devenu l’un de ses plus proches conseillers, avait commencé à parler d’un État exclusivement alaouite en 1997. Également, plusieurs généraux syriens parlent ouvertement de la création d’un État alaouite. Cependant, pour l’heure, Bachar Al-Assad continue à parler de l’État syrien car c’est ce qui lui donne sa légitimité. Mais les Généraux du régime pensent de plus en plus sérieusement à la création d’un État alaouite comme une solution possible.
Certaines experts reconnaissent que les massacres de Tremseh, lors desquels les forces du régime ont usé d’une puissance de feu écrasante pour détruire en grande partie ce village et où des témoins affirment avoir vu des militaires alaouites exécuter des dizaines de personnes, font partie d’un plan d’attaque systématique des troupes de Bachar Al-Assad visant à établir un État alaouite à part entière.
A dire vrai, étant une minorité à la tête du pays, les Alaouites, une ramification de l’islam chiite, se battent à mort pour s’affirmer face à une opposition majoritairement sunnite. De la sorte, à Damas la politique se réoriente après l’échec cuisant de faire taire la rébellion qui touche le pays depuis 16 mois. Le plan B: faire fuir les Sunnites de la terre alaouite. En effet, sur place on assiste de plus en plus à "une balkanisation du conflit". "Il n’y a plus de solution politique. C’est fini depuis longtemps. Cette bataille se fera les armes à la main", déclarent certains officiers du régime syrien.
Depuis les premières attaques sur les Sunnites vivant dans la terre traditionnellement alaouite des montagnes et de la côte ouest de la Syrie (qui abrite les ports de Lattaquié et Tartous), les hommes de la milice alaouite, plus connus sous le nom de shabiha (malfrats), ont, ces derniers mois, intensifié leurs massacres à l’Est, sur les plaines du bord de l’Oronte. Le plateau de l’Oronte est de plus en plus vu par le régime comme une zone tampon entre la région dominée par les Alaouites à l’ouest et les deux grandes villes sunnites de Homs et de Hama, hauts lieux de l’opposition. Le régime tend, de la sorte, à relier la région Alaouite de l’ouest et la plaine de la Bekaa-Nord du Liban, région chiite de son allié traditionnel le Hezbollah. Le régime utilise donc tous les moyens répressifs pour faire fuir la population sunnite de cette région.
Les massacres des villages sunnites sont donc faits pour nettoyer la rive gauche de l’Oronte des Sunnites, et les opérations militaires dans la zone sont organisées pour faire fuir les Sunnites à l’Est. Ainsi, des rumeurs circulent, parmi les Alaouites, sur d’éventuelles ressources en pétrole et en gaz trouvées près de la côte. "Ces rumeurs nous disent que nous, Alaouites, vivront dans un État riche très prochainement."
A Homs, une ville jadis peuplée de près d’un million d’habitants, la plupart des quartiers sunnites étaient la cible de bombardements et avaient été en grande partie abandonnés, à l’exception de quelques familles restantes et des rebelles. Les quartiers alaouites sont quant à eux toujours peuplés, protégés par l’armée.
La déportation massive des Sunnites a même atteint les environs de Damas. Alors que les pertes s’accumulent des deux côtés, la lutte entre les Sunnites, qui représentent 74% de la population syrienne, et la minorité alaouite, qui ne représente que 13% de la population mais domine au sein de l’élite, devient de plus en plus atroce.
A mon avis, il existe deux options en Syrie. Soit la communauté internationale décide d’intervenir de manière sérieuse, ce qui me semble peu probable pour les raisons que j’ai citées plus haut, soit la Syrie va se transformer en second Irak et être divisée en deux États distincts, un État Alaouite le long de la côte et un Etat sunnite le long de la région du Nord-Est et du Nord-Sud (région s’étendant entre Alep et Damas). Les Druzes ne seraient, peut être, pas lésés, Israël ayant l’intention de leur faire don de son Golan. Cette dernière hypothèse me semble la plus plausible.
Au moment où la plupart des spécialistes et analystes du soulèvement syrien prévoient un repli de la famille Al Assad et des Alaouites dans la montagne Alaouite, il ne faut pas oublier que l’État alaouite est une idée qui date de l’époque du Mandat français.
Dans ce contexte, certains médias de l’opposition syrienne révèle qu’Ayman Abdel Nour, un ancien camarade de classe de Bachar Al-Assad devenu son conseiller politique avant de déserter le régime en 2007, a reconnu que l’idée de créer un État alaouite à part entière ne datait pas d’hier dans l’optique de la politique du régime syrien.
Aussi, les mêmes sources confient que Mohammed Nasif, un ancien professeur de Bachar Al-Assad devenu l’un de ses plus proches conseillers, avait commencé à parler d’un État exclusivement alaouite en 1997. Également, plusieurs généraux syriens parlent ouvertement de la création d’un État alaouite. Cependant, pour l’heure, Bachar Al-Assad continue à parler de l’État syrien car c’est ce qui lui donne sa légitimité. Mais les Généraux du régime pensent de plus en plus sérieusement à la création d’un État alaouite comme une solution possible.
Certaines experts reconnaissent que les massacres de Tremseh, lors desquels les forces du régime ont usé d’une puissance de feu écrasante pour détruire en grande partie ce village et où des témoins affirment avoir vu des militaires alaouites exécuter des dizaines de personnes, font partie d’un plan d’attaque systématique des troupes de Bachar Al-Assad visant à établir un État alaouite à part entière.
A dire vrai, étant une minorité à la tête du pays, les Alaouites, une ramification de l’islam chiite, se battent à mort pour s’affirmer face à une opposition majoritairement sunnite. De la sorte, à Damas la politique se réoriente après l’échec cuisant de faire taire la rébellion qui touche le pays depuis 16 mois. Le plan B: faire fuir les Sunnites de la terre alaouite. En effet, sur place on assiste de plus en plus à "une balkanisation du conflit". "Il n’y a plus de solution politique. C’est fini depuis longtemps. Cette bataille se fera les armes à la main", déclarent certains officiers du régime syrien.
Depuis les premières attaques sur les Sunnites vivant dans la terre traditionnellement alaouite des montagnes et de la côte ouest de la Syrie (qui abrite les ports de Lattaquié et Tartous), les hommes de la milice alaouite, plus connus sous le nom de shabiha (malfrats), ont, ces derniers mois, intensifié leurs massacres à l’Est, sur les plaines du bord de l’Oronte. Le plateau de l’Oronte est de plus en plus vu par le régime comme une zone tampon entre la région dominée par les Alaouites à l’ouest et les deux grandes villes sunnites de Homs et de Hama, hauts lieux de l’opposition. Le régime tend, de la sorte, à relier la région Alaouite de l’ouest et la plaine de la Bekaa-Nord du Liban, région chiite de son allié traditionnel le Hezbollah. Le régime utilise donc tous les moyens répressifs pour faire fuir la population sunnite de cette région.
Les massacres des villages sunnites sont donc faits pour nettoyer la rive gauche de l’Oronte des Sunnites, et les opérations militaires dans la zone sont organisées pour faire fuir les Sunnites à l’Est. Ainsi, des rumeurs circulent, parmi les Alaouites, sur d’éventuelles ressources en pétrole et en gaz trouvées près de la côte. "Ces rumeurs nous disent que nous, Alaouites, vivront dans un État riche très prochainement."
A Homs, une ville jadis peuplée de près d’un million d’habitants, la plupart des quartiers sunnites étaient la cible de bombardements et avaient été en grande partie abandonnés, à l’exception de quelques familles restantes et des rebelles. Les quartiers alaouites sont quant à eux toujours peuplés, protégés par l’armée.
La déportation massive des Sunnites a même atteint les environs de Damas. Alors que les pertes s’accumulent des deux côtés, la lutte entre les Sunnites, qui représentent 74% de la population syrienne, et la minorité alaouite, qui ne représente que 13% de la population mais domine au sein de l’élite, devient de plus en plus atroce.
Bachar Al-Assad veut-il vraiment créer un État alaouite?
Nombreux sont les experts et commentateurs qui pensent que le régime syrien n’est plus en mesure de gouverner la Syrie dans quelques années. Alors tout est-il perdu pour Bachar Al-Assad? Une chute définitive est une idée exclue et catégoriquement rejetée par les leaders politiques et militaires qui gouvernement la Syrie depuis quarante ans. Pour cette classe syrienne, il ne faut jamais renoncer. C’est un principe qui a été appliqué fidèlement, pendant quarante ans, par le régime syrien face à l’Irak, à Israël, aux États-Unis ou au Liban. Quand la situation tourne mal, il faut faire un profil bas, adopter une position de repli et attendre son heure parce qu’inévitablement viendront des jours meilleurs. C’est ce qu’a scrupuleusement fait Hafez Al-Assad pendant de longues années au Liban. C’est pourquoi, le recul de Bachar Al-Assad ne serait envisageable qu’en cas d’effondrement total et subit de la situation dans son environnement proche. Ce n’est qu’à ce moment là qu’il passerait au plan B: la création de l'État alaouite.
Aujourd’hui, c’est naturellement la région alaouite, dans le Nord-Ouest de la Syrie, qui apparait comme l’unique position de repli ou l’unique endroit de refuge. Même si une partie de la communauté alaouite ne pardonne pas à Bachar Al-Assad sa gestion brutale de la crise, c’est quand même là que le pouvoir alaouite est assuré de trouver un retranchement familier et défendable. La famille Al-Assad et les principaux dirigeants politiques et militaires, ainsi que la majorité des officiers de l’armée sont alaouites et originaires de cette région qui s’étend sur un peu plus d’une centaine de kilomètres entre les frontières nord du Liban et turques.
C’est dans cette région qu’il y a les deux principaux ports syriens (port de Tartous et port de Lattaquieh) et que la plaine littorale est dominée par la montagne Ansarieh, citadelle naturelle dont les alaouites connaissent tous les détours. Hafez Al-Assad a, par le passé, soutenu cette région sur tous les plans et a procédé à y annexer de nouveaux territoires vers l’est, notamment en direction de Homs et Hama, hors de la zone historiquement alaouite, et la Bekaa nord (la plaine de la Bekaa au Liban). Des quartiers alaouites sont nés autour de Homs. De la sorte, une véritable région alaouite a ainsi été créée dans cette région.
Aujourd’hui, c’est naturellement la région alaouite, dans le Nord-Ouest de la Syrie, qui apparait comme l’unique position de repli ou l’unique endroit de refuge. Même si une partie de la communauté alaouite ne pardonne pas à Bachar Al-Assad sa gestion brutale de la crise, c’est quand même là que le pouvoir alaouite est assuré de trouver un retranchement familier et défendable. La famille Al-Assad et les principaux dirigeants politiques et militaires, ainsi que la majorité des officiers de l’armée sont alaouites et originaires de cette région qui s’étend sur un peu plus d’une centaine de kilomètres entre les frontières nord du Liban et turques.
C’est dans cette région qu’il y a les deux principaux ports syriens (port de Tartous et port de Lattaquieh) et que la plaine littorale est dominée par la montagne Ansarieh, citadelle naturelle dont les alaouites connaissent tous les détours. Hafez Al-Assad a, par le passé, soutenu cette région sur tous les plans et a procédé à y annexer de nouveaux territoires vers l’est, notamment en direction de Homs et Hama, hors de la zone historiquement alaouite, et la Bekaa nord (la plaine de la Bekaa au Liban). Des quartiers alaouites sont nés autour de Homs. De la sorte, une véritable région alaouite a ainsi été créée dans cette région.
L’idée de créer un État alaouite n’est pas nouvelle
La création d’un État alaouite ne serait pas une nouveauté. Sous leur mandat, les Français avaient déjà créé un État alaouite, ce qui leur apportait le soutien d’une grande partie de la communauté alaouite qui n’acceptait pas d’être fusionnée dans une grande Syrie dominée par les sunnites. Ainsi quand la France rattacha, en 1936, l’État alaouite au reste du pays, des chefs de tribus alaouites, dont le grand-père de Hafez Al-Assad, Souleiman Al-Assad, adressèrent une lettre au président du Conseil français Léon Blum pour réclamer que leur autonomie soit maintenue et insistant pour que les français restent en Syrie afin de protéger la liberté et l’indépendance des alaouites.
Depuis quelques mois, les opérations militaires d’envergure menées par les forces du régime alaouite témoignent de cette volonté de renforcer l’identité alaouite dans une région élargie. Aussi, depuis le début de l’année, des quartiers sunnites de Homs, d’Idlib, et de villes et villages sunnites de cette région ont été rasés par les chars de l’armée régulière et par la destruction massive et systématique. A l’implantation des alaouites au cours des dernières décennies, succède aujourd’hui l’exode des sunnites et chrétiens.
Également, sans qu’il soit possible de vérifier leur importance, des stocks d’armes lourdes, chimiques et stratégiques auraient été transportés par les forces du régime vers la côte et vers la montagne alaouite, dans les bases militaires qui existent déjà. Toutes les unités d’élite de Bachar Al-Assad, qui disposent de l’armement le plus lourd et sophistiqué, sont contrôlées par les alaouites et pourraient rejoindre rapidement la région alaouite. Plusieurs éléments et circonstances semblent donc indiquer que l’hypothèse d’un repli vers le territoire alaouite est sérieuse et, peut-être même, préparée de très longue date par le régime. Mais un État alaouite en Syrie serait-il viable?
Depuis quelques mois, les opérations militaires d’envergure menées par les forces du régime alaouite témoignent de cette volonté de renforcer l’identité alaouite dans une région élargie. Aussi, depuis le début de l’année, des quartiers sunnites de Homs, d’Idlib, et de villes et villages sunnites de cette région ont été rasés par les chars de l’armée régulière et par la destruction massive et systématique. A l’implantation des alaouites au cours des dernières décennies, succède aujourd’hui l’exode des sunnites et chrétiens.
Également, sans qu’il soit possible de vérifier leur importance, des stocks d’armes lourdes, chimiques et stratégiques auraient été transportés par les forces du régime vers la côte et vers la montagne alaouite, dans les bases militaires qui existent déjà. Toutes les unités d’élite de Bachar Al-Assad, qui disposent de l’armement le plus lourd et sophistiqué, sont contrôlées par les alaouites et pourraient rejoindre rapidement la région alaouite. Plusieurs éléments et circonstances semblent donc indiquer que l’hypothèse d’un repli vers le territoire alaouite est sérieuse et, peut-être même, préparée de très longue date par le régime. Mais un État alaouite en Syrie serait-il viable?
Un État alaouite pourrait-il être viable?
Un État alaouite pourrait éventuellement être viable grâce à sa situation géographique (le littoral maritime), à ses ports, au transit des marchandises et des produits pétroliers, à son aéroport, à ses terres agricoles, à l’uniformité de sa population qui compte quelque deux millions de personnes et surtout grâce au soutien militaro-financier que les Russes et les Iraniens pourraient apporter à cet État. Avec ses conquêtes territoriales récentes, la superficie de l’État alaouite serait approximativement similaire à celle du Liban ou à celle de l’Alsace en France.
La création d’un État alaouite, qui arrêterait le démembrement de la Syrie actuelle, serait une catastrophe pour les Syriens sunnites et les syriens chrétiens, qui n’auraient plus d’accès à la mer et qui dépendraient donc totalement des États voisins avec lesquels les relations évoluent traditionnellement en fonction des circonstances du moment. Ainsi, en face d’un État alaouite fort soutenu et invincible, les moyens d’action des sunnites seront limités, alors que les chrétiens qui seraient méprisés (et qu’ils le sont déjà) par les Sunnites - parce qu’ils sont considérés par ces derniers comme des traitres et d’anciens alliés du régime - finiraient hélas par disparaître et par connaître le même sort que leurs frères irakiens.
En revanche, le clan de Bachar Al-Assad aurait le soutien de la Russie qui chercherait à être assurée de conserver l’usage stratégique et militaire des ports de Ladakieh et de Tartous. L’Iran, quant à elle, apporterait également, son soutien à l’État alaouite, surtout que l’extension de la région alaouite vers l’Est va lui offrir un accès au nord de la Bekaa libanaise (région de Baalbek - Al-Hirmel), ce qui lui permettrait de continuer à ravitailler le Hezbollah libanais pro-syrien en armes et en recrue.
Même Israël, étant favorable à la création de petits États confessionnels dans la région, pourrait se réjouir de la création d’un État alaouite, bien que cela aboutisse, par voie de conséquence, à la création d’une situation imprévisible sur la frontière du Golan désormais surveillée et gardée par une autorité syrienne qui n’aurait sans doute pas la même volonté que le régime alaouite d’empêcher tout incident frontalier ou toute intrusion de terroriste syrien sur le territoire israélien.
Quant au Liban, il risquerait de payer le prix le plus cher à l’issue du démembrement de la Syrie. En effet, une guerre civile pourrait éclater de nouveau au Liban entre Sunnites pro-syriens et Chiites pro-alaouites. Ce risque de guerre civile est bien réel, en ce qui concerne le Liban, qui a déjà vu affluer des dizaines de milliers de réfugiés syriens sur son territoire. Les deux pays sont intimement liés. La crise syrienne déteint inévitablement sur le Liban. En effet, cette interférence pourrait relancer le conflit inter-libanais et conduire à une nouvelle guerre civile, ce qui pourrait aboutir au démembrement du pays et à la création de trois États confessionnels, voir de quatre États confessionnels (un État sunnite, un État chiite, un État chrétien et un État druze), et à la disparition, à long terme, des chrétiens libanais qui sont actuellement très affaiblis et déchirés.
D’autres pays voisins sont également concernés: la Jordanie, où affluent de nombreux réfugiés, ou encore la Turquie, en raison de la question des Kurdes, qui vivent à cheval entre les deux pays.
Concernant les pays occidentaux, déjà impuissants face à la crise syrienne, ils pourraient s’estimer satisfaits si ce démembrement de la Syrie met fin à la guerre civile.
La création d’un État alaouite, qui arrêterait le démembrement de la Syrie actuelle, serait une catastrophe pour les Syriens sunnites et les syriens chrétiens, qui n’auraient plus d’accès à la mer et qui dépendraient donc totalement des États voisins avec lesquels les relations évoluent traditionnellement en fonction des circonstances du moment. Ainsi, en face d’un État alaouite fort soutenu et invincible, les moyens d’action des sunnites seront limités, alors que les chrétiens qui seraient méprisés (et qu’ils le sont déjà) par les Sunnites - parce qu’ils sont considérés par ces derniers comme des traitres et d’anciens alliés du régime - finiraient hélas par disparaître et par connaître le même sort que leurs frères irakiens.
En revanche, le clan de Bachar Al-Assad aurait le soutien de la Russie qui chercherait à être assurée de conserver l’usage stratégique et militaire des ports de Ladakieh et de Tartous. L’Iran, quant à elle, apporterait également, son soutien à l’État alaouite, surtout que l’extension de la région alaouite vers l’Est va lui offrir un accès au nord de la Bekaa libanaise (région de Baalbek - Al-Hirmel), ce qui lui permettrait de continuer à ravitailler le Hezbollah libanais pro-syrien en armes et en recrue.
Même Israël, étant favorable à la création de petits États confessionnels dans la région, pourrait se réjouir de la création d’un État alaouite, bien que cela aboutisse, par voie de conséquence, à la création d’une situation imprévisible sur la frontière du Golan désormais surveillée et gardée par une autorité syrienne qui n’aurait sans doute pas la même volonté que le régime alaouite d’empêcher tout incident frontalier ou toute intrusion de terroriste syrien sur le territoire israélien.
Quant au Liban, il risquerait de payer le prix le plus cher à l’issue du démembrement de la Syrie. En effet, une guerre civile pourrait éclater de nouveau au Liban entre Sunnites pro-syriens et Chiites pro-alaouites. Ce risque de guerre civile est bien réel, en ce qui concerne le Liban, qui a déjà vu affluer des dizaines de milliers de réfugiés syriens sur son territoire. Les deux pays sont intimement liés. La crise syrienne déteint inévitablement sur le Liban. En effet, cette interférence pourrait relancer le conflit inter-libanais et conduire à une nouvelle guerre civile, ce qui pourrait aboutir au démembrement du pays et à la création de trois États confessionnels, voir de quatre États confessionnels (un État sunnite, un État chiite, un État chrétien et un État druze), et à la disparition, à long terme, des chrétiens libanais qui sont actuellement très affaiblis et déchirés.
D’autres pays voisins sont également concernés: la Jordanie, où affluent de nombreux réfugiés, ou encore la Turquie, en raison de la question des Kurdes, qui vivent à cheval entre les deux pays.
Concernant les pays occidentaux, déjà impuissants face à la crise syrienne, ils pourraient s’estimer satisfaits si ce démembrement de la Syrie met fin à la guerre civile.