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Meilleur article de la semaine passée - Les raisons d’un boom…


Par Rédigé le 01/09/2010 (dernière modification le 05/09/2010)

D’où provient cette montée vertigineuse du coût du loyer à Dakar ? Telle est à l’évidence la question que les populations ne cessent de se poser. Interrogés, beaucoup sont assez prompts à évoquer la crise ivoirienne comme facteur de cause.


Des immeubles de la Médina. Photo (c) Elhadji Babacar MBENGUE
Des immeubles de la Médina. Photo (c) Elhadji Babacar MBENGUE
La crise politique qui a secoué la Côte d’Ivoire en 2002 semble être pour beaucoup de Sénégalais la raison de l’inflation des prix du loyer. En effet, plusieurs organisations et institutions sont venues s’installer à Dakar dans le cadre de la délocalisation de leurs activités. Et ce, pour sécuriser leurs investissements. A celles–ci s’ajoutent les milliers d’étudiants ressortissants de ce pays et de bien d’autres en Afrique tels que le Burkina Faso, le Gabon pour ne citer que ceux–là.
Si cette raison pourrait être acceptable, elle ne saurait suffire pour justifier l’ampleur du phénomène. Car, malgré le départ massif occasionné par la fin de la crise dans ce pays frère du Sénégal, les prix n’ont pas baissé. Or, cela devrait contribuer à l’allégement du coût.

Des constructions anarchiques

Cependant, un nouveau phénomène semble opérer discrètement rendant quasi impossible la situation des personnes cherchant un logement.
Il s’agit du boom immobilier auquel on assiste. Des immeubles à usage d’habitation ou commercial sont construits dans la plus grande anarchie. "C’est dans la plus grande confusion que les choses se passent. Aucune des règles régissant ce secteur n’est respectée. Et, l’Etat doit s’assumer" constate avec regret un ingénieur du bâtiment qui a souhaité garder l’anonymat. Selon notre interlocuteur, ces habitations grand standing appartiennent généralement aux hommes du régime en place. Et d’avertir que "beaucoup de construction en hauteur vont s’effondrer car leur fondations ne sont pas destinées à accueillir une certaine extension".
En effet, les habitants du quartier de la Médina gardent encore frais le souvenir de balcons et toitures de maison affaissés. Des incidents parfois mortels. Ces constructions qui sont réalisées s'en prendre en compte les normes de sécurité et d’hygiène mettent en péril la vie des locataires qui n’ont plus le choix. La demande dépassant de très loin l’offre.
En période d’hivernage, les populations sont exposées dans certaines maisons à un problème d’hygiène à cause de conduits d’évacuation d’eau très défectueux. Cette situation ajoutée au retard dans l’enlèvement des ordures, offre un spectacle désolant d’insalubrité. Ce qui cause énormément de soucis surtout au moment où en cette période d’hivernage, la maladie du paludisme est la chose la plus partagée.

'Parmi les propriétaires, se trouvent des hommes du régime'

Telle est l’une des raisons avancées par certains courtiers. Selon ces derniers "la mauvaise volonté de l’Etat, observée jusqu’ici relève de ce fait. Ils sont nombreux à avoir des immeubles à loyer très cher dans les quartiers de la Médina, de Fass, de Gibraltar" pour ne citer que ceux-là. Et de renchérir "ils ne seront jamais prêts à perdre ces avantages acquis".
Selon Ibrahima Dieng, courtier de profession qui reconnaît que la cherté du loyer est bien une réalité, "beaucoup de patrons nous confient leurs maisons ou alors louent des maisons très chers pour les sous-louer à leur tour". Et de confier : "ce phénomène existe depuis plus d’une décennie".

La cupidité des agences immobilières

Cet homme de 53 ans qui a passé une trentaine d’années dans le courtage soutient que les agences immobilières ont une part de responsabilité dans cette flambée. Selon lui, celles-ci gonflent les prix. Et souvent même, à l’insu des propriétaires qui ne reçoivent que la moitié. Et de citer le cas d’une agence qui facture à un locataire 220 000f cfa pour ne verser au propriétaire que la somme de 100 000f cfa.
Soutenant que les propriétaires généralement ne demandent pas cher, il précise que ces derniers sont surtout préoccupés par la bonne tenue de leurs maisons. "Ils sont très solidaires des locataires qu’ils aident même parfois" ajoute-il.
Cette pratique très répandue accentue la souffrance du Goorgorlu (débrouillard) sénégalais qui en ces temps de crise économique profonde se débat dans des difficultés. Cela compte tenu des niveaux de revenus très faibles.
Si avant 2000, on pouvait obtenir, dans la banlieue dakaroise, une chambre à 15 000f cfa, aujourd’hui la situation est toute autre. Du fait de la récurrence des inondations en période d’hivernage avec pour corollaire des mouvements de population, les prix ont quasi-doublés. Par contre, dans les quartiers Bène Talli, Niari Talli et Grand-Dakar, les coûts des loyers sont plus abordables.
A la Médina, quartier situé au cœur de la ville de Dakar, on y trouve des chambres de 60 à 70 000 f cfa le mois. Pour ce qui est des studios, les prix les plus accessibles varient entre 150 000 f cfa et 250 000f cfa.
En tout état de cause, ces prix hors norme laissent beaucoup de Sénégalais en rade et troublent le sommeil de ceux-là qui à défaut de pouvoir dormir à la belle étoile, ont pris un risque : payer cher.
Parfois, surgit un contentieux du fait d’une accumulation très forte d’arriérés. Il est alors vidé par le tribunal ou alors par voie de compromis. "Nous sommes parfois amenés à faire preuve d’indulgence à l’endroit de certains de nos clients" a souligné notre interlocuteur. Et d’ajouter "nous sommes obligés de le faire car persuadés que la conjoncture est difficile".
Ibrahima Dieng qui trouve les relations agences et courtiers très sobres, souligne, par ailleurs, que les courtiers sont à la limite exploités par les agences qui ne proposent que 20% sur le montant de la caution mensuelle. "Seule l’agence Gakou donne 50%" confie t-il.

"Les agences gonflent les prix. Et souvent même, à l’insu des propriétaires qui ne reçoivent que la moitié… une agence qui facture à un locataire 220 000f cfa pour ne verser au propriétaire que la somme de 100 000f cfa."

La cupidité conduit parfois certains agents immobiliers devant la cour. Le procureur de la République a requis, à Dakar, 6 mois de prison avec sursis contre un agent immobilier pour le délit d’abus de confiance sur une somme de 41 millions de francs CFA, au préjudice d’un propriétaire d’immeuble. Le prévenu est âgé de 60 ans, tandis que le plaignant est un médecin de 70 ans. Les deux personnes étaient liées par une amitié de 33 ans. A la barre du tribunal des flagrants délits de Dakar, les deux ex-amis ont soldé leur compte devant les magistrats. L’avocat de la partie civile a souligné que le prévenu a procédé à la location illégale de 6 appartements de l’immeuble, sis rue El-Hadji Amadou Assane Ndoye à Dakar, appartenant à son client. Selon lui, le prévenu a mis en location les 6 apparentements à 650 000 francs chacun, mais il ne versait que la somme de 250 000 francs au propriétaire. Il a réclamé la somme de 56 millions francs CFA pour dommages et intérêts pour son client. Le procureur, qui a déclaré le prévenu coupable des faits qui lui sont reprochés, a démontré que dans ce dossier, l’abus de confiance est bien établi. Pour lui, le prévenu était chargé de récupérer les loyers et de les reverser à la partie civile, mais ce mandat n’a pas été exécuté. Il a également souligné que le prévenu a bien reçu une mise en demeure. Malgré tout, il n’a pas exécuté son mandat pour reverser l’intégralité des loyers encaissés. Les avocats de la défense ont attaqué le réquisitoire du parquet et les allégations des avocats de la partie civile, estimant qu’il n’y pas d’abus de confiance. Ils ont affirmé que leur client a un contrat de location en bonne et due forme des 6 appartements qu’il a mis en location et tous les loyers ont été versés au propriétaire. La défense a plaidé la relaxe pure et simple de son client qui, ont-ils ajouté, avait reçu mandat du propriétaire de l’immeuble, avec 6 contrats de location des dits appartements.

Qu’en est-il des courtiers ?

Appelés coutiers, ces démarcheurs qui servent d’intermédiaires entre les propriétaires et les locataires ne sont pas exempts de reproches. En effet, il leur est reproché des pratiques de nature à faire payer cher les personnes qui sont dans le besoin. Une façon de rançonner qui ne dit pas son nom.
"Puisqu’ils sont payés entre 2000f et 3000f pour chaque déplacement consistant à montrer au locataire un logement, certains courtiers véreux n’hésitent pas faire faire des déplacements inutiles et incessants. Juste pour empocher le frais de déplacement. C’est du vol" constate Khalifa Sylla, commerçant. Cet homme qui soutient avoir été victime de cette pratique souligne que "ce sont ces gens là qui constituent le facteur bloquant". Et de poursuivre : "franchement, ils manipulent ceux qui sont dans le besoin".
Ce constat est corroboré par bon nombre de Sénégalais qui s’interrogent même sur la légalité de leur travail. Selon un courtier qui a requis l’anonymat, le métier est légal. Cependant, souligne t-il "dans tout métier, il y a des brebis galeuses. Cette mauvaise graine nous déshonore". Et de développer : "s’il est pratiqué avec honnêteté, il rapporte gros. C’est avec cela que j’entretiens ma famille. Si les affaires marchent, on peut se retrouver en fin de journée avec 150 000f".

Toutefois, des efforts sont à faire par les pouvoirs publics en vue d’organiser ce secteur qui semble être dans l’anarchie. Et pour cause ! Les courtiers ne sont pas issus d’école de formation. Chacun se lève et s’improvise courtier. Pas d’association, pas de cadre pour harmoniser leur activité. Tous évoluent au gré de leur relation avec les propriétaires de maison qui sollicitent leur service évitant ainsi les contraintes des agences.
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