Opéra Marseille.mp3 (67.88 Ko)
Marseille n’avait pas revu "La Gioconda" depuis belle lurette et les anciens, s’il en reste (nous n’en sommes pas), ont encore en mémoire les représentations de 1967 avec Crespin et Gorr…
La Gioconda, ne nous voilons pas la face, est bel et bien un opéra de premier plan… parmi les œuvres de seconde zone, tous compositeurs confondus!
Les faiblesses notoires de ce mélo magistral mais torturé, aux situations "abracadabrantesques", ne doivent toutefois pas cacher une belle facture orchestrale car souvent symphonique, riche en coloris, dense, brillante, généreuse, qui n’étouffe jamais les voix, comme située sur une trajectoire Boito-Puccini, mais à l’écart de Verdi.
Voilà chez Ponchielli de longs, flamboyants et sinueux motifs mélodiques dont se souviendront les grands véristes à venir, mais aussi un ameublement vocal un rien tapageur qui fait qu’avec six très grands chanteurs, cet ouvrage peut encore se présenter un peu partout.
La production nissarda-wallonne signée Jean-Louis Grinda (flanqué de ses "séides" habituels Capperon-Chevalier-Chatelet) est bien connue de tout lyricomane qui se respecte. Encore une fois, la mise en espace et en images du Monégasque fourmille d’idées, avec une conception générale certes très personnelle.
Tour de force non négligeable, Jean-Louis Grinda rend lisible de bout en bout une action dramatique complexe où même une chatte vénitienne ne trouverait pas ses petits.
Cette Cité des Doges stylisée, brumeuse, âpre, colorée dans sa décadence, oppressante, sans indulgence pour les faibles, les pauvres, les marginaux, transpire l’hostilité, suinte des rapports humains tendus (on cherche vainement ici l’Angelo, Tyran de Padoue du Père Hugo), malgré en filigrane les masques du Carnaval ou les régates des gondoles sur la lagune.
Dans cette atmosphère propice à la délation, la trahison, les secrets d’alcôve ou le meurtre, la danse et la liesse populaire apparaissent comme un exorcisme devant la mort plutôt qu’une joyeuse récréation.
On la dit. Il faut pour cet ouvrage à l’intrigue démoniaque et à la musique tarabiscotée un sextuor vocal de primo cartello. Même un octuor, les deux rôles secondaires (ici un Jean-Marie Delpas suffocant d’accent, de présence, simplement parfait et un Mickhael Piccone bien en place) ne demandant pas de l’à-peu-près.
Plaisir donc de préciser que sur la scène phocéenne, la distribution réunie, très exigeante on le sait, ne suscite que peu de réserves, le Chœur et la Maîtrise des Bouches-du-Rhône étant encore une fois d’un excellent niveau. La fameuse "Danse des heures", réglée de main de maître par le toujours jeune et talentueux Marc Ribaud est d’une sensualité effrénée.
Compensant par une belle tenue scénique ce que la voix a d’un peu impersonnel, Micaela Carosi laissera le souvenir d’une Gioconda toute de passion et de compassion. On n’oubliera pas de sitôt le poignant "Amatevi" lancé aux deux amants sauvés grâce à elle ou ce "Suicido" d’une envolée toute racinienne.
Riccardo Massi, Enzo au physique avantageux, à l’engagement dramatique plus que crédible, possède une voix de ténor fine et solide comme une lame, un peu mate peut-être, remarquablement cultivée, conduite avec un goût raffiné, enchanteur même, pour un "Cielo e Mar" d’anthologie. Un ténor à suivre de très près qui pourrait bientôt damer le pion à certains.
Prise de rôle réussie pour Beatrice Uria-Monzon, Laura d’une solidité à toute épreuve qui cisèle de jolies nuances dans "Stella del marinar" pour donner ensuite, vaillamment, sans rire, toute l’artillerie dans ce combat de vaisseaux de haut bord qu’est le duo du deuxième acte.
En traître de service, Marco di Felice, ne manque ni d’élégance ni de fiel et montre un ardent plaisir à faire le mal, comme tous les frustrés depuis la création de ce bas monde. Vocalement, c’est simplement grandiose. Par contre, Kostantin Gorny, du coffre, de la vérité, de la vibration ne semble pas tirer grand-chose de son Alvise, le personnage, il est vrai, n’est guère flatteur.
La Cieca est rôle court mais essentiel qui permet à Qiu Lin Zhang de déployer dans sa scène du premier acte, le plus joli timbre de contralto entendu depuis longtemps. Elle apporte en plus un côté troublant à ce personnage (aveugle) car toute de détresse, de tendresse, de piété. Ovation plus que méritée après son très bel air "Voce di donna o d’angelo"…
Direction un peu pâle au début de Fabrizio Maria Carminati, puis, comme portée par le public et la partition, progressivement plus chaleureuse, formidablement permissive pour les chanteurs. "Les Heures" restant toujours en encore, cet étrange ballet qui fait penser à Offenbach, Tchaïkovsky, Hollywood, et même à un banquet kitsch et décadent.
La Gioconda, ne nous voilons pas la face, est bel et bien un opéra de premier plan… parmi les œuvres de seconde zone, tous compositeurs confondus!
Les faiblesses notoires de ce mélo magistral mais torturé, aux situations "abracadabrantesques", ne doivent toutefois pas cacher une belle facture orchestrale car souvent symphonique, riche en coloris, dense, brillante, généreuse, qui n’étouffe jamais les voix, comme située sur une trajectoire Boito-Puccini, mais à l’écart de Verdi.
Voilà chez Ponchielli de longs, flamboyants et sinueux motifs mélodiques dont se souviendront les grands véristes à venir, mais aussi un ameublement vocal un rien tapageur qui fait qu’avec six très grands chanteurs, cet ouvrage peut encore se présenter un peu partout.
La production nissarda-wallonne signée Jean-Louis Grinda (flanqué de ses "séides" habituels Capperon-Chevalier-Chatelet) est bien connue de tout lyricomane qui se respecte. Encore une fois, la mise en espace et en images du Monégasque fourmille d’idées, avec une conception générale certes très personnelle.
Tour de force non négligeable, Jean-Louis Grinda rend lisible de bout en bout une action dramatique complexe où même une chatte vénitienne ne trouverait pas ses petits.
Cette Cité des Doges stylisée, brumeuse, âpre, colorée dans sa décadence, oppressante, sans indulgence pour les faibles, les pauvres, les marginaux, transpire l’hostilité, suinte des rapports humains tendus (on cherche vainement ici l’Angelo, Tyran de Padoue du Père Hugo), malgré en filigrane les masques du Carnaval ou les régates des gondoles sur la lagune.
Dans cette atmosphère propice à la délation, la trahison, les secrets d’alcôve ou le meurtre, la danse et la liesse populaire apparaissent comme un exorcisme devant la mort plutôt qu’une joyeuse récréation.
On la dit. Il faut pour cet ouvrage à l’intrigue démoniaque et à la musique tarabiscotée un sextuor vocal de primo cartello. Même un octuor, les deux rôles secondaires (ici un Jean-Marie Delpas suffocant d’accent, de présence, simplement parfait et un Mickhael Piccone bien en place) ne demandant pas de l’à-peu-près.
Plaisir donc de préciser que sur la scène phocéenne, la distribution réunie, très exigeante on le sait, ne suscite que peu de réserves, le Chœur et la Maîtrise des Bouches-du-Rhône étant encore une fois d’un excellent niveau. La fameuse "Danse des heures", réglée de main de maître par le toujours jeune et talentueux Marc Ribaud est d’une sensualité effrénée.
Compensant par une belle tenue scénique ce que la voix a d’un peu impersonnel, Micaela Carosi laissera le souvenir d’une Gioconda toute de passion et de compassion. On n’oubliera pas de sitôt le poignant "Amatevi" lancé aux deux amants sauvés grâce à elle ou ce "Suicido" d’une envolée toute racinienne.
Riccardo Massi, Enzo au physique avantageux, à l’engagement dramatique plus que crédible, possède une voix de ténor fine et solide comme une lame, un peu mate peut-être, remarquablement cultivée, conduite avec un goût raffiné, enchanteur même, pour un "Cielo e Mar" d’anthologie. Un ténor à suivre de très près qui pourrait bientôt damer le pion à certains.
Prise de rôle réussie pour Beatrice Uria-Monzon, Laura d’une solidité à toute épreuve qui cisèle de jolies nuances dans "Stella del marinar" pour donner ensuite, vaillamment, sans rire, toute l’artillerie dans ce combat de vaisseaux de haut bord qu’est le duo du deuxième acte.
En traître de service, Marco di Felice, ne manque ni d’élégance ni de fiel et montre un ardent plaisir à faire le mal, comme tous les frustrés depuis la création de ce bas monde. Vocalement, c’est simplement grandiose. Par contre, Kostantin Gorny, du coffre, de la vérité, de la vibration ne semble pas tirer grand-chose de son Alvise, le personnage, il est vrai, n’est guère flatteur.
La Cieca est rôle court mais essentiel qui permet à Qiu Lin Zhang de déployer dans sa scène du premier acte, le plus joli timbre de contralto entendu depuis longtemps. Elle apporte en plus un côté troublant à ce personnage (aveugle) car toute de détresse, de tendresse, de piété. Ovation plus que méritée après son très bel air "Voce di donna o d’angelo"…
Direction un peu pâle au début de Fabrizio Maria Carminati, puis, comme portée par le public et la partition, progressivement plus chaleureuse, formidablement permissive pour les chanteurs. "Les Heures" restant toujours en encore, cet étrange ballet qui fait penser à Offenbach, Tchaïkovsky, Hollywood, et même à un banquet kitsch et décadent.