Jacques de Larosière de l’Académie des sciences morales et politiques (c) Canal Académie
Michel Pebereau est intervenu en premier pour rappeler que le système économique et financier a été ébranlé par de multiples facteurs (erreurs, inefficacité, illusions etc.). Les déséquilibres sont nés aux États-Unis où les établissements financiers avaient pris des risques inconsidérés. La crise a révélé que les régulateurs avaient été défaillants et les systèmes de contrôles affaiblis. Il a évoqué la question des liquidités (l’illusion des liquidités) ainsi que celles des normes comptables et celles des agences de notation, largement responsables de l’accélération de la crise.
Si le pire a pu être évité grâce à l’intervention massive des banques centrales et des États, si la récession n’est pas devenue une dépression, le monde financier dans son entier a subi une perte de confiance inouïe. "Beaucoup reste à faire" avoue Michel Pebereau. Pour atteindre une croissance durable et équilibrée, il reste bien des obstacles à surmonter et bien des désordres monétaires à conjurer. Il analyse ensuite la question de la croissance économique, différente selon les pays. Partout, dit-il, la question budgétaire est posée, les déficits publics creusés. Il reste donc à faire de nombreux efforts structurels. Il faut rétablir la confiance dans les banques, sauver les entreprises menacées, renforcer les contrôles mais ne pas les rendre trop contraignants, autrement dit les repenser.
Qu’en est-il pour demain ?
Après les accords du G20, la mise en œuvre des régulations reste à faire. Il convient de bien cibler les actions à engager (certaines mesures peuvent se révéler dommageables). La régulation américaine est en panne. Les propositions du rapport Larosière restent à mettre en œuvre. Les intérêts américains sont différents des intérêts européens. Il y a aussi un risque d’évitement : que les vrais problèmes ne soient pas traités. Les normes comptables devront être unifiées au plan international. Le système de l’organisation monétaire internationale doit aussi repenser ses missions d’origine. De plus, il faut lutter contre les tentations protectionnistes (la plupart des plans mis en œuvre l’ont été dans un cadre national, non mondial).
"La poursuite de la mondialisation est notre avenir" affirme Michel Pebereau, qui voit là le plus sûr moyen d’équilibrer l’économie, car la mondialisation, malgré ses difficultés ou ses inconvénients, est le gage d’une croissance économique. En conclusion, il explique qu’il convient de croiser la volonté de coordination des politiques économiques et monétaires avec l’esprit de coopération par des accords internationaux.
Après Michel Pebereau, c’est Bertrand Collomb qui a montré que les causes de la crise peuvent être analysées selon des points de vue divers et différents. Que "l’Amérique vivait au dessus de ses moyens", nul n’en disconvient. Que la conséquence en ait été une explosion des inégalités, notamment aux États-Unis, c’est un fait d’observation. La crise, tout le monde s’accorde à le dire, a au moins cela de bon qu’elle remet en cause les certitudes et obligent les structures à évoluer, mais cela ne saurait se faire en un jour...
Bertrand Collomb évoque quelques uns des changements indispensables : une nouvelle relation entre États-Unis et reste du monde, par rapport à l’épargne notamment. Une nouvelle régulation mais en faut-il plus ou moins, cela dépend des zones géographiques. Une gouvernance mondiale, et donc un renforcement du G20. Se pose alors la question de savoir jusqu’où il faudra contraindre les consommateurs pour qu’ils souscrivent à des choix collectifs globaux... Changer les comportements, certes, mais avec quelles incitations des États ? La conclusion de Bertrand Collomb reste optimiste : "Décidément, le XXIe siècle va être un siècle intéressant !"
Jean-Philippe Cotis, actuel directeur de l’INSEE, a parlé plutôt en tant qu’ancien économiste en chef de l’OCDE en abordant la question de la coordination macroéconomique internationale et son rôle dans la sortie de la crise. Il a souligné toutes les difficultés, la complexité et le travail de longue haleine que serait cette rénovation de la coordination internationale. Il a rappelé une règle historique : les économies mûres finançaient les économies plus jeunes. Or, aujourd’hui, ce mouvement semble abandonné : les économies jeunes, émergentes, veulent financer les économies mûres. Il en a souligné les dangers. Abordant la question de la surépargne des Chinois, il en a expliqué quelques unes des raisons, notamment l’absence d’assurances individuelles et de protection sociale. Il s’est également félicité du rôle du G20 qui a réussi à gérer ensemble un choc commun.
Michel Didier a rappelé que cette crise n’était pas la première et que bien des personnes présentes dans la salle des séances avaient connu au moins cinq périodes de récession, notamment en 1975. Il a donné une grille de lecture pour démêler les principales composantes de la crise de 2009 : le choc, le cycle, et les tendances profondes. Si aujourd’hui, la période de panique est passée, l’économie réelle tend à revenir à son cycle naturel, mais c’est une longue convalescence ! La crise finie, la reprise n’est pas encore là, et elle ne pourra pas dépasser les 1% de croissance. Michel Didier s’est surtout penché sur les enseignements de cette crise :
- le rôle majeur pour l’aversion aux risques (disparition des primes de risques, excès d’optimisme). Or, le risque est une réalité dont on a repris conscience brutalement.
- le caractère global de la crise, la première à échelle mondiale, même si en 1974, le choc pétrolier avait déjà sonné l’alarme. Car si cette crise 2009 a focalisé sur les questions financières, il ne faut pas oublier la hausse des prix des matières rares et premières...
- le fonctionnement de l’économie de marché mondialisée. Le monde entier s’est converti à l’économie de marché (car elle est génératrice de croissance). Mais elle obéit à des cycles. Le plus inquiétant, a souligné M. Didier, c’est que après la crise, la cause du déséquilibre est toujours là...
- les États ont appris les gestes qui sauvent, certes, mais le bon chemin du retour à la normale qui le connait ? On manque d’expérience dans le passé.
Jacques de Larosière a proposé, en guise de conclusion, de s’interroger sur les moyens d’éviter que la crise ne se reproduise.
Car là est l’essentiel. Or, l’une des causes profondes, est le déséquilibre macroéconomique qui est le résultat d’une politique monétaire laxiste. Pour s’attaquer aux causes profondes, il convient d’abord de les détecter, puis de les corriger. Le rôle du "Conseil du risque systémique" préconisé dans le rapport qu’il a remis, serait, avec les banques centrales, de faire un effort de surveillance et de sonner l’alerte. Il ne sera efficace que s’il s’applique globalement, dans tous les pays du monde. Quant à remanier les structures, il faut aussi raison garder : pas trop de règles trop pénalisantes et des règles identiques pour tous les acteurs. Les recommandations faites par le groupe du rapport Larosière sont vastes, et de nature à la fois techniques et politiques.
Si le pire a pu être évité grâce à l’intervention massive des banques centrales et des États, si la récession n’est pas devenue une dépression, le monde financier dans son entier a subi une perte de confiance inouïe. "Beaucoup reste à faire" avoue Michel Pebereau. Pour atteindre une croissance durable et équilibrée, il reste bien des obstacles à surmonter et bien des désordres monétaires à conjurer. Il analyse ensuite la question de la croissance économique, différente selon les pays. Partout, dit-il, la question budgétaire est posée, les déficits publics creusés. Il reste donc à faire de nombreux efforts structurels. Il faut rétablir la confiance dans les banques, sauver les entreprises menacées, renforcer les contrôles mais ne pas les rendre trop contraignants, autrement dit les repenser.
Qu’en est-il pour demain ?
Après les accords du G20, la mise en œuvre des régulations reste à faire. Il convient de bien cibler les actions à engager (certaines mesures peuvent se révéler dommageables). La régulation américaine est en panne. Les propositions du rapport Larosière restent à mettre en œuvre. Les intérêts américains sont différents des intérêts européens. Il y a aussi un risque d’évitement : que les vrais problèmes ne soient pas traités. Les normes comptables devront être unifiées au plan international. Le système de l’organisation monétaire internationale doit aussi repenser ses missions d’origine. De plus, il faut lutter contre les tentations protectionnistes (la plupart des plans mis en œuvre l’ont été dans un cadre national, non mondial).
"La poursuite de la mondialisation est notre avenir" affirme Michel Pebereau, qui voit là le plus sûr moyen d’équilibrer l’économie, car la mondialisation, malgré ses difficultés ou ses inconvénients, est le gage d’une croissance économique. En conclusion, il explique qu’il convient de croiser la volonté de coordination des politiques économiques et monétaires avec l’esprit de coopération par des accords internationaux.
Après Michel Pebereau, c’est Bertrand Collomb qui a montré que les causes de la crise peuvent être analysées selon des points de vue divers et différents. Que "l’Amérique vivait au dessus de ses moyens", nul n’en disconvient. Que la conséquence en ait été une explosion des inégalités, notamment aux États-Unis, c’est un fait d’observation. La crise, tout le monde s’accorde à le dire, a au moins cela de bon qu’elle remet en cause les certitudes et obligent les structures à évoluer, mais cela ne saurait se faire en un jour...
Bertrand Collomb évoque quelques uns des changements indispensables : une nouvelle relation entre États-Unis et reste du monde, par rapport à l’épargne notamment. Une nouvelle régulation mais en faut-il plus ou moins, cela dépend des zones géographiques. Une gouvernance mondiale, et donc un renforcement du G20. Se pose alors la question de savoir jusqu’où il faudra contraindre les consommateurs pour qu’ils souscrivent à des choix collectifs globaux... Changer les comportements, certes, mais avec quelles incitations des États ? La conclusion de Bertrand Collomb reste optimiste : "Décidément, le XXIe siècle va être un siècle intéressant !"
Jean-Philippe Cotis, actuel directeur de l’INSEE, a parlé plutôt en tant qu’ancien économiste en chef de l’OCDE en abordant la question de la coordination macroéconomique internationale et son rôle dans la sortie de la crise. Il a souligné toutes les difficultés, la complexité et le travail de longue haleine que serait cette rénovation de la coordination internationale. Il a rappelé une règle historique : les économies mûres finançaient les économies plus jeunes. Or, aujourd’hui, ce mouvement semble abandonné : les économies jeunes, émergentes, veulent financer les économies mûres. Il en a souligné les dangers. Abordant la question de la surépargne des Chinois, il en a expliqué quelques unes des raisons, notamment l’absence d’assurances individuelles et de protection sociale. Il s’est également félicité du rôle du G20 qui a réussi à gérer ensemble un choc commun.
Michel Didier a rappelé que cette crise n’était pas la première et que bien des personnes présentes dans la salle des séances avaient connu au moins cinq périodes de récession, notamment en 1975. Il a donné une grille de lecture pour démêler les principales composantes de la crise de 2009 : le choc, le cycle, et les tendances profondes. Si aujourd’hui, la période de panique est passée, l’économie réelle tend à revenir à son cycle naturel, mais c’est une longue convalescence ! La crise finie, la reprise n’est pas encore là, et elle ne pourra pas dépasser les 1% de croissance. Michel Didier s’est surtout penché sur les enseignements de cette crise :
- le rôle majeur pour l’aversion aux risques (disparition des primes de risques, excès d’optimisme). Or, le risque est une réalité dont on a repris conscience brutalement.
- le caractère global de la crise, la première à échelle mondiale, même si en 1974, le choc pétrolier avait déjà sonné l’alarme. Car si cette crise 2009 a focalisé sur les questions financières, il ne faut pas oublier la hausse des prix des matières rares et premières...
- le fonctionnement de l’économie de marché mondialisée. Le monde entier s’est converti à l’économie de marché (car elle est génératrice de croissance). Mais elle obéit à des cycles. Le plus inquiétant, a souligné M. Didier, c’est que après la crise, la cause du déséquilibre est toujours là...
- les États ont appris les gestes qui sauvent, certes, mais le bon chemin du retour à la normale qui le connait ? On manque d’expérience dans le passé.
Jacques de Larosière a proposé, en guise de conclusion, de s’interroger sur les moyens d’éviter que la crise ne se reproduise.
Car là est l’essentiel. Or, l’une des causes profondes, est le déséquilibre macroéconomique qui est le résultat d’une politique monétaire laxiste. Pour s’attaquer aux causes profondes, il convient d’abord de les détecter, puis de les corriger. Le rôle du "Conseil du risque systémique" préconisé dans le rapport qu’il a remis, serait, avec les banques centrales, de faire un effort de surveillance et de sonner l’alerte. Il ne sera efficace que s’il s’applique globalement, dans tous les pays du monde. Quant à remanier les structures, il faut aussi raison garder : pas trop de règles trop pénalisantes et des règles identiques pour tous les acteurs. Les recommandations faites par le groupe du rapport Larosière sont vastes, et de nature à la fois techniques et politiques.