Eternelle jeunesse d'une féerie lourde de sens
Opéra philosophique et maçonnique ? Singspiel ? Féerie ? La Flûte Enchantée peut être l'un ou l'autre, ou même les trois à la fois. Ce qui n'est pas sans poser certains problèmes aux metteurs en scene. Car le ton de la Flûte est bien difficile à trouver. Il y faut un temple, et... un guignol. De la piété... et de la verve.
On ne saurait imaginer donc une Flûte idéale tant sont différentes les approches qu'on peut avoir de ce chef-d'oeuvre. Qu'on évoque la tradition du singspiel ou que l'on parle d'oeuvre initiatique, et dejà deux voies diamétralement opposées sont ouvertes…
En fait, cet opéra s'est montré – au cours du temps – suffisament flexible pour supporter le poids de ces idées philosophico-mystiques, et surtout la richesse d'une partition à la souplesse rythmique étonnante qui porte en soi les germes du romantisme.
Car Mozart a renoué entre-temps avec l'opéra seria dont Titus reste de toute façon le sommet. Son influence sur les musiciens a été considérable. Hugo von Hoffmannshal n'hésitera pas à écrire à Richard Strauss que pour lui : "La Femme sans ombre est à la Flûte ce que le Rosenkavalier est aux Noces de Figaro".
Venue de Nice, la production signée par Numa Sadoul, copieusement hué aux rappels, lorgne ouvertement vers le côté révélation à la Parsifal. Avec les décors et les costumes de Pascal Lecoq, la franc-maçonnerie envahit tout... alors que même pour le compositeur et son librettiste tout devait être suggéré, non pas étalé au grand jour, comme une clé d'entrée pour le livret.
Voilà donc une Flûte plus élitiste que populaire mais qui offre de belles échappées poétiques, accessible en son premier degré, souvent fort drôle (avec les trois garçons déguisés en héros de bande-dessinée, tout y passe de Tintin à Batman), tenant la gageure de préserver la présence palpable des différents niveaux de lecture dans laquelle Goethe voyait la réussite unique de l'opéra.
La distribution réunie pour l'occasion n'apporte aucune réserve majeure, sauf peut-être pour la Pamina d'Anne-Catherine Gillet, déguisée comme Lakmé, touchante dans sa spontanéité, sa fragilité, mais à la justesse aléatoire et au vibrato envahissant. Son deuxième air, lui arrachant par moment ses plus mauvaises sonorités, a reçu un accueil glacial.
Serena Uyar, La Reine de la Nuit, pour une fois, n'arrache pas au forceps ses contre-fa assassins mais déploie timidement les ailes bien peu maléfiques de son monde nocturne.
Heureusement, son futur beau-fils Tamino est un Cyrille Dubois ardent et très persuasif, rempli d'un beau lyrisme, mâle, fiévreux, engagé, vibrant, exacerbé, à la ligne de chant assurée et dont le phrasé rappelle celui d'un Gedda.
En Papageno, Philippe Estève, savoureux, écrase littéralement le rôle sous lui. Il s'en joue, s'en amuse, nous amuse, en refait, en rajoute... pour le plus grand bonheur de tous. Il trouve en Papagena une Caroline Meng, amusée elle aussi, rouée, gouailleuse, idéale.
Contraste heureux avec le Sarastro, impressionnant, sobre, souverain et facile comme seul Wenwei Zhang sait le chanter.
Très belle homogénéité chez les Trois Dames (Constans, Zerari, Roche), superbe choral des Hommes Armés (Guilhem Worms et Christophe Berry, uniques, grandioses !), des enfants sympathiques mais pas toujours dans la portée, Monostatos percutant et libidineux de Loïc Felix et orateur parfait, simplement parfait dans son éloquence, de Fréderic Caton.
Dès les premiers accords – ratés - de l'Ouverture, beaucoup ont senti un je-ne-sais-quoi d'hiératique, morne, lourd, froid et pesant venant de la fosse. Lawrence Foster connaît pourtant son Mozart sur le bout des doigts !
Bref, la sauce hélas ne prend pas. Avec des tempi étirés à l'extrême, mettant plus d'une fois les chanteurs en péril, avec bien peu de lyrisme, le chef s'enlise dans un confortable à-peu-près. C'est parfois grand, intelligent toujours, mais on cherche en vain ce délicieux parfum de gaieté et de magie miraculeuse.
Comme si Foster lui aussi semblait ne pas totalement adhérer à ce qu'il voyait sur scène...
Photo : Christian Dresse 2019
On ne saurait imaginer donc une Flûte idéale tant sont différentes les approches qu'on peut avoir de ce chef-d'oeuvre. Qu'on évoque la tradition du singspiel ou que l'on parle d'oeuvre initiatique, et dejà deux voies diamétralement opposées sont ouvertes…
En fait, cet opéra s'est montré – au cours du temps – suffisament flexible pour supporter le poids de ces idées philosophico-mystiques, et surtout la richesse d'une partition à la souplesse rythmique étonnante qui porte en soi les germes du romantisme.
Car Mozart a renoué entre-temps avec l'opéra seria dont Titus reste de toute façon le sommet. Son influence sur les musiciens a été considérable. Hugo von Hoffmannshal n'hésitera pas à écrire à Richard Strauss que pour lui : "La Femme sans ombre est à la Flûte ce que le Rosenkavalier est aux Noces de Figaro".
Venue de Nice, la production signée par Numa Sadoul, copieusement hué aux rappels, lorgne ouvertement vers le côté révélation à la Parsifal. Avec les décors et les costumes de Pascal Lecoq, la franc-maçonnerie envahit tout... alors que même pour le compositeur et son librettiste tout devait être suggéré, non pas étalé au grand jour, comme une clé d'entrée pour le livret.
Voilà donc une Flûte plus élitiste que populaire mais qui offre de belles échappées poétiques, accessible en son premier degré, souvent fort drôle (avec les trois garçons déguisés en héros de bande-dessinée, tout y passe de Tintin à Batman), tenant la gageure de préserver la présence palpable des différents niveaux de lecture dans laquelle Goethe voyait la réussite unique de l'opéra.
La distribution réunie pour l'occasion n'apporte aucune réserve majeure, sauf peut-être pour la Pamina d'Anne-Catherine Gillet, déguisée comme Lakmé, touchante dans sa spontanéité, sa fragilité, mais à la justesse aléatoire et au vibrato envahissant. Son deuxième air, lui arrachant par moment ses plus mauvaises sonorités, a reçu un accueil glacial.
Serena Uyar, La Reine de la Nuit, pour une fois, n'arrache pas au forceps ses contre-fa assassins mais déploie timidement les ailes bien peu maléfiques de son monde nocturne.
Heureusement, son futur beau-fils Tamino est un Cyrille Dubois ardent et très persuasif, rempli d'un beau lyrisme, mâle, fiévreux, engagé, vibrant, exacerbé, à la ligne de chant assurée et dont le phrasé rappelle celui d'un Gedda.
En Papageno, Philippe Estève, savoureux, écrase littéralement le rôle sous lui. Il s'en joue, s'en amuse, nous amuse, en refait, en rajoute... pour le plus grand bonheur de tous. Il trouve en Papagena une Caroline Meng, amusée elle aussi, rouée, gouailleuse, idéale.
Contraste heureux avec le Sarastro, impressionnant, sobre, souverain et facile comme seul Wenwei Zhang sait le chanter.
Très belle homogénéité chez les Trois Dames (Constans, Zerari, Roche), superbe choral des Hommes Armés (Guilhem Worms et Christophe Berry, uniques, grandioses !), des enfants sympathiques mais pas toujours dans la portée, Monostatos percutant et libidineux de Loïc Felix et orateur parfait, simplement parfait dans son éloquence, de Fréderic Caton.
Dès les premiers accords – ratés - de l'Ouverture, beaucoup ont senti un je-ne-sais-quoi d'hiératique, morne, lourd, froid et pesant venant de la fosse. Lawrence Foster connaît pourtant son Mozart sur le bout des doigts !
Bref, la sauce hélas ne prend pas. Avec des tempi étirés à l'extrême, mettant plus d'une fois les chanteurs en péril, avec bien peu de lyrisme, le chef s'enlise dans un confortable à-peu-près. C'est parfois grand, intelligent toujours, mais on cherche en vain ce délicieux parfum de gaieté et de magie miraculeuse.
Comme si Foster lui aussi semblait ne pas totalement adhérer à ce qu'il voyait sur scène...
Photo : Christian Dresse 2019
La Flûte enchantée (119.62 Ko)