ETYMOLOGIE: Vœux et bienveillant - en savoir plus avec Canal Académie

Les vœux et la politique sont intimement liés, étymologiquement s’entend... En latin classique, votum, à l’origine du mot vote, désignait en effet la supplication adressée à Dieu en échange d’une requête demandée ou exaucée. Votum devint vot puis veu au XIIe siècle, en passant par vovere, faire une promesse à une divinité.

Les vœux sont donc d’abord pieux comme ceux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance prononcés pour entrer dans la vie religieuse. L’abbé Raynal, prêtre philosophe du XVIIIe siècle, aimait à rappeler toutefois que les vœux n’étaient pas toujours tendres : parmi ceux partis à la conquête de l’Inde, « il y en eut qui firent vœu de massacrer douze Indiens par jour, en l’honneur des douze apôtres » ! Lorsque le vœu est laïc, l’exemple du lexicographe est parfois bien singulier. Ainsi en est-il du Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle : « Vous n’avez pas, je pense, fait vœu d’obéir à votre femme ? » On préfère donc le Trésor de la langue française, une merveille de l’Est, où les vœux, pas encore « présidentiels », sont « ambitieux, ardents, timides, insensés, irréalisables, vains, accomplis, réalisés ». Votons pour ces derniers vœux. Que je vous adresse chaleureusement.

« Les bienveillants ne vieillissent presque pas », déclare C. Nodier cité par P. Larousse dans son Grand Dictionnaire universel, ce que complète avec assurance Saint-Marc Girardin affirmant que « le bonheur du prochain tient au nôtre » et que « les bienveillants sont volontiers heureux ». Ainsi, le fait de vouloir le bien d’autrui, d’être donc bien voillant – voillant se transformant en veillant et représentant l’ancien participe présent du verbe vouloir –, serait donc gage de bonheur et de longévité. On se situe en réalité avec le bienveillant dans la tradition du latin classique bene volens qui, au XIVe siècle, avait été emprunté au latin pour créer l’adjectif bénévolent qualifiant la personne de grande indulgence, joli doublé pour le mot bienveillant.
Cette image du bonheur partagé disparaît hélas avec les bienveillantes. Ici en effet le féminin n’adoucit rien puisque lesdites bienveillantes désignent un infernal trio de divinités vengeresses, munies de fouets et poursuivant sans relâche les coupables dénichés sur la surface de la Terre. Ces trois furies, dotées d’une chevelure de serpent et d’un corps ailé, étaient nées « des gouttelettes de sang répandues sur la Terre par le membre mutilé d’Ouranos », comme le rappelle M. Legrain auteur du remarqué Dictionnaire indiscret de l’Olympe. Aucun mortel ne souhaitait évidemment attirer l’attention des Érinyes, leur premier nom. On essayait au contraire de les flatter en les appelant les Euménides, c’est-à-dire en grec les bienveillantes. Mais rien n’y fit, les bienveillantes étaient malévoles, l’exact contraire étymologique des bénévolents : elles avaient le vouloir mauvais. Et ce n’est pas le moindre mérite du roman de J. Littell, grand prix 2006 de l’Académie française que de faire ressurgir avec Les bienveillantes la mythologie et ses puissances obscures, à propos des groupes exterminateurs nazis.