Statue de Manolete devant les arènes de Linares. Photo (c) DR
Mais "El Choni" qui s'est éteint à Murcie, en terre valencienne, le 22 avril à 90 ans, des suites d'une longue maladie, avait un privilège. Il fut le dernier à avoir reçu l'alternative des mains de Manolete, le 15 octobre 1944 dans les arènes de Valence. L’alternative est une sorte d'adoubement, elle confère au novilllero qui affronte des taureaux de trois ans, le droit de combattre ceux d'au moins quatre ans. Après cet épisode, les deux hommes partagèrent plusieurs fois la même affiche. "El Choni" avait gardé un souvenir ému du grand torero qui était aussi un ami intime, ils avaient souvent toréé ensemble en Amérique, principalement au Mexique où la afición, le goût pour la tauromachie, est très vive. Jaime Marco qui était né à Sagunto, tout près de Valence, le 20 janvier 1920, débuta dans l'arène en 1940 et se fit très vite remarquer. Plus tard, sa carrière a croisé celle des noms les plus célèbres de la tauromachie dans les années cinquante. Il se retira en 1958 mais continua cependant à donner des conseils. Il s'était beaucoup intéressé à la carrière du torero madrilène José Tomas qu'il avait découvert. Et curieusement, on vient d'apprendre que ce dernier a été grièvement blessé ces jours-ci par "Valeroso", courageux, son deuxième taureau lors d'une corrida à Aguascalientes, au Mexique, dans l'état du même nom. Il a été opéré avec succès mais a dû rester trois jours en soins intensifs. Le pronostic a été très réservé mais maintenant il semble tiré d'affaire.
Brève mais glorieuse carrière
Manuel Laureano Rodríguez Sánchez dit "Manolete", qui était né le 4 juillet 1917 à Cordoue et fut sans doute le plus grand torero du XIXe siècle, a connu le même sort, le 28 août 1947, dans les arènes de Linares, en Andalousie, une blessure à l'artère fémorale. Le taureau s'appelait Islero et venait du célèbre élevage Miura. Malheureusement, c'était à une époque où les services d'urgence n'existaient pas et les soins qu'il avait reçus, sur place à l'infirmerie, n'ont pas suffi à endiguer la terrible hémorragie qui est la hantise des toreros. Il est mort le lendemain matin et repose dans le cimetière San Agustín de Cordoue. Sa prodigieuse carrière dans une Espagne sortie exsangue de trois ans de guerre civile et qui connaissait une grande pénurie, faisait rêver et oublier le quotidien. Inutile de dire que sa mort dramatique émut le pays pendant des années. Son nom fut encore évoqué ces derniers temps à cause du film éponyme que lui a consacré le danois Menno Meyjes. Sorti en Espagne en 2008 et en France le 31 mars dernier, il n'a pas connu un grand succès, on pourrait même dire qu'il a fait contre lui l'unanimité de la critique. On lui a surtout reproché d'avoir trop lourdement insisté sur les dix-huit mois de la liaison passionnée du torero avec la sulfureuse comédienne Lupe Sino incarnée par Penélope Cruz. On s'est plu cependant à souligner la ressemblance frappante entre le héros et son interprète, Adrien Brody, fils de la célèbre photographe hongroise Silvia Plachy.
Une fin dramatique
Statue de Federico García Lorca (1898–1936) sur la Plaza de Santa Ana à Madrid. Oeuvre du sculpteur Julio López Hernández 1986. Photo (c) DR
En 1935, paraissait un long poème de Federico García Lorca, "Llanto por Ignacio Sánchez Mejías", chant funèbre pour Ignacio Sánchez Mejías, à la mémoire de ce torero décédé le 13 août 1934 à 43 ans. L'homme était d'ailleurs surprenant, féru d'art et de lettres, ami des écrivains, dissertant sur Cervantes, donnant une conférence sur la tauromachie à l'Université de Columbia, acteur de cinéma, joueur de polo ou participant à des chorégraphies, et par ailleurs président du club de football Real Betis Balompié de Séville en 1930. Blessé lui aussi à l'artère fémorale le 11 août dans les arènes de Manzanares, près de Madrid, il refuse l'opération et meurt deux jours plus tard de gangrène dans d'atroces souffrances. En 1950, le compositeur français Maurice Ohana a mis en musique le très beau poème de Lorca.