Photo courtoisie © Christian Dresse
Face aux difficultés de monter une œuvre dont on connaît les qualités mais aussi les limites, cette production marseillaise du Cid de Massenet se révèle comme un joli coup de maître.
Un peu d’histoire pour commencer. Rodrigue Diaz de Bivar qui combattit les invasions musulmanes au XIe siècle fut immortalisé par le poète espagnol Guillen de Castro. Corneille en fit son Cid, grandiose analyse dialectique de la légitimité du pouvoir sous couvert de l’étude des comportements passionnels, le classicisme du Rouenais peignant plutôt alors avec la minutie d’un clinicien la relativité des rapports humains.
Et Massenet ? Avec ses trois librettistes (Blau, d’Ennery et Gallet) il n’y va pas de main morte et emballe le tout dans un héroïsme déchaîné qui simplifie le fait pour mieux l’utiliser : affrontements d’ardeurs viriles, fanfares et cloches ponctués de délicats "exercices féminins". Habilement, si les trois compères ont mis en action tout ce que Corneille ne faisait que raconter tout en piochant également ici et là dans la pièce de Castro, ils tentèrent l’impossible : garder dans les scènes les plus célèbres, les propres vers du poète.
Ces vers, nous les connaissons tous presque par cœur, ne gagnent rien à être mis en musique, certaines tirades chantées soulevant même une franche hilarité. Les meilleurs moments de la partition se trouveront donc dans les scènes les moins connues de la tragédie et dans celles ajoutées par les librettistes (romance de l’Infante, son duo avec Chimène, plainte de celle-ci…). On le voit, l’œuvre est difficile et complexe. Mais, Massenet connaît son public et sait ménager ses effets. L'ouverture reprend quelques thèmes qui seront développés par la suite (les "pleurs de Chimène", le thème de Saint-Jacques), mais se garde de révéler tout de suite l'air de bravoure de Rodrigue ("Ô souverain, ô juge, ô père !") qui apparaît à l'acte III.
Présenté, attendu - diffusé en direct sur Mezzo et sur écran géant en ville de Marseille - comme l’évènement lyrique de l’année, le spectacle fut accueilli un tantinet frileusement en première partie, pour finalement emporter l’adhésion du public au rideau final. Une petite bronca toute méridionale fut réservée à Charles Roubaud, sa transposition de l’œuvre dans une Espagne vaguement franquiste soulevant l’ire d’une clique traditionaliste vite remise en place.
Côté chanteurs, la palme reviendra, on s’en doutait un peu, à notre Roberto national qui joue ici la simplicité humaine plutôt que l’archétype du héros.
Le rôle est écrasant. Visiblement pas toujours très à l’aise, son air d’entrée, à froid, casse-gueule au possible, aux aigus assassins (merci monsieur Massenet !) n’est pas donné il est vrai… Comme plus libéré, le deuxième acte fut assez électrisant, plein de fougue, de passion, de rage visionnaire.
Nous retrouvâmes l’art suprême de l’Artiste, son phrasé royal, en deuxième partie. Avec en prime une ovation à l’aune de son talent après l’incantation à Saint-Jacques, qui donnât dès lors un souffle inespéré, un ton souverain à la soirée. Le troisième acte étant sans doute le plus réussi du compositeur. Fascinant Divo dont l’itinéraire artistique reste une formidable aventure…dixit le luxueux programme et quelques autres…
A ses côtés, une Chimène d’une belle intensité vocale et expressive : Beatrice Uria-Monzon. D’une grandeur toute cornélienne, voire racinienne, la superbe mezzo se joue avec prudence, éclat et franchise d’un rôle périlleux, tant les écarts de notes, les fréquents jeux de passages sont terrifiants. Là aussi, quel engagement, quelle prestance, quelle classe !
Le reste de la distribution avait hélas moins d’intérêt. Si Kimy Mc Laren chante une exquise Infante, fraîche comme une rose cueillie du jour, radieuse comme une future reine, on descend d’un bon cran avec l’exécrable Roi de Franco Pomponi aussi savoureux qu’un churos mal cuit.
On aurait dû aussi intervertir les deux pères Don Gormas et Don Diègue. L’esperanto, le mal canto de ce dernier sont par moments inacceptables.
Et dire que l’on a distribué le percutant Bernard Imbert dans deux rôles épisodiques… Errare Humanum Est…
La partition a subi des coupures. Tant mieux. Ça tsimboumboume pas mal dans Le Cid entre défilés militaires, processions, ballets hispaniques et pathos de fin de siècle. Jacques Lacombe mène ses troupes avec une baguette efficace, rattrape quelques flottements et arrive à donner à cette musique une vision dramatique, altière, glorieuse. Chœurs engagés comme pas deux où se distingue çà et là quelques prometteuses individualités.
Un peu d’histoire pour commencer. Rodrigue Diaz de Bivar qui combattit les invasions musulmanes au XIe siècle fut immortalisé par le poète espagnol Guillen de Castro. Corneille en fit son Cid, grandiose analyse dialectique de la légitimité du pouvoir sous couvert de l’étude des comportements passionnels, le classicisme du Rouenais peignant plutôt alors avec la minutie d’un clinicien la relativité des rapports humains.
Et Massenet ? Avec ses trois librettistes (Blau, d’Ennery et Gallet) il n’y va pas de main morte et emballe le tout dans un héroïsme déchaîné qui simplifie le fait pour mieux l’utiliser : affrontements d’ardeurs viriles, fanfares et cloches ponctués de délicats "exercices féminins". Habilement, si les trois compères ont mis en action tout ce que Corneille ne faisait que raconter tout en piochant également ici et là dans la pièce de Castro, ils tentèrent l’impossible : garder dans les scènes les plus célèbres, les propres vers du poète.
Ces vers, nous les connaissons tous presque par cœur, ne gagnent rien à être mis en musique, certaines tirades chantées soulevant même une franche hilarité. Les meilleurs moments de la partition se trouveront donc dans les scènes les moins connues de la tragédie et dans celles ajoutées par les librettistes (romance de l’Infante, son duo avec Chimène, plainte de celle-ci…). On le voit, l’œuvre est difficile et complexe. Mais, Massenet connaît son public et sait ménager ses effets. L'ouverture reprend quelques thèmes qui seront développés par la suite (les "pleurs de Chimène", le thème de Saint-Jacques), mais se garde de révéler tout de suite l'air de bravoure de Rodrigue ("Ô souverain, ô juge, ô père !") qui apparaît à l'acte III.
Présenté, attendu - diffusé en direct sur Mezzo et sur écran géant en ville de Marseille - comme l’évènement lyrique de l’année, le spectacle fut accueilli un tantinet frileusement en première partie, pour finalement emporter l’adhésion du public au rideau final. Une petite bronca toute méridionale fut réservée à Charles Roubaud, sa transposition de l’œuvre dans une Espagne vaguement franquiste soulevant l’ire d’une clique traditionaliste vite remise en place.
Côté chanteurs, la palme reviendra, on s’en doutait un peu, à notre Roberto national qui joue ici la simplicité humaine plutôt que l’archétype du héros.
Le rôle est écrasant. Visiblement pas toujours très à l’aise, son air d’entrée, à froid, casse-gueule au possible, aux aigus assassins (merci monsieur Massenet !) n’est pas donné il est vrai… Comme plus libéré, le deuxième acte fut assez électrisant, plein de fougue, de passion, de rage visionnaire.
Nous retrouvâmes l’art suprême de l’Artiste, son phrasé royal, en deuxième partie. Avec en prime une ovation à l’aune de son talent après l’incantation à Saint-Jacques, qui donnât dès lors un souffle inespéré, un ton souverain à la soirée. Le troisième acte étant sans doute le plus réussi du compositeur. Fascinant Divo dont l’itinéraire artistique reste une formidable aventure…dixit le luxueux programme et quelques autres…
A ses côtés, une Chimène d’une belle intensité vocale et expressive : Beatrice Uria-Monzon. D’une grandeur toute cornélienne, voire racinienne, la superbe mezzo se joue avec prudence, éclat et franchise d’un rôle périlleux, tant les écarts de notes, les fréquents jeux de passages sont terrifiants. Là aussi, quel engagement, quelle prestance, quelle classe !
Le reste de la distribution avait hélas moins d’intérêt. Si Kimy Mc Laren chante une exquise Infante, fraîche comme une rose cueillie du jour, radieuse comme une future reine, on descend d’un bon cran avec l’exécrable Roi de Franco Pomponi aussi savoureux qu’un churos mal cuit.
On aurait dû aussi intervertir les deux pères Don Gormas et Don Diègue. L’esperanto, le mal canto de ce dernier sont par moments inacceptables.
Et dire que l’on a distribué le percutant Bernard Imbert dans deux rôles épisodiques… Errare Humanum Est…
La partition a subi des coupures. Tant mieux. Ça tsimboumboume pas mal dans Le Cid entre défilés militaires, processions, ballets hispaniques et pathos de fin de siècle. Jacques Lacombe mène ses troupes avec une baguette efficace, rattrape quelques flottements et arrive à donner à cette musique une vision dramatique, altière, glorieuse. Chœurs engagés comme pas deux où se distingue çà et là quelques prometteuses individualités.