(c) Peter Rühr
Tout le monde connaît le maquereau, ce très beau poisson de nos côtes, de coloration bleu-vert métallique irisé et strié de gris, qui semble fait « d’azur, d’argent et d’or lorsqu’il passe vivant de la ligne à la barque », comme le disait Alexandre Dumas. Ce poisson gras (mais les poissons gras ont été réhabilités grâce aux Omega 3), qui hante nos côtes en bancs, a de plus l’avantage d’être un des moins chers à l’étal du poissonnier. Mais l’imaginaire du maquereau dans la mythologie et dans la culture populaire ne cesse de nous surprendre.
Le maquereau a deux sens dans notre langue : certes le poisson, Scomber scrombus selon la classification de Linné, mais aussi le proxénète et le souteneur, dont le féminin est d’ailleurs ... maquerelle, qui traitent des filles publiques. Cette distinction n’est pas récente puisqu’un des premiers dictionnaires étymologiques de la langue française, celui de Ménage dans l’édition de 1750 que j’ai consultée, en fait longuement mention. Selon Ménage, maquereau viendrait de l’hébreu macar qui signifie vendre, car le métier de maquereau était de vendre les filles, ou bien du latin mucularellus, car les maquereaux dans les anciennes comédies étaient vêtus d’habits de diverses couleurs, à l’image des couleurs chatoyantes des écailles des maquereaux, ou encore du latin aquariolus, car les femmes débauchées se tenaient d’ordinaire près de l’eau. On a aussi dit que le maquereau (poisson) suivait les petites aloses aussi appelées pucelles pour les conduire au mâle. On voit que le maquereau est déjà susceptible d’agrémenter une science aussi rébarbative que l’étymologie. En fait, les étymologistes modernes comme Alain Rey considèrent que le maquereau poisson et le maquereau-souteneur ont deux étymologies différentes : l’étymologie du poisson est obscure, peut-être gauloise, et l’étymologie du maque découlerait du bas allemand Makelere, qui signifie marchand véreux ou trafiquant, option que Ménage avait déjà envisagée deux siècles plus tôt.
Et le poisson d’avril ?
Reste à savoir pourquoi le maquereau serait le poisson du premier avril. La forme du poisson en papier stylisé que l’on suspend à son insu dans le dos de celui que l’on veut gentiment railler rappelle en effet plus la forme du maquereau que celle du turbot ou de la raie. Mais il est des origines beaucoup plus lointaines de cette tradition. Pascal Viroux, dans La table des dieux nous apprend qu’Avril est issu du latin aprilis, de l’étrusque apru, dérivé du grec aphrô, diminutif d’Aphrodite. Avril serait donc le mois d’Aphrodite, déesse de l’amour et du désir, et la correspondance avec le début du printemps s’accorde bien avec la montée de sève, le réveil de la nature et les émois amoureux que favorise la saison. Pour d’autres, c’est Charles IX qui serait à l’origine de la tradition car il décida que l’année, qui commençait alors le 1er avril, débuterait le premier janvier. Comme la coutume était de distribuer des cadeaux le jour de l’an, la coutume s’instaura de distribuer des faux cadeaux le jour de l’ancien jour de l’an le premier avril.
Un symbole astral ?
Maintenant que nous savons le pourquoi mythologique et calendaire de la date du premier avril, reste à savoir pourquoi un poisson ce jour là. Christian Guy (dans l’almanach historique de la gastronomie française) nous rapporte que cela serait dû à la sortie du signe zodiacal des poissons et à l’interdiction de la pêche à cette époque de l’année en raison du frai (ponte des poissons). Le poisson en papier relevant à la fois du faux cadeau et d’un symbole astral. D’autres nous disent que cela était beaucoup plus méchant, et nous en revenons au maquereau : suspendre un maquereau au dos d’une personne laissait sous-entendre qu’elle entretenait des rapports avec le monde de la prostitution.
Une recette pour temps de crise ?
Toute recherche sur le maquereau expose donc à bien des aléas. Les zones d’ombre subsistent et les rapports entre poisson et proxénète sont toujours sous-jacents : il ne nous reste plus qu’à nous régaler de maquereaux, plat délicieux et bon marché ce qui n’est pas inintéressant en ces périodes de crise. Je ne résiste pas à vous en donner une recette facile et goûteuse. Prenez plusieurs beaux maquereaux de ligne, videz les lets, mettez-les dans un plat qui va au feu, ajouter des carottes et des citrons découpés en rondelles, couvrez les d’un bol d’eau et d’un verre de vinaigre d’alcool, salez, poivrez, ajoutez du thym, du basilic ou de l’estragon en bonne quantité, faites cuire jusqu’à obtenir un gros bouillon, et laissez refroidir. Consommez les tièdes ou froids sans vous poser de questions métaphysiques sur son origine, sa symbolique et son étymologie.
Le maquereau a deux sens dans notre langue : certes le poisson, Scomber scrombus selon la classification de Linné, mais aussi le proxénète et le souteneur, dont le féminin est d’ailleurs ... maquerelle, qui traitent des filles publiques. Cette distinction n’est pas récente puisqu’un des premiers dictionnaires étymologiques de la langue française, celui de Ménage dans l’édition de 1750 que j’ai consultée, en fait longuement mention. Selon Ménage, maquereau viendrait de l’hébreu macar qui signifie vendre, car le métier de maquereau était de vendre les filles, ou bien du latin mucularellus, car les maquereaux dans les anciennes comédies étaient vêtus d’habits de diverses couleurs, à l’image des couleurs chatoyantes des écailles des maquereaux, ou encore du latin aquariolus, car les femmes débauchées se tenaient d’ordinaire près de l’eau. On a aussi dit que le maquereau (poisson) suivait les petites aloses aussi appelées pucelles pour les conduire au mâle. On voit que le maquereau est déjà susceptible d’agrémenter une science aussi rébarbative que l’étymologie. En fait, les étymologistes modernes comme Alain Rey considèrent que le maquereau poisson et le maquereau-souteneur ont deux étymologies différentes : l’étymologie du poisson est obscure, peut-être gauloise, et l’étymologie du maque découlerait du bas allemand Makelere, qui signifie marchand véreux ou trafiquant, option que Ménage avait déjà envisagée deux siècles plus tôt.
Et le poisson d’avril ?
Reste à savoir pourquoi le maquereau serait le poisson du premier avril. La forme du poisson en papier stylisé que l’on suspend à son insu dans le dos de celui que l’on veut gentiment railler rappelle en effet plus la forme du maquereau que celle du turbot ou de la raie. Mais il est des origines beaucoup plus lointaines de cette tradition. Pascal Viroux, dans La table des dieux nous apprend qu’Avril est issu du latin aprilis, de l’étrusque apru, dérivé du grec aphrô, diminutif d’Aphrodite. Avril serait donc le mois d’Aphrodite, déesse de l’amour et du désir, et la correspondance avec le début du printemps s’accorde bien avec la montée de sève, le réveil de la nature et les émois amoureux que favorise la saison. Pour d’autres, c’est Charles IX qui serait à l’origine de la tradition car il décida que l’année, qui commençait alors le 1er avril, débuterait le premier janvier. Comme la coutume était de distribuer des cadeaux le jour de l’an, la coutume s’instaura de distribuer des faux cadeaux le jour de l’ancien jour de l’an le premier avril.
Un symbole astral ?
Maintenant que nous savons le pourquoi mythologique et calendaire de la date du premier avril, reste à savoir pourquoi un poisson ce jour là. Christian Guy (dans l’almanach historique de la gastronomie française) nous rapporte que cela serait dû à la sortie du signe zodiacal des poissons et à l’interdiction de la pêche à cette époque de l’année en raison du frai (ponte des poissons). Le poisson en papier relevant à la fois du faux cadeau et d’un symbole astral. D’autres nous disent que cela était beaucoup plus méchant, et nous en revenons au maquereau : suspendre un maquereau au dos d’une personne laissait sous-entendre qu’elle entretenait des rapports avec le monde de la prostitution.
Une recette pour temps de crise ?
Toute recherche sur le maquereau expose donc à bien des aléas. Les zones d’ombre subsistent et les rapports entre poisson et proxénète sont toujours sous-jacents : il ne nous reste plus qu’à nous régaler de maquereaux, plat délicieux et bon marché ce qui n’est pas inintéressant en ces périodes de crise. Je ne résiste pas à vous en donner une recette facile et goûteuse. Prenez plusieurs beaux maquereaux de ligne, videz les lets, mettez-les dans un plat qui va au feu, ajouter des carottes et des citrons découpés en rondelles, couvrez les d’un bol d’eau et d’un verre de vinaigre d’alcool, salez, poivrez, ajoutez du thym, du basilic ou de l’estragon en bonne quantité, faites cuire jusqu’à obtenir un gros bouillon, et laissez refroidir. Consommez les tièdes ou froids sans vous poser de questions métaphysiques sur son origine, sa symbolique et son étymologie.