Dans ce document intitulé "Une année de rébellion. La situation des droits humains au Moyen-Orient et en Afrique du Nord", l’organisation décrit la violence extrême déployée en 2011 par les gouvernements de la région pour tenter de résister aux appels sans précédent en faveur de réformes profondes. Amnesty International montre aussi dans ce rapport que le mouvement de protestation ne semble pas enclin à renoncer à ses ambitions ni à se contenter de réformes parcellaires.
"À quelques exceptions près, les gouvernements n’ont pas admis que tout avait changé. Les mouvements de protestation, conduits dans de nombreux cas par des jeunes et au sein desquels les femmes ont joué un rôle important, se sont montrés incroyablement résistants à la répression. Les protestataires ont montré qu’ils ne se satisferaient pas de réformes ne changeant pas en profondeur la manière dont la police et les forces de sécurité les traitaient. Ils veulent voir des changements concrets dans la façon dont ils sont gouvernés, et que les responsables des crimes commis soient tenus de rendre des comptes", a déclaré Philip Luther, directeur par intérim du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International. "Les tentatives menées à plusieurs reprises par les États pour imposer des changements de pure forme, revenir sur des avancées obtenues par les manifestants ou soumettre tout simplement la population par la force trahissent le fait que de nombreux gouvernements ont pour seul objectif de maintenir les régimes en place."
Les espoirs suscités par le renversement de dirigeants accrochés depuis longtemps au pouvoir en Tunisie, en Égypte et en Libye n’ont toujours pas été consolidés par des réformes institutionnelles, pourtant indispensables pour garantir que ces abus de pouvoir ne se répètent pas.
Le nouveau document publié par Amnesty International fait apparaître que bien que le Conseil suprême des forces armées ait promis à plusieurs reprises de répondre aux demandes de la "révolution du 25 janvier", les dirigeants militaires égyptiens se sont rendus coupables de violences parfois pires que celles commises sous le régime d’Hosni Moubarak. Entre octobre et décembre 2011 au moins 84 personnes ont été tuées lorsque l’armée et les forces de sécurité ont dispersé violemment des manifestations. La torture en détention s’est poursuivie, et plus de civils ont été jugés par des tribunaux militaires en un an que pendant les 30 années de régime d’Hosni Moubarak. Les femmes semblent avoir été particulièrement la cible de traitements humiliants visant à les dissuader de manifester. En décembre, les forces de sécurité ont effectué des raids dans les bureaux de plusieurs ONG égyptiennes et internationales dans le but évident de faire taire toute critique à l’encontre des autorités. Amnesty International craint qu’en 2012 le conseil militaire n’essaie de restreindre encore la possibilité pour les Égyptiens de prendre part à des mouvements de protestation et d’exprimer librement leurs points de vue.
Le soulèvement en Tunisie a donné lieu à une amélioration significative de la situation des droits humains dans le pays mais, un an après les événements, nombreux sont ceux qui considèrent que le rythme des changements est trop lent, tandis que les proches des victimes en lien avec le soulèvement attendent toujours que la justice soit rendue. Une nouvelle coalition gouvernementale a été formée à la suite des élections d’octobre. Le président tunisien par intérim est Moncef Marzouki, un défenseur des droits humains adopté dans le passé comme prisonnier d’opinion par Amnesty International. Il faut qu’en 2012 les Tunisiens se saisissent de l’occasion qui leur est donnée de rédiger une nouvelle constitution garantissant la protection des droits humains et l’égalité devant la loi.
En Libye, la capacité des nouvelles autorités à contrôler les brigades armées ayant permis de vaincre les forces de Mouammar Kadhafi, et à les empêcher de reproduire les violences apprises sous l’ancien régime a été remise en question. Bien que le Conseil national de transition ait demandé à ses sympathisants d’éviter les attaques en représailles, les graves atteintes aux droits humains perpétrées par les forces opposées à Kadhafi ont rarement été condamnées. En novembre, les Nations unies ont estimé à 7000 le nombre de personnes détenues dans des centres de fortune, contrôlés par les brigades révolutionnaires, sans aucune perspective de faire l’objet d’une véritable procédure judiciaire.
D’autres gouvernements dans la région semblent bien déterminés à garder le pouvoir quelque soit, dans certains cas, le prix à payer en termes de vies humaines et de dignité.
Les forces armées et les services de renseignements syriens se sont rendus coupables d’homicides et d’actes de torture assimilables à des crimes contre l’humanité, essayant en vain de soumettre et réduire au silence les manifestants et les opposants. Plus de 200 cas de morts en détention étaient recensés à la fin de l’année 2011, chiffre annuel 40 fois supérieur au nombre de tels décès recensé au cours des dernières années en Syrie.
Au Yémen, la situation tendue autour de la présidence a causé des souffrances supplémentaires à la population. Plus de 200 personnes ont été tuées en relation avec le mouvement de protestation et des centaines d’autres sont mortes dans des affrontements armés. Le déplacement des dizaines de milliers de personnes fuyant ces violences a provoqué une crise humanitaire.
À Bahreïn, l’espoir était grand que la publication en novembre d’un rapport indépendant d’experts internationaux sur les atteintes aux droits humains perpétrées lors du mouvement de protestation soit le signe d’un nouveau départ pour le pays. Restait à savoir à la fin de l’année si le gouvernement était réellement prêt à mettre en œuvre les nombreuses recommandations de la commission.
Le gouvernement saoudien a annoncé une série de dépenses publiques en 2011, dans ce qui s’apparente à un geste pour empêcher que le mouvement de protestation ne gagne le Royaume. En dépit de cela - et de la préparation d’une loi antiterroriste répressive - le mouvement de protestation se poursuivait à la fin de l’année, en particulier dans l’est du pays.
En Iran, dont la politique intérieure est restée loin des projecteurs tout au long de l’année, le gouvernement a continué de réprimer la dissidence et de renforcer les restrictions à la liberté d’information, en visant en particulier les journalistes, les blogueurs, les syndicalistes indépendants et les militants politiques.
La communauté internationale et les instances telles que l’Union africaine, la Ligue arabe et l’Union européenne ont eu des réactions discordantes face aux événements qui ont secoué l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient en 2011 et n’ont pas réellement pris la mesure de la remise en question des régimes répressifs dans cette région du monde.
Alors que le respect des droits humains a été invoqué pour justifier une intervention militaire en Libye, le Conseil de sécurité des Nations unies, bloqué en particulier par la Russie et la Chine, n’avait à la fin de l’année diffusé qu’une déclaration mitigée pour condamner les violences en Syrie. Et tandis que la Ligue arabe avait rapidement exclu de ses membres la Libye, en février, puis la Syrie, où elle a envoyé une équipe d’observateurs, elle est restée silencieuse lorsque des soldats saoudiens, agissant sous la bannière du Conseil de coopération du Golfe, sont venus prêter main-forte au gouvernement bahreïnite pour mettre fin aux manifestations.
"Le soutien de la communauté internationale à la population de cette région du monde a été pour le moins inégal. Ce qu’il faut retenir des événements qui ont marqué l’année qui vient de s’écouler est que - à quelques exceptions près - le changement a été le fruit des efforts de la population qui est descendue dans la rue, et non de l’influence ou de la participation de puissances étrangères. Le refus de la population de la région d’être détournée de sa lutte pour la dignité et la justice ouvre de grands espoirs pour 2012", a déclaré Philip Luther.
"À quelques exceptions près, les gouvernements n’ont pas admis que tout avait changé. Les mouvements de protestation, conduits dans de nombreux cas par des jeunes et au sein desquels les femmes ont joué un rôle important, se sont montrés incroyablement résistants à la répression. Les protestataires ont montré qu’ils ne se satisferaient pas de réformes ne changeant pas en profondeur la manière dont la police et les forces de sécurité les traitaient. Ils veulent voir des changements concrets dans la façon dont ils sont gouvernés, et que les responsables des crimes commis soient tenus de rendre des comptes", a déclaré Philip Luther, directeur par intérim du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International. "Les tentatives menées à plusieurs reprises par les États pour imposer des changements de pure forme, revenir sur des avancées obtenues par les manifestants ou soumettre tout simplement la population par la force trahissent le fait que de nombreux gouvernements ont pour seul objectif de maintenir les régimes en place."
Les espoirs suscités par le renversement de dirigeants accrochés depuis longtemps au pouvoir en Tunisie, en Égypte et en Libye n’ont toujours pas été consolidés par des réformes institutionnelles, pourtant indispensables pour garantir que ces abus de pouvoir ne se répètent pas.
Le nouveau document publié par Amnesty International fait apparaître que bien que le Conseil suprême des forces armées ait promis à plusieurs reprises de répondre aux demandes de la "révolution du 25 janvier", les dirigeants militaires égyptiens se sont rendus coupables de violences parfois pires que celles commises sous le régime d’Hosni Moubarak. Entre octobre et décembre 2011 au moins 84 personnes ont été tuées lorsque l’armée et les forces de sécurité ont dispersé violemment des manifestations. La torture en détention s’est poursuivie, et plus de civils ont été jugés par des tribunaux militaires en un an que pendant les 30 années de régime d’Hosni Moubarak. Les femmes semblent avoir été particulièrement la cible de traitements humiliants visant à les dissuader de manifester. En décembre, les forces de sécurité ont effectué des raids dans les bureaux de plusieurs ONG égyptiennes et internationales dans le but évident de faire taire toute critique à l’encontre des autorités. Amnesty International craint qu’en 2012 le conseil militaire n’essaie de restreindre encore la possibilité pour les Égyptiens de prendre part à des mouvements de protestation et d’exprimer librement leurs points de vue.
Le soulèvement en Tunisie a donné lieu à une amélioration significative de la situation des droits humains dans le pays mais, un an après les événements, nombreux sont ceux qui considèrent que le rythme des changements est trop lent, tandis que les proches des victimes en lien avec le soulèvement attendent toujours que la justice soit rendue. Une nouvelle coalition gouvernementale a été formée à la suite des élections d’octobre. Le président tunisien par intérim est Moncef Marzouki, un défenseur des droits humains adopté dans le passé comme prisonnier d’opinion par Amnesty International. Il faut qu’en 2012 les Tunisiens se saisissent de l’occasion qui leur est donnée de rédiger une nouvelle constitution garantissant la protection des droits humains et l’égalité devant la loi.
En Libye, la capacité des nouvelles autorités à contrôler les brigades armées ayant permis de vaincre les forces de Mouammar Kadhafi, et à les empêcher de reproduire les violences apprises sous l’ancien régime a été remise en question. Bien que le Conseil national de transition ait demandé à ses sympathisants d’éviter les attaques en représailles, les graves atteintes aux droits humains perpétrées par les forces opposées à Kadhafi ont rarement été condamnées. En novembre, les Nations unies ont estimé à 7000 le nombre de personnes détenues dans des centres de fortune, contrôlés par les brigades révolutionnaires, sans aucune perspective de faire l’objet d’une véritable procédure judiciaire.
D’autres gouvernements dans la région semblent bien déterminés à garder le pouvoir quelque soit, dans certains cas, le prix à payer en termes de vies humaines et de dignité.
Les forces armées et les services de renseignements syriens se sont rendus coupables d’homicides et d’actes de torture assimilables à des crimes contre l’humanité, essayant en vain de soumettre et réduire au silence les manifestants et les opposants. Plus de 200 cas de morts en détention étaient recensés à la fin de l’année 2011, chiffre annuel 40 fois supérieur au nombre de tels décès recensé au cours des dernières années en Syrie.
Au Yémen, la situation tendue autour de la présidence a causé des souffrances supplémentaires à la population. Plus de 200 personnes ont été tuées en relation avec le mouvement de protestation et des centaines d’autres sont mortes dans des affrontements armés. Le déplacement des dizaines de milliers de personnes fuyant ces violences a provoqué une crise humanitaire.
À Bahreïn, l’espoir était grand que la publication en novembre d’un rapport indépendant d’experts internationaux sur les atteintes aux droits humains perpétrées lors du mouvement de protestation soit le signe d’un nouveau départ pour le pays. Restait à savoir à la fin de l’année si le gouvernement était réellement prêt à mettre en œuvre les nombreuses recommandations de la commission.
Le gouvernement saoudien a annoncé une série de dépenses publiques en 2011, dans ce qui s’apparente à un geste pour empêcher que le mouvement de protestation ne gagne le Royaume. En dépit de cela - et de la préparation d’une loi antiterroriste répressive - le mouvement de protestation se poursuivait à la fin de l’année, en particulier dans l’est du pays.
En Iran, dont la politique intérieure est restée loin des projecteurs tout au long de l’année, le gouvernement a continué de réprimer la dissidence et de renforcer les restrictions à la liberté d’information, en visant en particulier les journalistes, les blogueurs, les syndicalistes indépendants et les militants politiques.
La communauté internationale et les instances telles que l’Union africaine, la Ligue arabe et l’Union européenne ont eu des réactions discordantes face aux événements qui ont secoué l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient en 2011 et n’ont pas réellement pris la mesure de la remise en question des régimes répressifs dans cette région du monde.
Alors que le respect des droits humains a été invoqué pour justifier une intervention militaire en Libye, le Conseil de sécurité des Nations unies, bloqué en particulier par la Russie et la Chine, n’avait à la fin de l’année diffusé qu’une déclaration mitigée pour condamner les violences en Syrie. Et tandis que la Ligue arabe avait rapidement exclu de ses membres la Libye, en février, puis la Syrie, où elle a envoyé une équipe d’observateurs, elle est restée silencieuse lorsque des soldats saoudiens, agissant sous la bannière du Conseil de coopération du Golfe, sont venus prêter main-forte au gouvernement bahreïnite pour mettre fin aux manifestations.
"Le soutien de la communauté internationale à la population de cette région du monde a été pour le moins inégal. Ce qu’il faut retenir des événements qui ont marqué l’année qui vient de s’écouler est que - à quelques exceptions près - le changement a été le fruit des efforts de la population qui est descendue dans la rue, et non de l’influence ou de la participation de puissances étrangères. Le refus de la population de la région d’être détournée de sa lutte pour la dignité et la justice ouvre de grands espoirs pour 2012", a déclaré Philip Luther.
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