Le nouveau roi d'Espagne

Au cours d'une cérémonie réunissant 160 invités, ce dernier, très ému, avait signé mercredi dans la Salle des Colonnes du Palais Royal de Madrid, la loi autorisant son abdication, votée successivement par les deux chambres du Parlement. Au Congrès, la cérémonie d'intronisation s'est déroulée en présence du couple royal Felipe et Letizia, leurs deux petites filles et les deux sœurs de Juan Carlos. Le chef du gouvernement Mariano Rajoy a aussi ratifié le texte, déjà approuvé par le Parlement.Le nouveau roi a prêté serment, jurant "de remplir fidèlement ses fonctions, de veiller et de faire veiller sur la Constitution et les lois, et de respecter les droits des citoyens et des régions autonomes", avant de prononcer son premier discours de roi. Aucun invité étranger n'était présent. Après un défilé militaire aux portes du Congrès, le roi et la reine ont parcouru en voiture les avenues du centre de Madrid jusqu'à la Plaza de Oriente, où ils ont salué les Madrilènes depuis le balcon central du Palais Royal. Juan Carlos qui avait été absent durant la cérémonie au Congrès pour "laisser un plus grand rôle au nouveau roi" est alors apparu avec la reine Sofia. Une réception a suivi dans les salons du Palais Royal, en présence de 2.000 invités et des ambassadeurs étrangers. Dès les premiers jours de juillet, Felipe et Letizia partiront pour une tournée à travers l'Espagne ainsi qu'à l'étranger, ils commenceront par les pays limitrophes et le Maroc. A noter qu'il n'y a pas eu de messe et que l'infante Cristina n'assistait pas ces cérémonies.

La tâche qui attend le nouveau roi d'Espagne est loin d'être purement honorifique. Parmi ses attributions de chef de l’État, on relève la ratification et la promulgation des lois; la possibilité de convoquer et dissoudre les Cortes Generales et appeler à de nouvelles élections dans les termes prévus par la Constitution; publier les décrets approuvés en Conseil des ministres; nominer des personnes aux emplois civils ou militaires; le roi dispose du droit de grâce; il exerce son haut patronage sur les Académies royales; il accrédite les ambassadeurs et autres représentants diplomatiques du royaume; il ratifie les traités internationaux avec le consentement de l'État. Il est aussi chef des Armées, Il a d'ailleurs reçu de son père la ceinture de soie rouge qui le fait capitaine général de cette institution. A noter que la famille royale ne vit pas au Palais Royal destiné aux cérémonies officielles mais au Palais de la Zarzuela, une résidence royale du XVIIe siècle au nord-ouest de la capitale.

Felipe Juan Pablo Alfonso de Todos los Santos de Borbón y Grecia naît à Madrid le 30 janvier 1968. Il est le fils de ceux qui sont alors le prince héritier d'Espagne Juan Carlos et la Princesse Sophie de Grèce et de Danemark. Ils deviendront 22 novembre 1975 LL.MM le roi Juan Carlos Ier et la reine Sofía. Ses grands-parents paternels Juan, comte de Barcelone, fils d'Alphonse XIII, et de María de las Mercedes de Borbón y Orléans, n'ont jamais régné. Il a pour grands-parents maternels le roi des Hellènes Paul Ier de Grèce apparenté à la famille de Danemark et la reine Frederika, petite-fille de l'empereur d'Allemagne Guillaume II. Son oncle Constantin II fut roi de Grèce du 6 mars 1964 au 1er juin 1973, et sa tante la princesse Irene, est une pianiste de renom et la présidente de la Fondation Mundo en Armonía. En septembre 1984, à la fin de ses études secondaires au Colegio Santa María de los Rosales de Madrid, il entre au Lakefield College School de Toronto, où il accomplit un premier cycle universitaire d'un an. Puis ce furent, en 1985 l'Académie générale militaire de Saragosse créée par son arrière-grand-père Alphonse XIII et que dirigea à ses débuts le général Franco Bahamonde. En 1986, l'École navale militaire de Marín, dans la province de Pontevedra, en Galice. En janvier 1987 il s'embarque sur le navire-école Juan Sebastián Elcano. Ensuite l'Académie générale de l'air de San Javier, dans la province de Murcia. Il est lieutenant-colonel du Corps général d'infanterie de l'armée de terre, capitaine de frégate du Corps général de la marine et lieutenant-colonel du Corps général de l'armée de l'air. En 1993, il est licencié en droit de l'Université autonome de Madrid et complète ses études par un master en relations internationales à la Edmund Walsh School of Foreign Service de l'Université de Georgetown à Washington. Revenu en Espagne en 1995, il commence à remplir ses obligations d'héritier de la couronne. Cet amateur de sports parle espagnol, catalan, anglais et français.

Le 22 mai 2004, il épousait en la Cathédrale de Santa María la Real de la Almudena de Madrid la journaliste espagnole Letizia Ortiz Rocasolano, de quatre ans sa cadette. Ils ont deux filles, Leonor, née le 31 octobre 2005 qui est maintenant princesse des Asturies et Sofía, née le 29 avril de 200, infante d'Espagne.

On aura remarqué que les prénoms du nouveau souverain, Felipe Juan Pablo Alfonso, rappellent, pour les trois derniers, son père, son grand-père maternel et son arrière-grand-père paternel. Quant à Felipe, c'est un hommage à un lointain ancêtre qui régna du 15 novembre 1700 à sa mort à Madrid, le 9 juillet 1746. C'est le fondateur de la dynastie de Bourbon en Espagne sous le nom de Philippe V. Précédemment, du 31 mars 1621 au 17 septembre 1665, il y avait eu un roi de la dynastie de Habsbourg, Philippe IV, arrière-petit-fils de Charles-Quint. Philippe V était né duc d'Anjou à Versailles le 19 décembre 1683, fils du grand dauphin, petit-fils d Louis XIV. Charles II, roi d'Espagne, de la dynastie des Habsbourg, qui était aussi son grand-oncle, mourut sans descendance le 1er novembre 1700. Ce roi, bien que jeune, était malade et plusieurs pays convoitaient d’ajouter à leur couronne celle d'Espagne, de nombreux prétendants, notamment d'Angleterre, de Hollande et d'Autriche, étaient sur les rangs. Louis XIV avait quelque avantage puisque fils et époux d'infantes espagnoles, Anne d'Autriche et Marie-Thérèse, même si cette dernière avait renoncé à ses droits sur la couronne d'Espagne en épousant le Roi soleil. Quelques semaines avant sa mort, Charles II choisit son successeur français. Le 16 novembre 1700, celui-ci fut présenté à la cour à Versailles par une formule demeurée célèbre "Messieurs, voici le roi d'Espagne". A ces mots, Louis XIV ajoutait pour son petit-fils. "Soyez bon Espagnol, c'est présentement votre premier devoir; mais souvenez-vous que vous êtes né Français pour entretenir l'union entre nos deux nations; c'est le moyen de les rendre heureuses et de conserver la paix de l'Europe". C'est aussi à cette occasion qu'aurait été dit "Il n'y a plus de Pyrénées".

Quelques jours plus tard, le jeune homme prenait le chemin de Madrid où il allait devoir faire face à de nombreuses difficultés. La principale étant que les pays qui avaient été écartés de la couronne espagnole se liguèrent contre la France et l'Espagne. Cette guerre de Succession d'Espagne se termina en 1713 avec la signature des traités d'Utrecht. Philippe V est reconnu dans ses droits. Au cours de son long règne, l'Espagne redevint une grande puissance maritime et de nombreuses réformes furent engagées dans le pays. Philippe V eut deux épouses, Marie-Louise de Savoie et Élisabeth Farnèse qui lui donnèrent huit enfants dont deux régnèrent successivement, Ferdinand VI et Charles III. La dynastie de Bourbon était donc bien implantée en Espagne.