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Le Vaisseau Fantôme de Wagner fait escale à Marseille


Par Rédigé le 23/04/2015 (dernière modification le 23/04/2015)

Une distribution estampillée Bayreuth sauve le spectacle à l'Opéra de Marseille.


Samuel Youn et Ricarda Merbeth, amants maudits pour l'éternité

Photo courtoisie (c) Opéra de Marseille
Photo courtoisie (c) Opéra de Marseille
vaisseau_fantome_marseille.mp3 Vaisseau fantôme Marseille.mp3  (49.59 Ko)

A lire certaines critiques de l’époque, et sans vouloir jeter l’ancre de la discorde, il faut bien reconnaître que le "Vaisseau Fantôme" orangeois de 2013 s’il tenait la barre musicalement, naviguait pour le reste en eaux troubles, entre "Concordia" et "Radeau de la Méduse"…
Qu’allait donc donner la reprise du spectacle de Charles Roubaud sur la scène plus réduite de l’Opéra de Marseille?
Contre vents et marées reconnaissons d’emblée que le show aquatique wagnérien prend le large sans trop de risque. Une brumeuse marine burinée par les sels et les alizés nordiques qui finalement, malgré quelques vagues houleuses, arrive à bon port.
Disons sans prendre eau de toutes parts, sauf pour la scène finale, proche de l’indigence, feux de Saint-Elme en moins…
Manière de parler pour qui connaît la fin tragique du Hollandais maudit et sa belle fileuse.
Si la régie du metteur en scène du marseillais aligne la gestique sur la convention la plus éculée, avec ça et là une touche de modernisme bien sage, force est de reconnaître un travail entre gris clair et gris foncé sur la mise en espace des chanteurs, des chœurs, sur le rapport entre les protagonistes, le réel et surnaturel sont ici totalement bannis, une vision fantasmagorique classique de l’ensemble (décor imposant de carcasse de navire, mais costumes petits-bourgeois vus et revus) ou quelques maladresses pendant le chœur des fileuses-tricoteuses sorti d’une publicité pour les Gentlewomen du déménagement.
Manquera simplement un rien de surnaturelle dimension fantastique, l’éclosion troublante des sentiments réciproques. Il est vrai que le premier grand opéra de Wagner demeure difficile à cerner dans sa double vérité musicale et théâtrale.
On comprendra dès lors le désir de Senta de fuir ce monde en se réfugiant dans la névrose hallucinée et son souhait de partir au loin, même avec un matelot maudit par le Tout-Puissant.

Ne boudons pas notre plaisir. Cette croisière maudite avec naufrage à la clef mérite sa bouée de sauvetage. Surtout par le choix des solistes.
A tout seigneur, tout honneur, commençons par le Hollandais. Samuel Youn, un habitué de Bayreuth, tour à tour violent, donne la chair de poule car impérial de ton, d’accent, d’un pessimisme destructeur, sobre, mâle comme pas deux, d’un lyrisme noir désespérant, avec en prime un poids sur les mots comme arrachés au plus profond du mythe. Simplement génial.
On reste également abasourdi devant la performance de Ricarda Merbeth, elle aussi sociétaire honoraire du Festpielhaus.
Apportant une jeunesse inhabituelle au rôle, frémissante de désir, la diva teutonne construit une Senta au phrasé énergique, varié, plus héroïque que d’habitude peut-être mais toute de lumière intérieure, pleine de compassion douloureuse.
Vrai intrus (un chasseur parmi les marins!), l’Erick de Tomislav Muzek, totale révélation de la soirée, possède un timbre de ténor très attachant, jeune, ingénu, viril, élégant, chaleureux, d’une pudeur, d’une tristesse rare.
Raclant les fonds de tiroir après une longue et grandiose carrière, avide, cupide, tellement humain donc, la basse solide, franche, juste, puissamment projetée du vétéran Kurt Rydl (Daland) a fait grande impression.
Bien en place aussi la Mary de Marie-Ange Todorovitch, au métier en béton. Pilote percutant d'Avi Klemberg.
A la barre de son orchestre marseillais, Lawrence Foster dirige le plus beau Wagner entendu depuis longtemps. L’arche est splendide, toute de grandeur tragique, entre violence et passion, d’un dramatisme parfois, et à juste titre, charbonneux.
Le diabolique Maestro nous entraîne dans l’œil du cyclone, brosse un thriller érotico-mystique, mystérieux, visionnaire, aux sonorités inouïes d’un vrai bain en fusion.
Nous ne saurions oublier les chœurs, tudesques, immenses, apocalyptiques. Simplement parfaits. Comme toujours.
Si maintenant Marseille se prend pour Bayreuth, où allons-nous mon brave Maurice?










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