Ce livre, c’est l’histoire d’un texto, maladroit, envoyé à 17H24 par Adrien (qui subit la pause) à Sonia (qui l’a initiée), après 38 jours de silence.
Ce livre, c’est aussi l’histoire d’un discours, celui qu’Adrien doit faire pour le mariage de sa sœur, et qui le met bien en peine.
Mais ce livre, c’est peut-être encore plus et mieux une formidable ethnographie des fêtes et des repas de famille, et à travers elle, celle d’une certaine France... Celle de ces déjeuners du dimanche qui s’éternisent, et qui n’ont de cesse de se diluer dans le temps, lorsque vous avez 7 ans. Et que vous vous ennuyez… Et que ça dure… Précisément ce sentiment d’ennui-là : celui des dimanches (après) midis de l’enfance.
C’est l’histoire aussi d’une chambre d’enfant, justement, qui n’a pas bougé depuis que l’adolescent est parti du nid de ses parents. Avec tout ce que cela dit du rapport de ces parents à cet enfant. Et de cette chambre mausolée, à laquelle l’on se refuse de toucher, comme pour ne pas écorner les souvenirs. Ça sent l’amour "lourd", l’amour maladroit, dont on a du mal à se dépêtrer et vis-à-vis duquel on a du mal à s’affirmer, car il vous ramène sans cesse à ce que vous étiez, à cet enfant du mausolée, à cette chambre d’il y a 30 ans, parce que pour ces parents-là, vous aurez toujours 15 ans. Mais cet amour-là, il sent sacrément aussi l’amour vrai. Celui sur lequel le temps n’a pas de prise, justement. Cet amour inconditionnel, un peu étouffant mais toujours fier de ses enfants et jamais pris en défaut, sur lequel on peut toujours compter.
Ces familles du souvenir, celles qui laissent intacte la chambre de leurs enfants, ce sont souvent celles qui conservent aussi comme de précieux trésors tous les cadeaux de Noël et autres réalisations de fêtes des mères ou des pères. Ils resteront accrochés au mur de la cuisine ou posés sur le meuble de l’entrée, même s’ils ne ressemblent à rien, et qu’au fil des années, ils prennent la poussière, jaunissent et se fanent.
Un certain milieu, une certaine époque. C’est un relent de la fin des années 70, du début des années 80 qui vous revient. Elle me fait penser à cette France si bien narrée par Pierre Sansot dans Les gens de peu : celle des pliants, du Tour de France, du camping et des bals du 14 juillet. Celle du Gendarme de St-Tropez, aussi, oui, c’est bien la même.
Pour les quarantenaires, c’est finalement aussi un roman de la nostalgie. On est bien dans ce récit, régressif comme une soirée d’hiver en pilou devant la télé sur le canapé, avec une boîte de gâteaux et un bon thé. Transgressif comme un jour de petite forme où l’on s’est autorisé à ne pas aller travailler, et où l’on se prend à se sentir mieux à la seule idée de savourer le temps devant soi et le droit à paresser.
Ce livre, c’est aussi tout ça. Et bien plus encore. C’est drôle, émouvant, intelligent, sensible. C’est écrit avec beaucoup d’autodérision, par quelqu’un que l’on ressent comme au fond assez timide, mais qui, à force d’observer les gens, a développé une intuition presque épidermique des situations, et une aperception très fine de ce qui se joue vraiment derrière les relations humaines.
Fabrice CARO, Le discours, Paris, Gallimard, 2018
Ce livre, c’est aussi l’histoire d’un discours, celui qu’Adrien doit faire pour le mariage de sa sœur, et qui le met bien en peine.
Mais ce livre, c’est peut-être encore plus et mieux une formidable ethnographie des fêtes et des repas de famille, et à travers elle, celle d’une certaine France... Celle de ces déjeuners du dimanche qui s’éternisent, et qui n’ont de cesse de se diluer dans le temps, lorsque vous avez 7 ans. Et que vous vous ennuyez… Et que ça dure… Précisément ce sentiment d’ennui-là : celui des dimanches (après) midis de l’enfance.
C’est l’histoire aussi d’une chambre d’enfant, justement, qui n’a pas bougé depuis que l’adolescent est parti du nid de ses parents. Avec tout ce que cela dit du rapport de ces parents à cet enfant. Et de cette chambre mausolée, à laquelle l’on se refuse de toucher, comme pour ne pas écorner les souvenirs. Ça sent l’amour "lourd", l’amour maladroit, dont on a du mal à se dépêtrer et vis-à-vis duquel on a du mal à s’affirmer, car il vous ramène sans cesse à ce que vous étiez, à cet enfant du mausolée, à cette chambre d’il y a 30 ans, parce que pour ces parents-là, vous aurez toujours 15 ans. Mais cet amour-là, il sent sacrément aussi l’amour vrai. Celui sur lequel le temps n’a pas de prise, justement. Cet amour inconditionnel, un peu étouffant mais toujours fier de ses enfants et jamais pris en défaut, sur lequel on peut toujours compter.
Ces familles du souvenir, celles qui laissent intacte la chambre de leurs enfants, ce sont souvent celles qui conservent aussi comme de précieux trésors tous les cadeaux de Noël et autres réalisations de fêtes des mères ou des pères. Ils resteront accrochés au mur de la cuisine ou posés sur le meuble de l’entrée, même s’ils ne ressemblent à rien, et qu’au fil des années, ils prennent la poussière, jaunissent et se fanent.
Un certain milieu, une certaine époque. C’est un relent de la fin des années 70, du début des années 80 qui vous revient. Elle me fait penser à cette France si bien narrée par Pierre Sansot dans Les gens de peu : celle des pliants, du Tour de France, du camping et des bals du 14 juillet. Celle du Gendarme de St-Tropez, aussi, oui, c’est bien la même.
Pour les quarantenaires, c’est finalement aussi un roman de la nostalgie. On est bien dans ce récit, régressif comme une soirée d’hiver en pilou devant la télé sur le canapé, avec une boîte de gâteaux et un bon thé. Transgressif comme un jour de petite forme où l’on s’est autorisé à ne pas aller travailler, et où l’on se prend à se sentir mieux à la seule idée de savourer le temps devant soi et le droit à paresser.
Ce livre, c’est aussi tout ça. Et bien plus encore. C’est drôle, émouvant, intelligent, sensible. C’est écrit avec beaucoup d’autodérision, par quelqu’un que l’on ressent comme au fond assez timide, mais qui, à force d’observer les gens, a développé une intuition presque épidermique des situations, et une aperception très fine de ce qui se joue vraiment derrière les relations humaines.
Fabrice CARO, Le discours, Paris, Gallimard, 2018
Le discours.mp3 (3.22 Mo)