Illustration proposée par l'auteur (c) DR
Il y a près de 20 ans, dans mon ouvrage "De la Haute Volta au Burkina Faso: tradition et modernité au pays des hommes intègres"*, je chiffrais la production d’or du Burkina à 3.4 tonnes par an. Pas de quoi révolutionner le PIB du pays.
Aujourd’hui, le Burkina s’est hissé à la 4e place en Afrique avec une prévision de 42 T en 2012. Certes il est bien loin derrière l’Afrique du Sud avec ses 270 T par an, mais tout de même, quelle progression!
Contrairement à d’autres pays où les gisements sont concentrés géographiquement, au Burkina les mines d’or sont situées dans quasiment toutes les régions. Il existe déjà six mines industrielles: Mana, Youga, Kalaska, Taparko, Belahouro et la dernière en date (2010), Essakane, dans la région du Nord Est. Cette dernière, opérée par le Canadien Iamgold produit 10 T par an et devrait receler des réserves d’environ 120 T. A terme, cette mine censée représenter un investissement de 300 millions d’euros, devrait rapporter à l’État burkinabè plus de 45 millions d’euros par an en taxes, impôts et royalties. A cette manne s’ajoutent des retombées importantes dans le domaine de l’emploi: 2500 personnes devraient contribuer à la construction de la mine et 800 à son exploitation (dont 95% de Burkinabè).
La mine de Sabcé, située au centre-Nord du pays à une petite centaine de kilomètres de Ouagadougou semble prometteuse: les prévisions font état de 34 T en 7 ans, ce qui représente près de 30 millions d’euros!
Le cours actuel de l’or, considéré comme une valeur refuge en ces temps incertains, a même conduit les autorités à lancer un appel d’offres pour la réouverture de l’ancienne mine de Poura, fermée depuis la fin des années 1990 pour cause de faible rentabilité.
A ce jour, ce sont plus de 600 permis de recherche qui ont été délivrés à des opérateurs issus du monde entier: canadiens, sud-africains, australiens, britanniques, américains.
Parallèlement à ces exploitations minières effectuées sur une grande échelle, un autre type d’extraction de l’or, traditionnel et ancestral, l’orpaillage s’est également développé à Batié, Bouéré, Bouroum, Legmoin…
Pour un pays réputé pauvre, comme le Burkina Faso, ce nouvel eldorado attire les convoitises, tant des grands groupes étrangers que de la population locale, peu habituée à cette nouvelle richesse. Mais, comme ce fut le cas ailleurs dans le monde, la découverte massive de nouvelles ressources ne s’est pas effectuée sans contraintes et sans conséquences.
La mise en exploitation des mines, qu’elles soient industrielles ou traditionnelles, a entrainé des conséquences économiques, environnementales, sociales et religieuses difficiles à évaluer avec précision.
Il est incontestable que l’attribution de concessions de superficies importantes s’est parfois faite au détriment de villages qui y étaient implantés depuis des temps immémoriaux; ces attributions de terres à des multinationales a parfois eu pour conséquence des protestations véhémentes des populations locales. D’autant plus que ces mines étaient parfois situées dans des bois sacrés. Le patrimoine séculaire s’en est trouvé agressé.
Au plan social, la "fièvre de l’or" a fait perdre des repères à bien des Burkinabè, hommes, femmes, enfants, jeunes, qui ont cédé au mirage de l’or et à l’espoir d’une vie meilleure. Le prix des logements dans les zones aurifères a augmenté de façon vertigineuse; la prostitution a suivi l’argent facile; les éboulements de mines artisanales ont entrainé de nombreux décès, malgré l’interdiction des autorités de les exploiter pendant la période de l’"hivernage", car les sols sont trop meubles.
Les exploitations minières, surtout l’orpaillage ont souvent entrainé la pollution des rivières et des nappes phréatiques, à cause du mercure et du cyanure, et la déforestation s’est accélérée.
Les autorités burkinabè ont lancé des campagnes de sensibilisation auprès des populations pour les inciter à se comporter en citoyens responsables et ont exigé des grands groupes qu’ils se conforment aux standards internationaux en matière d’environnement.
La question est aujourd’hui pour le Burkina Faso, comme il a commencé à le faire, à diminuer l’impact négatif de l’exploitation de l’or, de revoir le code minier dans une optique plus favorable au pays au plan des taxes et autres royalties qui lui sont payées et de faire en sorte que cet afflux de richesse soit équitablement redistribué aux Burkinabè.
Mais prenons garde à ne pas passer d’une vision misérabiliste du Burkina Faso à celle exagérément optimiste d’un nouveau Far West. Certes ces nouvelles ressources sont les bienvenues dans un pays encore classé parmi les plus pauvres de la planète; mais continuons à encourager les associations et les bailleurs de fonds à continuer leur travail, ne serait-ce que pour aider les populations locales à palier certains effets négatifs de cette "fièvre de l’or" et à contribuer au développement de régions que cette manne providentielle n’a pas touché.
* Marc Aicardi de Saint-Paul
Chevalier de l'Ordre National
Consul Honoraire du Burkina Faso de Nice
Aujourd’hui, le Burkina s’est hissé à la 4e place en Afrique avec une prévision de 42 T en 2012. Certes il est bien loin derrière l’Afrique du Sud avec ses 270 T par an, mais tout de même, quelle progression!
Contrairement à d’autres pays où les gisements sont concentrés géographiquement, au Burkina les mines d’or sont situées dans quasiment toutes les régions. Il existe déjà six mines industrielles: Mana, Youga, Kalaska, Taparko, Belahouro et la dernière en date (2010), Essakane, dans la région du Nord Est. Cette dernière, opérée par le Canadien Iamgold produit 10 T par an et devrait receler des réserves d’environ 120 T. A terme, cette mine censée représenter un investissement de 300 millions d’euros, devrait rapporter à l’État burkinabè plus de 45 millions d’euros par an en taxes, impôts et royalties. A cette manne s’ajoutent des retombées importantes dans le domaine de l’emploi: 2500 personnes devraient contribuer à la construction de la mine et 800 à son exploitation (dont 95% de Burkinabè).
La mine de Sabcé, située au centre-Nord du pays à une petite centaine de kilomètres de Ouagadougou semble prometteuse: les prévisions font état de 34 T en 7 ans, ce qui représente près de 30 millions d’euros!
Le cours actuel de l’or, considéré comme une valeur refuge en ces temps incertains, a même conduit les autorités à lancer un appel d’offres pour la réouverture de l’ancienne mine de Poura, fermée depuis la fin des années 1990 pour cause de faible rentabilité.
A ce jour, ce sont plus de 600 permis de recherche qui ont été délivrés à des opérateurs issus du monde entier: canadiens, sud-africains, australiens, britanniques, américains.
Parallèlement à ces exploitations minières effectuées sur une grande échelle, un autre type d’extraction de l’or, traditionnel et ancestral, l’orpaillage s’est également développé à Batié, Bouéré, Bouroum, Legmoin…
Pour un pays réputé pauvre, comme le Burkina Faso, ce nouvel eldorado attire les convoitises, tant des grands groupes étrangers que de la population locale, peu habituée à cette nouvelle richesse. Mais, comme ce fut le cas ailleurs dans le monde, la découverte massive de nouvelles ressources ne s’est pas effectuée sans contraintes et sans conséquences.
La mise en exploitation des mines, qu’elles soient industrielles ou traditionnelles, a entrainé des conséquences économiques, environnementales, sociales et religieuses difficiles à évaluer avec précision.
Il est incontestable que l’attribution de concessions de superficies importantes s’est parfois faite au détriment de villages qui y étaient implantés depuis des temps immémoriaux; ces attributions de terres à des multinationales a parfois eu pour conséquence des protestations véhémentes des populations locales. D’autant plus que ces mines étaient parfois situées dans des bois sacrés. Le patrimoine séculaire s’en est trouvé agressé.
Au plan social, la "fièvre de l’or" a fait perdre des repères à bien des Burkinabè, hommes, femmes, enfants, jeunes, qui ont cédé au mirage de l’or et à l’espoir d’une vie meilleure. Le prix des logements dans les zones aurifères a augmenté de façon vertigineuse; la prostitution a suivi l’argent facile; les éboulements de mines artisanales ont entrainé de nombreux décès, malgré l’interdiction des autorités de les exploiter pendant la période de l’"hivernage", car les sols sont trop meubles.
Les exploitations minières, surtout l’orpaillage ont souvent entrainé la pollution des rivières et des nappes phréatiques, à cause du mercure et du cyanure, et la déforestation s’est accélérée.
Les autorités burkinabè ont lancé des campagnes de sensibilisation auprès des populations pour les inciter à se comporter en citoyens responsables et ont exigé des grands groupes qu’ils se conforment aux standards internationaux en matière d’environnement.
La question est aujourd’hui pour le Burkina Faso, comme il a commencé à le faire, à diminuer l’impact négatif de l’exploitation de l’or, de revoir le code minier dans une optique plus favorable au pays au plan des taxes et autres royalties qui lui sont payées et de faire en sorte que cet afflux de richesse soit équitablement redistribué aux Burkinabè.
Mais prenons garde à ne pas passer d’une vision misérabiliste du Burkina Faso à celle exagérément optimiste d’un nouveau Far West. Certes ces nouvelles ressources sont les bienvenues dans un pays encore classé parmi les plus pauvres de la planète; mais continuons à encourager les associations et les bailleurs de fonds à continuer leur travail, ne serait-ce que pour aider les populations locales à palier certains effets négatifs de cette "fièvre de l’or" et à contribuer au développement de régions que cette manne providentielle n’a pas touché.
* Marc Aicardi de Saint-Paul
Chevalier de l'Ordre National
Consul Honoraire du Burkina Faso de Nice