La bataille fut rude, mais l’honneur est resté sauf. Le sheriff a donné une leçon de guerre aux guérilleros, et ce beau monde est reparti comme il était venu. Tapis dans l’ombre de la jungle, les guérilleros reviendront certainement à la charge. Ils n’ont pas dit leur dernier mot. Et tant pis si le Tchad se meurt, si sa Constitution est déchiquetée, travestie, «révisionnée» aux desiderata du… calife.
Seulement, voilà! Le Tchad, c’est aussi une portion d’Afrique. Le Tchad, c’est toi, c’est moi, c’est nous. Et j’ai beau triturer mes méninges, je ne comprends pas pourquoi, ici et là, au Tchad ou ailleurs, l’on a toujours, l’on a encore besoin de piétiner les règles du jeu, établies par consensus et scellées dans les urnes, pour proroger, ad vitam aeternam, un pouvoir que l’on devrait détenir du peuple. En prorogeant le mandat présidentiel par amendement constitutionnel - et les évêques du Tchad l’ont bien fait remarquer - les tenants du pouvoir à N’Djamena ont ouvert la boîte de Pandore de toutes les tensions sociales et de toutes les contrariétés politiques. Maintenant que Idriss Deby Itno («IDI» pour les initiés!) a «légitimé», envers et contre tout, son hold-up constitutionnel dans les urnes, il est urgent d’explorer les voies d’un retour durable à la paix dans ce pays qui a déjà tant souffert des affres de la guerre.
La situation qui prévaut au Tchad est si préoccupante que je me demandais bien sur quels motifs pertinents le Général Olusegun Obasanjo pouvait-il risquer la moindre explication pour aller jusqu’au bout de sa tentation supposée d’un troisième mandat au Nigeria. L’examen, par le Sénat, d’un projet de modification de la Constitution de l’Etat fédéral avait alimenté, en effet, tous les «a priori». Mais ô bonne nouvelle, le Sénat s’est refusé de charcuter la loi fondamentale, mettant ainsi un terme à la danse infernale vers d’éventuelles prolongations aux conséquences imprévisibles, mais certainement destructives. «Si Olusegun Obasanjo obtient un troisième mandat sans tenir compte de l’opinion du reste du pays, il mettra le feu au pays», avait-on notamment diagnostiqué. Le «No» du Sénat nigérian désamorce donc en quelque sorte une bombe latente dans un pays, le plus peuplé d’Afrique de l’Ouest, où les extrémismes sont acérés. L’arrêt du Sénat, que le président Olusegun Obasanjo a déjà pris à son compte, le qualifiant de «victoire de la démocratie», balise aussi le chemin vers une sortie de scène honorable pour ce dernier, tout en préservant l’essentiel.
De fait, après la vague de «la mode kaki» qui a fortement marqué le continent africain dans les années 70 et 80, la «révisionnite» est devenue le nouveau «political way of life» dans toutes nos capitales. A part l’exemple notable du Bénin où la société civile s’est mobilisée pour crier haut et fort: «Touche pas ma Constitution!», les lois fondamentales sont charcutées à la petite semaine, par des bistouris qui taillent le mandat présidentiel sur les mesures d’hommes providentialistes, obnubilés par leur éternelle présence au palais de la présidence!
A présent que le Nigeria a refusé (pour toujours?) de détenir la palme du… premier pays anglophone dans lequel on tripatouille la loi fondamentale pour se maintenir au pouvoir envers et contre tout, je me demande bien quelle Constitution sera la prochaine victime des coutelas présidentiels. Même si j’ai la faiblesse de croire que le jeu n’en vaut pas la chandelle. Mais, qui sait avec quelle chandelle ces hommes qui tiennent à nous gouverner jusqu’à la fin de leur temps éclairent le damier de nos démocraties en perte de repères?
Par Serge Mathias Tomondji
© Fasozine N° 3, Juin-Juillet 2006
Seulement, voilà! Le Tchad, c’est aussi une portion d’Afrique. Le Tchad, c’est toi, c’est moi, c’est nous. Et j’ai beau triturer mes méninges, je ne comprends pas pourquoi, ici et là, au Tchad ou ailleurs, l’on a toujours, l’on a encore besoin de piétiner les règles du jeu, établies par consensus et scellées dans les urnes, pour proroger, ad vitam aeternam, un pouvoir que l’on devrait détenir du peuple. En prorogeant le mandat présidentiel par amendement constitutionnel - et les évêques du Tchad l’ont bien fait remarquer - les tenants du pouvoir à N’Djamena ont ouvert la boîte de Pandore de toutes les tensions sociales et de toutes les contrariétés politiques. Maintenant que Idriss Deby Itno («IDI» pour les initiés!) a «légitimé», envers et contre tout, son hold-up constitutionnel dans les urnes, il est urgent d’explorer les voies d’un retour durable à la paix dans ce pays qui a déjà tant souffert des affres de la guerre.
La situation qui prévaut au Tchad est si préoccupante que je me demandais bien sur quels motifs pertinents le Général Olusegun Obasanjo pouvait-il risquer la moindre explication pour aller jusqu’au bout de sa tentation supposée d’un troisième mandat au Nigeria. L’examen, par le Sénat, d’un projet de modification de la Constitution de l’Etat fédéral avait alimenté, en effet, tous les «a priori». Mais ô bonne nouvelle, le Sénat s’est refusé de charcuter la loi fondamentale, mettant ainsi un terme à la danse infernale vers d’éventuelles prolongations aux conséquences imprévisibles, mais certainement destructives. «Si Olusegun Obasanjo obtient un troisième mandat sans tenir compte de l’opinion du reste du pays, il mettra le feu au pays», avait-on notamment diagnostiqué. Le «No» du Sénat nigérian désamorce donc en quelque sorte une bombe latente dans un pays, le plus peuplé d’Afrique de l’Ouest, où les extrémismes sont acérés. L’arrêt du Sénat, que le président Olusegun Obasanjo a déjà pris à son compte, le qualifiant de «victoire de la démocratie», balise aussi le chemin vers une sortie de scène honorable pour ce dernier, tout en préservant l’essentiel.
De fait, après la vague de «la mode kaki» qui a fortement marqué le continent africain dans les années 70 et 80, la «révisionnite» est devenue le nouveau «political way of life» dans toutes nos capitales. A part l’exemple notable du Bénin où la société civile s’est mobilisée pour crier haut et fort: «Touche pas ma Constitution!», les lois fondamentales sont charcutées à la petite semaine, par des bistouris qui taillent le mandat présidentiel sur les mesures d’hommes providentialistes, obnubilés par leur éternelle présence au palais de la présidence!
A présent que le Nigeria a refusé (pour toujours?) de détenir la palme du… premier pays anglophone dans lequel on tripatouille la loi fondamentale pour se maintenir au pouvoir envers et contre tout, je me demande bien quelle Constitution sera la prochaine victime des coutelas présidentiels. Même si j’ai la faiblesse de croire que le jeu n’en vaut pas la chandelle. Mais, qui sait avec quelle chandelle ces hommes qui tiennent à nous gouverner jusqu’à la fin de leur temps éclairent le damier de nos démocraties en perte de repères?
Par Serge Mathias Tomondji
© Fasozine N° 3, Juin-Juillet 2006