Photo © Christian Dresse
L’une des déformations dues au disque consiste à voir Don Giovanni comme un opéra écrit pour une constellation de vedettes. On juxtapose de grands noms, on agite le tout et il en sort une compilation hétérogène de grands airs dont Mozart est souvent absent… Dans la reprise de la production maison signée par Frédéric Bélier-Garcia voici cinq ans, au contraire, tout est axé sur l’homogénéité aussi bien dans la conception de l’œuvre que dans le choix des voix, dont la jeunesse est une qualité première. Non négligeable.
On le sait, avec Bélier-Garcia, plus question d’atmosphère poudrée recréée pour un quelconque grand seigneur de telle ou telle cour royale. Ici, c’est plutôt l’idée de la vie de tous les jours, de la fuite désabusée, volontaire, suicidaire, vers le plaisir du sexe à tout prix qui est le fil conducteur. Eros-Thanatos même combat ! Dans ces conditions, les rapports humains entre les protagonistes prennent une importance particulière, le côté giocoso de cet éternel chef-d’œuvre n’oublie jamais tout ce qui est drama dans le livret de Da Ponte, comme pour mieux mettre en évidence la sombre gaité de la musique, sa prédestination vers un dénouement tragico-comique. Loin des pièges métaphysiques dans lesquels s’enlisent habituellement ceux qui osent mettre en image cet opéra, les images claires ou crépusculaires, vraies, charnelles, poétiques, amusantes, naïves parfois (avec quelques clins d’œil dignes des plus grands burlesques américains) donnent un réel poids aux chanteurs, une vérité, des rapports inhabituels aux rapports physiques et sociaux.
Car ils sont soudain réels ces personnages ! En grand seigneur méchant homme, Jean-François Lapointe domine la distribution sans l’ombre d’un orgueil, nous gratifie d’une éblouissante, d’une grandiose leçon de chant en séducteur raffiné, au timbre de velours, et se montre tour à tour arrogant d’un irrésistible sex-appeal à la fois vigoureux et fragile, d’une présence scénique écrasante, presque trop autoritaire. Un homo vulgaris tout simplement. Qui s’en plaindrait ?
Excellente surprise avec le Leporello de Josef Wagner. Vivacité et esprit sont au rendez-vous. Jolie réplique d’Alexey Kudrya en Ottavio. Ses deux airs, comme suspendus dans le temps, à la suavité pleine de tendresse et de déchirement sont parfaits. Si Emilie Pictet (Zerlina) et Till Fechner (Masetto) rendent avec finesse leur vérité première à ce couple sympathique, nous serons un rien plus mesurés avec la Donna Anna de Burcu Uyar qui surmonte sans aise mais avec une intelligence diabolique les terribles difficultés de son rôle. L’Elvira (vraie godiche et nymphomane patentée de l’histoire) de Marianne Fiset allie avec conviction le charme fragile, blessé, mélancolique de la "triste femme délaissée". Enfin, simplement superlatif le Commandeur de Nicolas Courjal : noblesse impressionnante, pâte vocale somptueuse dans son abyssale sonorité. Une basse de qualité française à ré-entendre au plus vite.
On aime à le redire. Don Giovanni est aussi volonté de chef. Il lui faut juste mesure dans les rires, l’excès, le vertige, l’effroi. S’installant dans un confortable à-peu-près, toujours exact voire élégant, le vétéran Theodor Guschlbauer n’a pas varié d’un iota sa vision musicale de l’ouvrage. Ses tempi d’une lenteur suffocante, morbide, aux coloris contrastés, parfois soporifiques, toujours élégants avec cette once de nonchalance étudiée à la demi-croche près, ont mis plus d’une fois son plateau, qui lui en voulait dans la défonce, dans une gêne étudiée.
On le sait, avec Bélier-Garcia, plus question d’atmosphère poudrée recréée pour un quelconque grand seigneur de telle ou telle cour royale. Ici, c’est plutôt l’idée de la vie de tous les jours, de la fuite désabusée, volontaire, suicidaire, vers le plaisir du sexe à tout prix qui est le fil conducteur. Eros-Thanatos même combat ! Dans ces conditions, les rapports humains entre les protagonistes prennent une importance particulière, le côté giocoso de cet éternel chef-d’œuvre n’oublie jamais tout ce qui est drama dans le livret de Da Ponte, comme pour mieux mettre en évidence la sombre gaité de la musique, sa prédestination vers un dénouement tragico-comique. Loin des pièges métaphysiques dans lesquels s’enlisent habituellement ceux qui osent mettre en image cet opéra, les images claires ou crépusculaires, vraies, charnelles, poétiques, amusantes, naïves parfois (avec quelques clins d’œil dignes des plus grands burlesques américains) donnent un réel poids aux chanteurs, une vérité, des rapports inhabituels aux rapports physiques et sociaux.
Car ils sont soudain réels ces personnages ! En grand seigneur méchant homme, Jean-François Lapointe domine la distribution sans l’ombre d’un orgueil, nous gratifie d’une éblouissante, d’une grandiose leçon de chant en séducteur raffiné, au timbre de velours, et se montre tour à tour arrogant d’un irrésistible sex-appeal à la fois vigoureux et fragile, d’une présence scénique écrasante, presque trop autoritaire. Un homo vulgaris tout simplement. Qui s’en plaindrait ?
Excellente surprise avec le Leporello de Josef Wagner. Vivacité et esprit sont au rendez-vous. Jolie réplique d’Alexey Kudrya en Ottavio. Ses deux airs, comme suspendus dans le temps, à la suavité pleine de tendresse et de déchirement sont parfaits. Si Emilie Pictet (Zerlina) et Till Fechner (Masetto) rendent avec finesse leur vérité première à ce couple sympathique, nous serons un rien plus mesurés avec la Donna Anna de Burcu Uyar qui surmonte sans aise mais avec une intelligence diabolique les terribles difficultés de son rôle. L’Elvira (vraie godiche et nymphomane patentée de l’histoire) de Marianne Fiset allie avec conviction le charme fragile, blessé, mélancolique de la "triste femme délaissée". Enfin, simplement superlatif le Commandeur de Nicolas Courjal : noblesse impressionnante, pâte vocale somptueuse dans son abyssale sonorité. Une basse de qualité française à ré-entendre au plus vite.
On aime à le redire. Don Giovanni est aussi volonté de chef. Il lui faut juste mesure dans les rires, l’excès, le vertige, l’effroi. S’installant dans un confortable à-peu-près, toujours exact voire élégant, le vétéran Theodor Guschlbauer n’a pas varié d’un iota sa vision musicale de l’ouvrage. Ses tempi d’une lenteur suffocante, morbide, aux coloris contrastés, parfois soporifiques, toujours élégants avec cette once de nonchalance étudiée à la demi-croche près, ont mis plus d’une fois son plateau, qui lui en voulait dans la défonce, dans une gêne étudiée.
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