L'Algérie au menu du magazine Moyen-Orient

Thème toujours sensible pour la politique française, le dossier algérien compose l'essentiel du dernier numéro de "Moyen-Orient". L'Algérie, admet Frank Tétart dans son éditorial, connaît une situation "mitigée" entre dépendance à la rente pétrolière et immobilisme politico-économique. C'est néanmoins à un véritable tour d'horizon de ce pays "historiquement et géographiquement proche de la France" que le bimestriel convie le lecteur avec, comme toujours depuis le lancement de ce magazine de géopolitique, des articles intellectuellement informatifs et académiquement exigeants. Et ce, malgré le regard partial de Yasmina Khadra, écrivain francophone, qui s'en tient à "l'exigence d'une reconnaissance, par la France, des atrocités colonialistes". Une introduction qui dénie l'instrumentalisation de cette "victimisation" par les autorités politiques algériennes comme moyen destiné à éviter toute remise en cause du pouvoir en interne. Une approche que la journaliste du Monde Florence Beaugé équilibre dans son entretien avec le Rédacteur en chef délégué.

Dans ce dossier intitulé "La transition sans fin", Amel Boubekeur, chercheur à l'EHESS et à l'ENS, décrypte l'islamisme algérien "de la réconciliation à l'échec de la participation politique" et offre un tableau exhaustif des stratégies et des leaders de l'islam militant dans le pays. Tandis que l'économiste Mihoub Mezouaghi déplore, quant à lui, les incertitudes d'une croissance coincée entre l'exploitation mono sectorielle des hydrocarbures, "l'inertie structurelle de l'économie algérienne" et les hésitations entre libéralisme et politiques volontaristes, Miloud Chennoufi, Professeur au Collège des Forces canadiennes de Toronto livre une remarquable analyse de la politique étrangère algérienne. Une approche utilement complétée et éclairée par l'article édifiant de Farida Souiah, doctorante rattachée au Ceri, sur la présence chinoise dans ce pays.

Au-delà du cas algérien - on pense au Liban dont le Parlement vient de voter une loi créant une Agence destinée à organiser la future exploration des ressources au large du Pays du Cèdre - , on signalera l'entretien avec Luis Martinez sur "la rente pétrolière, source de violence pour l'Algérie" qui reprend et affine dans un livre récent ("Violence de la rente pétrolière, Presse de science Po, 2010) la théorie de l'effet de Groningue élaborée par l'économiste néerlandais Jan Tinbergen. La malédiction du pétrole veut que les rentes des matières premières, en dehors de tout cycle productif, croissent en rapport inverse aux potentialités démocratiques et tendent à détruire le cycle productif lui-même. Parmi les autres contributions, on lira avec intérêt la note signée Chiara Pettenella sur la "Russie au Moyen-Orient", habile synthèse informée et prospective de la diplomatie de Moscou avec les différents acteurs du Golfe arabo-persique.

Mentionnons enfin pour les inconditionnels de la cartographie, le premier numéro, toujours aux Editions Aréion, d'un trimestriel "Carto", consacré à la "puissance énergétique russe". Malgré les nombreuses illustrations à même de passionner les spécialistes, les textes qui les accompagnent manquent de rigueur et finissent par lasser. De même que le côté fourre-tout des autres articles. Pourquoi, par exemple, n'avoir pas intégré celui portant sur les "territoires maritimes de la Russie" au dossier principal alors que la bataille géoénergétique fait déjà rage au sein de l'Onu pour délimiter les frontières autour du pôle nord? Gageons que le prochain numéro saura améliorer certains des éléments de fond et de forme, dans un souci pédagogique toujours indispensable lorsqu'il s'agit de schémas techniques.

« L'Algérie, une transition sans fin », Moyen-Orient n°7, Août-Septembre 2010.
« Géopolitique de l'Energie, La puissance russe », Carto, N°1, Juillet-Août 2010