L’intérieur du Théâtre des Bouffes du Nord (site officiel du théâtre)
Au café au bord du Danube on rencontre une dame très sympa en tenue noire discrète. Au premier abord cette femme est loin de l’image extravagante des innovateurs artistiques. Derrière son apparence sérieuse et calme, on découvre un esprit vibrant, peu à peu elle partage ses idées toutes fraîches sur le théâtre et elle raconte d’une manière très passionnante.
Depuis son jeune âge elle vit dans le milieu artistique, elle a travaillé comme journaliste culturelle. Mais après avoir vu Le Songe d’une nuit d’été dans la mise en scène de Peter Brook à Stratford, elle a décidé de se lancer dans la création. Donc le journalisme ”ennuyeux” a été remplacé par la vie aventureuse au Centre International de Recherche Théâtrale. Tout comme après la première expérience elle reste fascinée par l’art de Peter avec qui elle travaille depuis plus que trente ans. Peut-être est-elle, comme collaboratrice artistique des Bouffes, la personne la plus à même de parler du vieil enfant terrible du théâtre qui est en constante évolution.
A côté du nom de Marie-Hélène Estienne, on lit le plus souvent l’expression suivante ’collaboration artistique’. Cela peut nous paraître un peu obscur mais suggère une importance certaine. De fait, même après une rencontre personnelle, on a du mal à définir précisément son travail, elle dit seulement qu’elle fait beaucoup de choses avec Peter. Cela veut dire qu’elle participe à chaque étape du travail, notamment à la préparation textuelle, à la recherche des acteurs à travers des milliers de kilomètres et des centaines de cultures. Puis elle contribue aussi au long travail profond des répétitions, qui ne commencent jamais avec de grandes analyses littéraires. D’ailleurs, ce mot est même absent du vocabulaire des Bouffes et on préfère l’improvisation et les ”jeux de veille” dans la première étape du travail. D’après ce qu’elle nous dit sur la sélection des acteurs, on est convaincu qu’elle doit avoir un sixième sens pour trouver dans les inconnus des gens formidables qui deviendront membres des Bouffes.
”Il faut regarder et trouver l’homme dans l’acteur.” C’est par cette méthode ”simple” et brillante qu’ils ont découvert par exemple deux acteurs palestiniens en Israël il y a deux ans. Puisque ce théâtre ne s’intéresse à aucune frontière langagière, ni géographique, ni politique, ni religieuse, il cherche à être ouvert. Les Bouffes, c’est le théâtre du voyage. Pensons aux aventures en Afrique, en Inde, aux tournées continuelles nourrissant l’institution même et au fait que leur scène est le point de rencontre de nombreuses nations, cultures sous forme de personnes et de textes aussi… situé à Paris, c’est en même temps le théâtre du monde pour tout le monde.
Comment peuvent-ils toucher le public de Hong Kong à Budapest? La réponse est simple comme tout : grâce à la qualité de la création. Marie-Hélène décrit Brook comme un vrai sage qui est drôle, surprenant, doué et merveilleux. Il utilise des formes très épurées dans le théâtre et il est pourvu d'une patience attentive, à l'écoute en contradiction avec le rythme actuel de notre époque. Pour lui, l’art du détail crée la tension nécessaire pour que chaque mot suivant sur la scène soit inattendu. Selon Marie-Hélène, cette tension est la base de tout théâtre qu’on peut appeler ”la chorégraphie de la vie”. C’est aussi le théâtre de la liberté, car Brook est contre les règles fixes, il ne croit pas au théâtre d’auteur.
Un exemple tout frais pour le public hongrois, les Fragments, présentés à TRAFÓ début avril, où il n’a pas suivi les didascalies de Beckett, bien sûr après avoir eu le feu vert de l’ayant droit familial. Au noyau des Bouffes, il y a une communauté exceptionnelle soudée par le travail pour les gens. Bientôt ce groupe fera face à des changements, Brook démissionnera du poste du directeur mais il continuera à travailler, donc contrairement aux nouvelles publiées, Marie-Hélène insiste pour clarifier que cela ne demeure qu’une transformation administrative. Peter travaille déjà sur une pièce composée d’une trentaine de sonnets de Shakespeare, Love is my sin, ce sera une création en anglais, la collaboratrice pense que le public français commence à apprécier le théâtre dans la langue d'origine.
Et pour 2010, Brook met en scène La Flûte enchantée, Marie-Hélène nous promet ”une flute rapide au piano”, cette fois-ci elle travaille sur le livret de nouveau. Avec la reprise de l’opéra, on indique un des chemins futurs des Bouffes, c’est que le théâtre sera plus souple et varié avec certains ajouts. Quand on pose à Marie-Hélène des questions sur le théâtre contemporain en général, elle constate que la grande révolution, dont l’un des initiateurs est Brook, s’est un peu endormie et le présent paraît comme étant dans une impasse. Pourtant elle trouve qu’il y a beaucoup de jeunes talents faisant des choses pleines de vie, par exemple sur les scènes de Londres.
Elle connaît évidemment les travaux des metteurs en scène hongrois, Balázs Simon, Árpád Schilling, Gábor Székely, Tamás Ascher, Eszter Novák, etc..., elle a dit un grand bravo pour le nouveau projet expérimental de Krétakör et elle trouve que dans ce pays il y a aussi beaucoup de très bons acteurs. En revanche, elle est étonnée qu’il n’y ait pas beaucoup de comédiens de couleur ou étrangers en Hongrie et elle nous le souhaite vivement. Que cette ouverture artistique et aussi non-artistique ne tarde pas trop…
La fascination ”stratfordienne” de Marie-Hélene Estienne nous a bien touchés pendant l’interview comme les Fragments de Beckett le même soir à TRAFÓ et tout cela rend plus curieux pour les aventures théâtrales. Nous la remercions pour son agréable conversation et pour ce spectacle remarquable.
D’après l’interview et le forum professionnel avec M-H Estienne à la Maison des Arts Contemporains-TRAFÓ
www.bouffesdunord.com
Depuis son jeune âge elle vit dans le milieu artistique, elle a travaillé comme journaliste culturelle. Mais après avoir vu Le Songe d’une nuit d’été dans la mise en scène de Peter Brook à Stratford, elle a décidé de se lancer dans la création. Donc le journalisme ”ennuyeux” a été remplacé par la vie aventureuse au Centre International de Recherche Théâtrale. Tout comme après la première expérience elle reste fascinée par l’art de Peter avec qui elle travaille depuis plus que trente ans. Peut-être est-elle, comme collaboratrice artistique des Bouffes, la personne la plus à même de parler du vieil enfant terrible du théâtre qui est en constante évolution.
A côté du nom de Marie-Hélène Estienne, on lit le plus souvent l’expression suivante ’collaboration artistique’. Cela peut nous paraître un peu obscur mais suggère une importance certaine. De fait, même après une rencontre personnelle, on a du mal à définir précisément son travail, elle dit seulement qu’elle fait beaucoup de choses avec Peter. Cela veut dire qu’elle participe à chaque étape du travail, notamment à la préparation textuelle, à la recherche des acteurs à travers des milliers de kilomètres et des centaines de cultures. Puis elle contribue aussi au long travail profond des répétitions, qui ne commencent jamais avec de grandes analyses littéraires. D’ailleurs, ce mot est même absent du vocabulaire des Bouffes et on préfère l’improvisation et les ”jeux de veille” dans la première étape du travail. D’après ce qu’elle nous dit sur la sélection des acteurs, on est convaincu qu’elle doit avoir un sixième sens pour trouver dans les inconnus des gens formidables qui deviendront membres des Bouffes.
”Il faut regarder et trouver l’homme dans l’acteur.” C’est par cette méthode ”simple” et brillante qu’ils ont découvert par exemple deux acteurs palestiniens en Israël il y a deux ans. Puisque ce théâtre ne s’intéresse à aucune frontière langagière, ni géographique, ni politique, ni religieuse, il cherche à être ouvert. Les Bouffes, c’est le théâtre du voyage. Pensons aux aventures en Afrique, en Inde, aux tournées continuelles nourrissant l’institution même et au fait que leur scène est le point de rencontre de nombreuses nations, cultures sous forme de personnes et de textes aussi… situé à Paris, c’est en même temps le théâtre du monde pour tout le monde.
Comment peuvent-ils toucher le public de Hong Kong à Budapest? La réponse est simple comme tout : grâce à la qualité de la création. Marie-Hélène décrit Brook comme un vrai sage qui est drôle, surprenant, doué et merveilleux. Il utilise des formes très épurées dans le théâtre et il est pourvu d'une patience attentive, à l'écoute en contradiction avec le rythme actuel de notre époque. Pour lui, l’art du détail crée la tension nécessaire pour que chaque mot suivant sur la scène soit inattendu. Selon Marie-Hélène, cette tension est la base de tout théâtre qu’on peut appeler ”la chorégraphie de la vie”. C’est aussi le théâtre de la liberté, car Brook est contre les règles fixes, il ne croit pas au théâtre d’auteur.
Un exemple tout frais pour le public hongrois, les Fragments, présentés à TRAFÓ début avril, où il n’a pas suivi les didascalies de Beckett, bien sûr après avoir eu le feu vert de l’ayant droit familial. Au noyau des Bouffes, il y a une communauté exceptionnelle soudée par le travail pour les gens. Bientôt ce groupe fera face à des changements, Brook démissionnera du poste du directeur mais il continuera à travailler, donc contrairement aux nouvelles publiées, Marie-Hélène insiste pour clarifier que cela ne demeure qu’une transformation administrative. Peter travaille déjà sur une pièce composée d’une trentaine de sonnets de Shakespeare, Love is my sin, ce sera une création en anglais, la collaboratrice pense que le public français commence à apprécier le théâtre dans la langue d'origine.
Et pour 2010, Brook met en scène La Flûte enchantée, Marie-Hélène nous promet ”une flute rapide au piano”, cette fois-ci elle travaille sur le livret de nouveau. Avec la reprise de l’opéra, on indique un des chemins futurs des Bouffes, c’est que le théâtre sera plus souple et varié avec certains ajouts. Quand on pose à Marie-Hélène des questions sur le théâtre contemporain en général, elle constate que la grande révolution, dont l’un des initiateurs est Brook, s’est un peu endormie et le présent paraît comme étant dans une impasse. Pourtant elle trouve qu’il y a beaucoup de jeunes talents faisant des choses pleines de vie, par exemple sur les scènes de Londres.
Elle connaît évidemment les travaux des metteurs en scène hongrois, Balázs Simon, Árpád Schilling, Gábor Székely, Tamás Ascher, Eszter Novák, etc..., elle a dit un grand bravo pour le nouveau projet expérimental de Krétakör et elle trouve que dans ce pays il y a aussi beaucoup de très bons acteurs. En revanche, elle est étonnée qu’il n’y ait pas beaucoup de comédiens de couleur ou étrangers en Hongrie et elle nous le souhaite vivement. Que cette ouverture artistique et aussi non-artistique ne tarde pas trop…
La fascination ”stratfordienne” de Marie-Hélene Estienne nous a bien touchés pendant l’interview comme les Fragments de Beckett le même soir à TRAFÓ et tout cela rend plus curieux pour les aventures théâtrales. Nous la remercions pour son agréable conversation et pour ce spectacle remarquable.
D’après l’interview et le forum professionnel avec M-H Estienne à la Maison des Arts Contemporains-TRAFÓ
www.bouffesdunord.com