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Francesco Altimari : Il faut sauver la langue Arbëresh !


Par Lea Raso della Volta Rédigé le 09/07/2010 (dernière modification le 09/07/2010)

Il y a six cents ans, à la mort de leur héros Georges Castriota, dit Skanderbeg, les Albanais abandonnaient leur terre aux troupes du sultan et franchissaient l’Adriatique, pour sauver ce qui pouvait encore l’être : leur identité. Établis en communautés dans le sud de l’Italie, ils ont entrepris une énième bataille visant à sauver leur langue : l’Arbëresh.


Francesco Altimari : Il faut sauver la langue Arbëresh !
"Nous ne sommes pas perdus et nous ne le serons jamais, tant que nous conserverons la mémoire de ce que nous sommes et d’où nous venons". Ce sont les mots choisis par le Pope Dhimitri Damas, héros de Carmine Abate "dans la mosaïque de la grande époque" pour s’adresser à son peuple qui vient d’abandonner sa terre aux Ottomans. Un peuple qui décide de s’arrêter sur une colline et d’y fonder le village de Hora en Calabre.

Et le pope n’ignore pas que la mémoire privée de sa langue n’est rien ou très peu et que sans elle, les souvenirs finissent inexorablement par s’effilocher. Aussi, pendant des siècles les villages qu’en Calabre on qualifie "d’Albanais" ont conservé jalousement cet héritage, pratiquant le monolinguisme que l'Unité italienne a réussi, non sans mal à transformer en bilinguisme.

Mais au XXIe siècle, la langue Arbëresh va mal et la bataille pour sa survie est engagée, aussi, les héritiers de Skanderbeg doivent faire face à des ennemis "virtuels" comme la télévision, cinéma et jeux video ! Olimpia, trentenaire constate non sans amertume que son fils se refuse à apprendre l’Arbëresh car "il s’estime Italien et ne comprend pas le lien qui l’unit à la terre de ses aïeux, et puis..... il y a le football qui le passionne !"

Le professeur Francesco Altimari, en charge de la chaire de langue et de littérature arbëresh à l’Université de Cosenza et originaire du village albanais de San Demetrio Corona, parle de "déclin bien amorcé" de la langue, qu’il attribue au "phénomène d’assimilation" et ce, en dépit d’une volonté du gouvernement italien de favoriser le "développement linguistique et la promotion des langues des minorités vivant sur le sol de la République", comme le stipule l’un des articles de la loi n.482 promulguée en 1999.


La survie de la langue : une nouvelle bataille pour les descendants de Skanderbeg !

Mais au bout du tunnel il y a une lueur d’espoir, une "prise de conscience individuelle", comme la qualifie le Professeur Francesco Altimari, que l’on retrouve chez Giovanni héros de Carmine Abate, dans son roman: "La moto de Skanderbeg". L’écrivain, originaire du village albanophone de Carfizzi y retrace le parcours initiatique de Giovanni Alessi déchiré entre son passé et son présent, écartelé entre Cologne et Hora.

Ce dernier, après avoir fui son village, l'Arbëresh, et tous les fantômes de son enfance, s’installe en Allemagne ; mais grâce à Stefano Santori, Giovanni renoue avec ses origines ; revivant ainsi l’ histoire collective de son peuple et celle de son père, Skanderbeg, ce meneur des révoltes paysannes qui, au lendemain de la guerre, arpentait les routes sur sa splendide moto. Et, remontant plus loin encore, il évoque la geste du "Grand Georges Castriota".

Un prise de conscience qui passe par la réalisation de projets universitaires comme le projet BESA acronyme de "Biblioteca Elettronica Siti Arbëreshë" mais qui fort habilement joue sur un mot existant dans la langue albanaise puisque "Besa" signifie "promesse" et revêt un caractère sacré, comme celle que l’on se fait à soi-même et aux siens !

BESA est naît de l’intention de cartographier les bibliothèques et les fonds communaux ecclésiastiques, locaux, communaux, scolaires et privés de Calabre spécialisés dans la culture arbëresh et ce afin de le rendre accessible à tous, ce patrimoine, grâce au système informatique Opac Besa.

L’équipe universitaire du Professeur Altimari qui a travaillé à la réalisation du projet dans la province de Cosenza songe à l’étendre aux autres provinces de Calabre, mais aussi à d’autres régions d’Italie et des Balkans. L’ambition est de réaliser un catalogue collectif consultable qui répertorie les fonds de toutes les bibliothèques.

Pour l’heure tous les volumes anciens figurent dans la base de données, qui accueillera bientôt des revues, libres qui n’ont pas forcément été édités, des manuscrits des archives, et pourquoi pas des documents audio.

Et puis il y a le projet VATRA initié par le gouvernement dont l’objectif est de promouvoir le dialogue culturel, d’établir des passerelles entre albanophones de Calabre, Sicile, Pouilles, d’Albanie, Kosovo, Macédoine et Montenegro. Un projet qui se concrétise par des échanges culturels au sens large ; de professeurs et d’étudiants et qui passe par l’organisation de colloques dans les différentes universités de Cosenza à Tirana. Autant d’initiatives qui visent à donner un coup de fouet à une culture qui ces dernières années marquait le pas mais qui commence, et cela est perceptible, à relever la tête !

Cela dit les descendants de Skanderbeg ont d’ores et déjà un nouveau défi à relever et un devoir : celui de faire vivre leur langue et leur culture eux, dont les ancêtres il y a tout juste six cents ans traversèrent l’Adriatique pour sauver leur langue et leur identité !









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