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'Complot médiatique contre Cheikh Anta Diop' selon le professeur Basile GUISSOU, Délégué général du CNRST.


Par Rédigé le 05/10/2010 (dernière modification le 05/10/2010)

Interview avec Basile Guissou, maitre de conférences en sociologie politique et délégué général du Centre national de recherche scientifique et technologique(CNRST). Plusieurs fois ministre de Thomas Sankara sous la Révolution, il a été aussi ministre de l’Information. Auteur de 'Le Burkina Faso un espoir en Afrique', il s’est prêté à nos questions.


Le professeur Basile Guissou pour qui cheikh anta Diop et Joseph Ki-Zerbo sont incontournables pour les journalistes(photo personnelle)
Le professeur Basile Guissou pour qui cheikh anta Diop et Joseph Ki-Zerbo sont incontournables pour les journalistes(photo personnelle)
Quelles sont les forces et les faiblesses des journaux burkinabè ?
Mon métier m’oblige à lire les journaux tous les matins. J’achète trois titres. Ça me coûte beaucoup d’argent. Depuis 30 ans, il y a beaucoup de titres qui ont disparu. Il y a aussi des titres en langues nationales. On ne parle pas beaucoup de ça. Je précise que c’est la presse francophone qui a de la qualité, de la culture de base. Les journalistes manquent de culture générale. On peut dire que notre presse est un écho des grandes radios, des grandes agences internationales. Souvent, je peux dire qu’on a comme l’impression que c’est du couper-coller. Ce que vous entendez sur Radio France internationale, c’est dans cette veine là que la presse locale traitera l’information à de rares exceptions près. C’est JJ qui a un style particulier, humoristique, critique. Donc qui ne se réfère pas aux titres et à la une des grands journaux d’ailleurs. Qui essaie d’inventer à partir du local mais dans le rire. Je pense qu’il y a des valeurs de base que nous n’arrivons pas à enraciner dans le journalisme au Burkina. Non il y a des valeurs fondatrices codifiées dans la Constitution. Parfois on a l’impression qu’on ne met pas le même contenu dans le même mot, or nous parlons français. Quand on parle de sa patrie, de son hymne, de son drapeau, ça doit être avec respect. Peu importe le régime même si vous n’aimer pas Blaise Compaoré. C’est ce que j’appelle un dérapage permanent. Ca veut dire que la formation de base qui doit être au métier, ne s’est pas accompagnée d’une balise au droit de critiquer. La formation doit être revue. Car le journalisme doit pouvoir défendre l’identité, les langues de son pays etc. Voilà ce qui manque au Burkina Faso.

Mais, presse publique ou presse privée, qui ne pratique pas l’autocensure ?
"Je reconnais qu’il existe des intérêts contradictoires entre le besoin de secret et celui de révéler la vérité. Et je m’assure de ne pas écrire par mégarde quelque chose qui pourrait être dommageable à la sécurité de mon pays, ou à sa capacité à obtenir des informations, ou qui pourrait mettre en danger quelqu’un dans le monde du renseignement. Je ne ferai jamais ça" cité par El hadj Kassé dans "Misères de la presse", Seymour Hersh , journaliste au "New Yorker" qui est célèbre pour ses enquêtes et ses positions qui mettent toujours en cause les informations fournies par le gouvernement américain, surtout en temps de guerre. Défendre toujours les intérêts de son pays ?
Ecoutez ! Moi mes options politiques sont connues ; je pense que le journaliste ne peut pas écrire innocemment ; il défend toujours une cause. Il diffuse des idées ; moi j’aime l’Afrique. En diffusant des idées erronées vous imaginez les conséquences ; il doit écrire pour défendre l’Afrique quelque soit la situation. Je ne peux pas admettre que l’archevêque de la Havane dise sur CNN que si un soldat américain débarquait sur Cuba parce que Castro est malade, il y aura des troubles. Il prend une kalachnikov pour défendre sa patrie. Cette terre sacrée de Cuba. Ce n’est plus Castro. Cela doit être dans la formation de base du journaliste. Je suis d’accord avec ce journaliste américain, car aussi les intérêts du Burkina et de l’Afrique sont sacrés
Nous faisons du journalisme approximatif selon Luc Adolphe Tiao, ancien journaliste et ancien président du conseil supérieur de la Communication et vous y enfoncer le clou ?
Je pense que c’est juste, car il faut s’autonomiser. Il faut prendre l’initiative historique. Il n’a pas besoin d’écrire comme un journaliste ailleurs. Il doit penser au plus grand journaliste africain ou burkinabé. Sans emprise réelle sur notre intrinsèque. Il doit trouver ses repères parmi nous grands journalistes et non s’extravertir. Sinon ils vont faire dans la superficialité donc dans la corruption avec des écrits sur commande. Je vous paye et vous écrivez sur moi, point barre. Cela conduit simplement à un journalisme de service. Il y a le service public ; le devoir du journaliste vis-à-vis de ce public, de l’opinion. Il ne peut aller de façon légère pour écrire sur ce pays qui l’a éduqué et qui a investi sur lui. Il ne peut pas épouser des thèses antipatriotiques, les épouser et les diffuser. Ce n’est pas décent !
Je ne parle pas de répression, ni de censure mais c’est une ligne de conduite qui doit être impulsée à l’intérieur même du corps de métier de journaliste. Je suis content qu’un journaliste comme Luc Adolphe Tiao avec toute son expérience ait fait cette remarque.

Les journalistes doivent être formés à la pensée aussi ; mais l’autorité au Burkina invite-t-elle à cela dans les instances de formation ?
Je crois qu’on ne devient pas journaliste par hasard. Tout tient de la formation de base. On peut aimer le métier et s’y engager mais c’est dans la volonté d’aller loin dans votre art qui doit vous obliger à lire les classiques et les grands modèles dans le métier, universellement connus. Il faut avoir parcouru ou lu tout ça et pouvoir faire une synthèse. Par exemple si vous êtes un étudiant en Histoire sans avoir lu Joseph Ki-Zerbo, vous avez une chance de ne pas être un historien à la hauteur. Mais un histrion.
Comment peut-on renforcer les capacités des journalistes en lisant Cheikh Anta Diop et Joseph Ki-Zerbo ?
Déjà les Burkinabè qui ont les moyens de s’acheter les livres et journaux ne le font pas. Y compris des journalistes. Sur Internet, il semble que pour cacher quelque chose de vital à un Africain, il faut le faire dans un livre. C’est raciste ! Je pense que le renforcement de capacités dépend du journaliste lui-même. Cela commence par le corps de métier lui-même. Il ne faut pas aller chercher loin, c’est vous-même. Il ne faut pas croire que c’est à travers des ateliers avec une sommité mondialement connue qu’il va vous transformer en une capacité intrinsèque. Non ! C’est votre combat personnel d’abord ; le reste vous sera donné de surcroit.

Malgré, déplore Ki-Zerbo, toutes les revues et les corrections et ruptures apportées, les journalistes continuent de confondre la cause et les effets de la situation de l’Afrique, ça m’a fait mal mais çà ressemble à quelque chose de vraie?
Absolument, je pense que l’effet et la cause c’est différent. L’Afrique est pauvre, l’Afrique est malade. Je pense qu’il faut être capable de critiquer les critères du PNUD qui classe mon pays avant dernier. Je prends un exemple simple au sujet de l’appauvrissement .Aucun continent n’a subi ce que l’Afrique a subi dans toute l’historie de l’humanité. Quatre siècles de Traite négrière (ponction régulière de sa force vive), aucun continent n’a connu un siècle de colonisation. Il y a des préjugés : les Africains sont jouisseurs, paresseux, corrompus ; il y a trop de clichés découlant de ces accidents graves de l’histoire qui ont failli même nous effacer de la terre. A défaut de connaître ces causes vous n’êtes pas autorisé à vous prononcer sur les effets autrement vous répéter. Vous êtes légers. Vous êtes un répétiteur. Vous êtes superficiel. Vous vous faites prendre à ce piège. L’Afrique a passé 60 ans a répéter dans sa presse qu’elle est pauvre, qu’elle ne peut faire son unité, qu’elle ne peut pas crée de la richesse, qu’il faut de l’assistance technique etc.. Qu’il faut l’aide publique au développement. On a fait que s’enfoncer.
Selon Jean-Marc Ela les médias en Afrique comme ailleurs sabotent les travaux de cheikh Anta Diop ?
C’est la conjuration du silence. Je ne connais pas un auteur historien linguiste ou physicien qui le critique par écrit, je n’en connais pas. Par contre vous trouvez des rejets en bloc, d’un travail qui est monumental ; dire qu’il ne faut le lire ce n’est pas scientifique. Ça c’est ce que j’appelle des barouds d’honneur, des déclarations spectaculaires. Ce n’est pas des démonstrations scientifiques. Moi je suis un scientifique. Je pense que : tout ceux qui prétendent défendre un idéal panafricain et qui n’ont pas lu Cheikh Anta Diop ne doivent avoir droit à la parole. Je pense qu’il existe un complot effectivement organisé par des médias africains soutenus pas des Africains pour minimiser l’ampleur et les enjeux de son travail pour le propre développement de l’Afrique. Dans la durée, il est impossible d’enfermer Cheikh Anta Diop dans un coffre. C’est de la Lumière ! Sans risque de me tromper, il est mieux connu aujourd’hui en 2010 qu’en 1984 quand je le rencontrais dans son laboratoire à Dakar au Sénégal.
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