Au Bénin, le recours au châtiment corporel à l'école ne fait pas l'unanimité... (crédit Polycarpe TOVIHO)
La maîtresse du CE1 du Complexe scolaire protestant (CSP) de Godomey (banlieue de Cotonou) n’est pas prête d’oublier la leçon. Pour avoir "levé le petit doigt" sur une de ses écolières, elle a été rudement prise à partie par la mère de cette dernière. Cette maman, très furieuse, était décidée à porter plainte au commissariat de l’arrondissement situé à quelque 200 mètres du complexe. Rencontrée deux mois après l’incident, elle reste tout aussi fâchée que sentencieuse : "on ne touche pas mon enfant ; si elle fait quelque chose de mal, on m’en parle et c’est moi et moi seule qui décide de lever la main ou non sur elle… ".
Grâce au sens de la négociation du directeur de l’école, la maîtresse "fautive" n’a pas été poursuivie, mais dès que l’incident fut clos, le directeur a pris une décision majeure : interdiction formelle de la chicotte au sein de l’établissement, même "à titre de menace". Cette décision a provoqué la désapprobation de certains parents qui n’ont pas hésité à le faire savoir à l’administration scolaire. "Moi je connais très bien mes enfants. Lorsqu’on ne lève pas régulièrement le bâton sur elles, elles se relâchent aussitôt dans le travail", nous confie Patricia qui se souvient avoir menacé ouvertement de retirer ses deux filles du complexe si on n’accédait pas à sa requête… Officiellement, l’administration du CSP de Godomey n’a pas rapporté sa décision mais reconnaît qu’elle règle désormais "au cas par cas" le problème posé par les parents qui, comme Patricia, ont demandé de mettre leurs enfants sous régime de la lanière.
Comme au CSP de Godomey, la pédagogie du bâton divise l’ensemble des acteurs de l’école béninoise. Et dans un camp comme dans un autre, on ne manque pas d’arguments. "Nous les parents aujourd’hui, nous avons été des enfants, des enfants battus. Si tu ne récitais pas tes leçons, on te passait à tabac ; si tu n’occupais pas un bon rang, on te faisait subir toutes sortes de privations. Pourtant, cela n’a pas fait de nous des dégénérés. Au contraire, je crois que cela a été déterminant dans notre réussite scolaire", développe Narcisse Bossou, cadre du ministère de l’Environnement. Pour Jean K., instituteur à Abomey-Calavi, "un enfant, c’est naturellement des caprices. Sans bâton, les caprices vont s’enraciner en lui et devenir sa norme comportementale". Certains considèrent la campagne de retrait du bâton de l’école comme responsable du relâchement moral et du non respect des personnes âgées que l’on note aujourd’hui chez les jeunes. "Les enfants ne respectent plus personne… Ils tutoient tout le monde…", s’emporte un ancien parent d’élève (65 ans) qui se vante de la réussite de ses trois enfants comme le résultat d’une "excellente politique de rigueur".
"Taper un enfant, ce n’est pas un acte de méchanceté ; c’est pour le voir meilleur qu’on le frappe", nuance Mme Alokpon, institutrice à la retraite qui fait observer, elle aussi, à quel point la plupart de ses anciens écoliers la remercient aujourd’hui pour son "rigorisme" d’antan.
La pédagogie du bâton a toujours été présente au sein de l’école béninoise. Pourtant, depuis fort longtemps, l'État a interdit la pratique à travers des textes dont le plus ancien a environ 50 ans d’âge. En effet, la célèbre Circulaire N° 100 de 1962 interdit le châtiment corporel contre les apprenants. Près de vingt ans après, un arrêté de mars 1981, conformément à la Circulaire N° 100, remet au goût du jour, l’interdiction du recours à la chicotte dans l’éducation des écoliers et des élèves.
Grâce au sens de la négociation du directeur de l’école, la maîtresse "fautive" n’a pas été poursuivie, mais dès que l’incident fut clos, le directeur a pris une décision majeure : interdiction formelle de la chicotte au sein de l’établissement, même "à titre de menace". Cette décision a provoqué la désapprobation de certains parents qui n’ont pas hésité à le faire savoir à l’administration scolaire. "Moi je connais très bien mes enfants. Lorsqu’on ne lève pas régulièrement le bâton sur elles, elles se relâchent aussitôt dans le travail", nous confie Patricia qui se souvient avoir menacé ouvertement de retirer ses deux filles du complexe si on n’accédait pas à sa requête… Officiellement, l’administration du CSP de Godomey n’a pas rapporté sa décision mais reconnaît qu’elle règle désormais "au cas par cas" le problème posé par les parents qui, comme Patricia, ont demandé de mettre leurs enfants sous régime de la lanière.
Comme au CSP de Godomey, la pédagogie du bâton divise l’ensemble des acteurs de l’école béninoise. Et dans un camp comme dans un autre, on ne manque pas d’arguments. "Nous les parents aujourd’hui, nous avons été des enfants, des enfants battus. Si tu ne récitais pas tes leçons, on te passait à tabac ; si tu n’occupais pas un bon rang, on te faisait subir toutes sortes de privations. Pourtant, cela n’a pas fait de nous des dégénérés. Au contraire, je crois que cela a été déterminant dans notre réussite scolaire", développe Narcisse Bossou, cadre du ministère de l’Environnement. Pour Jean K., instituteur à Abomey-Calavi, "un enfant, c’est naturellement des caprices. Sans bâton, les caprices vont s’enraciner en lui et devenir sa norme comportementale". Certains considèrent la campagne de retrait du bâton de l’école comme responsable du relâchement moral et du non respect des personnes âgées que l’on note aujourd’hui chez les jeunes. "Les enfants ne respectent plus personne… Ils tutoient tout le monde…", s’emporte un ancien parent d’élève (65 ans) qui se vante de la réussite de ses trois enfants comme le résultat d’une "excellente politique de rigueur".
"Taper un enfant, ce n’est pas un acte de méchanceté ; c’est pour le voir meilleur qu’on le frappe", nuance Mme Alokpon, institutrice à la retraite qui fait observer, elle aussi, à quel point la plupart de ses anciens écoliers la remercient aujourd’hui pour son "rigorisme" d’antan.
La pédagogie du bâton a toujours été présente au sein de l’école béninoise. Pourtant, depuis fort longtemps, l'État a interdit la pratique à travers des textes dont le plus ancien a environ 50 ans d’âge. En effet, la célèbre Circulaire N° 100 de 1962 interdit le châtiment corporel contre les apprenants. Près de vingt ans après, un arrêté de mars 1981, conformément à la Circulaire N° 100, remet au goût du jour, l’interdiction du recours à la chicotte dans l’éducation des écoliers et des élèves.
Signe d’incompétence
Selon les adversaires de la pédagogie du bâton à l’école, le Bénin n’encadre pas suffisamment l’interdiction du châtiment corporel. "Il fallait une loi en bonne et due forme pour interdire le phénomène", allègue-t-on de source proche de la Campagne "Apprendre sans peur", un mouvement lancé le 19 novembre 2009, pour travailler à l'abolition du châtiment corporel dans les milieux scolaires.
La campagne consiste à renforcer, d'ici fin 2011, les capacités des acteurs stratégiques de l'éducation en vue d'un encadrement des enfants sans violence. En principe, fin 2010, une loi devait être adoptée et promulguée pour interdire le châtiment corporel dans les écoles. Sur ce seul plan, la campagne sera probablement un échec à moins de reporter cette ambition.
"La violence à l'école est un fléau à bannir dans le but de l'atteinte des objectifs de l'Éducation pour tous", plaide Saliman Karimou, secrétaire général du ministère des Enseignements maternel et primaire. Pour cet inspecteur de l'enseignement primaire, le bâton n’a pas sa place dans les salles de cours. Il en est d’autant plus convaincu qu’une étude sur les violences en milieu scolaire réalisée par son ministère avec l'appui de l'Unicef a démontré l’absence de performances scolaires chez les enfants violentés. Pour Plan International qui lutte contre le phénomène dans plus de 40 pays dans le monde, les conséquences des violences exercées dans le cadre scolaire sont énormes : "dans le pire des cas, les châtiments corporels peuvent provoquer des blessures physiques ou la mort. Au mieux, les enfants auront de moins bonnes chances de réussite à l'école. Les enfants victimes de châtiments corporels à l'école abandonnent aussi souvent leurs études. Sur le long terme, les châtiments corporels sont associés au suicide, à la dépression et à l'alcoolisme. Les victimes ont plus tendance à battre leur conjoint(e) et leurs propres enfants, alimentant ainsi un cycle de violence dans leur famille et leur communauté".
De plus en plus sensibles à ce discours, des parents s’insurgent contre le fait qu’on batte leurs enfants. Nombreux sont-ils de plus en plus à mettre en garde les administrations scolaires en déclarant leur hostilité contre les coups de fouets sur leurs enfants. "L’enseignant est payé pour faire passer son message, patiemment par le dialogue et l’écoute…", martèle Ernest Gnahoui, enseignant et qui, en tant que parent d’élève, dit avoir déjà interpellé plusieurs fois ses collègues. "Le recours au bâton est signe d’incompétence, de manque d’autorité et de pédagogie. L’enseignant frappe quand il est incapable d’expliquer, quand il ne sait comment faire comprendre…", ajoute-t-il, estimant que "plus les enseignants seront bien formés moins ils exerceront de violence sur les enfants".
Davantage de formation et de motivation contribuera sans doute à limiter le recours au bâton chez les enseignants. Mais il faut surtout "vulgariser des méthodes alternatives pour la promotion de l’apprentissage sans peur et sans douleur", propose Victorine Djossou Deha. Pour cette conseillère en Education de Plan-Bénin, l’enjeu est tel qu’il faut s’y mettre urgemment : "si la violence disparaît de l’école et de tous les autres lieux d’apprentissage, ces lieux deviendront attrayants et sécurisants pour les enfants ; ce qui contribuera directement à accélérer la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) en matière d’éducation et de protection des enfants, qui à son tour agira sur le développement de l’ensemble de la société qui se perpétuera par la qualité de ses ressources humaines constituées par les enfants d’aujourd’hui".
Si les avis divergent quant aux manières de punir un écolier ou un élève, tous semblent cependant unanimes quant à la nécessité de la discipline dans l’éducation et à l’obligation de transmettre des valeurs aux jeunes générations. L’essentiel – tout le monde en convient – est de ne pas transformer l’école en un enfer.
La campagne consiste à renforcer, d'ici fin 2011, les capacités des acteurs stratégiques de l'éducation en vue d'un encadrement des enfants sans violence. En principe, fin 2010, une loi devait être adoptée et promulguée pour interdire le châtiment corporel dans les écoles. Sur ce seul plan, la campagne sera probablement un échec à moins de reporter cette ambition.
"La violence à l'école est un fléau à bannir dans le but de l'atteinte des objectifs de l'Éducation pour tous", plaide Saliman Karimou, secrétaire général du ministère des Enseignements maternel et primaire. Pour cet inspecteur de l'enseignement primaire, le bâton n’a pas sa place dans les salles de cours. Il en est d’autant plus convaincu qu’une étude sur les violences en milieu scolaire réalisée par son ministère avec l'appui de l'Unicef a démontré l’absence de performances scolaires chez les enfants violentés. Pour Plan International qui lutte contre le phénomène dans plus de 40 pays dans le monde, les conséquences des violences exercées dans le cadre scolaire sont énormes : "dans le pire des cas, les châtiments corporels peuvent provoquer des blessures physiques ou la mort. Au mieux, les enfants auront de moins bonnes chances de réussite à l'école. Les enfants victimes de châtiments corporels à l'école abandonnent aussi souvent leurs études. Sur le long terme, les châtiments corporels sont associés au suicide, à la dépression et à l'alcoolisme. Les victimes ont plus tendance à battre leur conjoint(e) et leurs propres enfants, alimentant ainsi un cycle de violence dans leur famille et leur communauté".
De plus en plus sensibles à ce discours, des parents s’insurgent contre le fait qu’on batte leurs enfants. Nombreux sont-ils de plus en plus à mettre en garde les administrations scolaires en déclarant leur hostilité contre les coups de fouets sur leurs enfants. "L’enseignant est payé pour faire passer son message, patiemment par le dialogue et l’écoute…", martèle Ernest Gnahoui, enseignant et qui, en tant que parent d’élève, dit avoir déjà interpellé plusieurs fois ses collègues. "Le recours au bâton est signe d’incompétence, de manque d’autorité et de pédagogie. L’enseignant frappe quand il est incapable d’expliquer, quand il ne sait comment faire comprendre…", ajoute-t-il, estimant que "plus les enseignants seront bien formés moins ils exerceront de violence sur les enfants".
Davantage de formation et de motivation contribuera sans doute à limiter le recours au bâton chez les enseignants. Mais il faut surtout "vulgariser des méthodes alternatives pour la promotion de l’apprentissage sans peur et sans douleur", propose Victorine Djossou Deha. Pour cette conseillère en Education de Plan-Bénin, l’enjeu est tel qu’il faut s’y mettre urgemment : "si la violence disparaît de l’école et de tous les autres lieux d’apprentissage, ces lieux deviendront attrayants et sécurisants pour les enfants ; ce qui contribuera directement à accélérer la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) en matière d’éducation et de protection des enfants, qui à son tour agira sur le développement de l’ensemble de la société qui se perpétuera par la qualité de ses ressources humaines constituées par les enfants d’aujourd’hui".
Si les avis divergent quant aux manières de punir un écolier ou un élève, tous semblent cependant unanimes quant à la nécessité de la discipline dans l’éducation et à l’obligation de transmettre des valeurs aux jeunes générations. L’essentiel – tout le monde en convient – est de ne pas transformer l’école en un enfer.