Gervais Loko, lauréat du Grand Prix international du Concours Reportage Nouveau Média
Un matin de novembre 2010. Dans la Cité Houéyiho au cœur de la ville de Cotonou, le cyber Nach s’anime…A l’entrée de ce centre de navigation Internet, une impressionnante rangée de motos dont en majorité des ‘Djénana Dream’, ces engins de luxe aux chromes étincelants venus du Japon, vendus entre 1000 et 1200 euros.
A l’intérieur du cyber, certains sont affairés sur leurs ordinateurs, d’autres assis devant leurs postes sont au téléphone. Les échanges ne font l’ombre d’aucun doute. Nous sommes dans l’un des quartiers chauds de la cybercriminalité. Il règne ici un certain brouhaha comme dans un marché. Nous sommes au marché, celui de l’arnaque.
Il y a quelques années, le phénomène de la cybercriminalité était marginal, discret, presque ésotérique. Aujourd’hui, il se donne à voir et la plupart des jeunes, pour peu qu’ils savent manier l’ordinateur et l’outil Internet, passent des journées entières à recruter, sur le Net, des consciences fragiles à manipuler pour de l’argent. Leur mode opératoire est bien connu. « Ils utilisent des spams pour faire des offres de vente à propos de voitures, d’appareils électroménagers, d’animaux rares, de métaux précieux. Ils font également des propositions de prêts et même de dons… Les annonceurs sont contactés par des clients appâtés par la réalisation de bonnes affaires, auxquels il est demandé de transférer des sommes par des sociétés de transfert d’argent », explique un informaticien. Les manifestations de la cybercriminalité au Bénin sont variées : « invitations à des colloques, représentations commerciales, réseaux de photos pornographiques et promesses de mariage fictives, vols d’identité et d’adresses IP, ventes frauduleuses de billets d’avion, délivrance de faux diplômes, achats de matières premières pour des usines pharmaceutiques fictives… », cite Pierre Dovonou Lokossou, directeur de la Fondation de l’Entrepreneurship du Bénin (FEB) qui s’intéresse depuis quelques années au phénomène.
Mais l’imagination des cybercriminels n’a pas de limite tout comme leur goût du gain facile. Depuis un certain temps, ils mettent en vente sur le Net des domaines publics chargés de symbole et de légende. En Février dernier, un Belge a déboursé quelque 250 millions de francs CFA pour acquérir la place de l’Etoile rouge, symbole du passé révolutionnaire du pays désormais lieu d’attraction pour les couples le soir, les sportifs du dimanche ou espace de promotion commerciale. Le Belge arrivé à Cotonou n’a pas pu mettre la main sur sa parcelle ni sur ses partenaires. D’autres Européens se sont fait avoir pour autant de sommes faramineuses à propos de la vente du Stade de l’Amitié, le plus grand du pays.
De telles transactions sur des domaines publics au Bénin deviennent monnaie courante. Les palais royaux, des lieux de culte vaudou… sont la cible des cybercriminels qui profitent énormément des avancées technologiques dans les domaines de la téléphonie et de l’Internet pour faire leurs ‘affaires’. Par exemple, le développement du Roaming permet aux cybercriminels de défier les contraintes liées aux frontières ; ce qui donne une ampleur régionale au phénomène.
A l’intérieur du cyber, certains sont affairés sur leurs ordinateurs, d’autres assis devant leurs postes sont au téléphone. Les échanges ne font l’ombre d’aucun doute. Nous sommes dans l’un des quartiers chauds de la cybercriminalité. Il règne ici un certain brouhaha comme dans un marché. Nous sommes au marché, celui de l’arnaque.
Il y a quelques années, le phénomène de la cybercriminalité était marginal, discret, presque ésotérique. Aujourd’hui, il se donne à voir et la plupart des jeunes, pour peu qu’ils savent manier l’ordinateur et l’outil Internet, passent des journées entières à recruter, sur le Net, des consciences fragiles à manipuler pour de l’argent. Leur mode opératoire est bien connu. « Ils utilisent des spams pour faire des offres de vente à propos de voitures, d’appareils électroménagers, d’animaux rares, de métaux précieux. Ils font également des propositions de prêts et même de dons… Les annonceurs sont contactés par des clients appâtés par la réalisation de bonnes affaires, auxquels il est demandé de transférer des sommes par des sociétés de transfert d’argent », explique un informaticien. Les manifestations de la cybercriminalité au Bénin sont variées : « invitations à des colloques, représentations commerciales, réseaux de photos pornographiques et promesses de mariage fictives, vols d’identité et d’adresses IP, ventes frauduleuses de billets d’avion, délivrance de faux diplômes, achats de matières premières pour des usines pharmaceutiques fictives… », cite Pierre Dovonou Lokossou, directeur de la Fondation de l’Entrepreneurship du Bénin (FEB) qui s’intéresse depuis quelques années au phénomène.
Mais l’imagination des cybercriminels n’a pas de limite tout comme leur goût du gain facile. Depuis un certain temps, ils mettent en vente sur le Net des domaines publics chargés de symbole et de légende. En Février dernier, un Belge a déboursé quelque 250 millions de francs CFA pour acquérir la place de l’Etoile rouge, symbole du passé révolutionnaire du pays désormais lieu d’attraction pour les couples le soir, les sportifs du dimanche ou espace de promotion commerciale. Le Belge arrivé à Cotonou n’a pas pu mettre la main sur sa parcelle ni sur ses partenaires. D’autres Européens se sont fait avoir pour autant de sommes faramineuses à propos de la vente du Stade de l’Amitié, le plus grand du pays.
De telles transactions sur des domaines publics au Bénin deviennent monnaie courante. Les palais royaux, des lieux de culte vaudou… sont la cible des cybercriminels qui profitent énormément des avancées technologiques dans les domaines de la téléphonie et de l’Internet pour faire leurs ‘affaires’. Par exemple, le développement du Roaming permet aux cybercriminels de défier les contraintes liées aux frontières ; ce qui donne une ampleur régionale au phénomène.
Policiers démunis
Illustration. Photo (c) DR
Aidés par les avancées technologiques, les cybercriminels le sont aussi par le dénuement dans lequel végète la police nationale par rapport au phénomène. Même si elle a pu créer en 2009 une Cellule de lutte contre la cybercriminalité au sein de la Brigade économique et financière, cette structure n’a pas de moyens importants de surveillance informatique et téléphonique ni d’effectif insuffisant ni encore d’enquêteurs spécialisés.
Le problème est plus que structurel : les abonnés à la téléphonie mobile ne sont pas recensés ; ce qui laisse libre cours aux appels masqués. Dans un communiqué en date de mai 2010, le gouvernement reconnaît que ces pratiques favorisent l’insécurité du fait des malfrats et autres individus mal intentionnés qui acquièrent des puces pour commettre des meurtres, des braquages, menaces, injures et dénonciations calomnieuses ou pour soutenir leurs activités de cybercriminalité. Un décret oblige désormais les opérateurs GSM à recenser et à identifier clairement leurs clients. Mais la tâche leur paraît fastidieuse et aucun d’eux n’y met de l’entrain ni ne semble prêt à devoir retirer les lignes à ceux qui ne veulent pas s’inscrire. Pendant ce temps, les cartes SIM continuent de se vendre à la sauvette dans la rue sans aucune formalité.
La police, démunie, a lancé quelques opérations coups de poings dans certains cybers cafés de Cotonou. La stratégie a notamment consisté à infiltrer ces milieux en tenue civile afin d’épier les postes d’ordinateurs et les conversations. Des enquêtes sont diligentées directement vers certains jeunes pour qu’ils justifient leur train de vie. Les opérations ont permis de procéder à quelques arrestations. Mais cela reste marginal. En sous-effectif, difficile pour la police de maintenir la pression sur les milliers de cybercafés à Cotonou. De même, la collaboration avec les tenanciers de cyber souhaitée par la police reste infructueuse. Les tenanciers dont les affaires sont florissantes grâce à ces clients capables d’acheter des créneaux horaires équivalents parfois à un ou deux ans de connexion Internet, ne trouvent pas leurs comptes dans cette lutte.
La police a d’autres soucis encore. Le marché des ordinateurs portables baisse de jour en jour ses prix avec l’arrivée des Chinois qui défient la concurrence. En plus, la connexion privée à Internet se développe. Bénin télécoms vient de doubler la capacité de sa bande passante de 256 à 512 kilobits. Aujourd’hui, Bénin télécoms n’est plus le seul fournisseur de connexion Internet ; tous les opérateurs de téléphonie mobile s’y sont mis avec une telle rivalité de prix et de facilités que le client en sort gagnant. Malheureusement, ce gain technologique profite énormément aux cybercriminels qui ont désormais plus de moyens pour échapper à la police. « Les policiers ont déjà du mal à faire des ‘cyberpatrouilles’, ils seront encore plus démunis pour intervenir dans la vie privée des cybercriminels», fait observer M. Lokossou qui dénonce également le vide juridique qui entoure le phénomène et le manque de juges d’instruction spécialisés.
Le problème est plus que structurel : les abonnés à la téléphonie mobile ne sont pas recensés ; ce qui laisse libre cours aux appels masqués. Dans un communiqué en date de mai 2010, le gouvernement reconnaît que ces pratiques favorisent l’insécurité du fait des malfrats et autres individus mal intentionnés qui acquièrent des puces pour commettre des meurtres, des braquages, menaces, injures et dénonciations calomnieuses ou pour soutenir leurs activités de cybercriminalité. Un décret oblige désormais les opérateurs GSM à recenser et à identifier clairement leurs clients. Mais la tâche leur paraît fastidieuse et aucun d’eux n’y met de l’entrain ni ne semble prêt à devoir retirer les lignes à ceux qui ne veulent pas s’inscrire. Pendant ce temps, les cartes SIM continuent de se vendre à la sauvette dans la rue sans aucune formalité.
La police, démunie, a lancé quelques opérations coups de poings dans certains cybers cafés de Cotonou. La stratégie a notamment consisté à infiltrer ces milieux en tenue civile afin d’épier les postes d’ordinateurs et les conversations. Des enquêtes sont diligentées directement vers certains jeunes pour qu’ils justifient leur train de vie. Les opérations ont permis de procéder à quelques arrestations. Mais cela reste marginal. En sous-effectif, difficile pour la police de maintenir la pression sur les milliers de cybercafés à Cotonou. De même, la collaboration avec les tenanciers de cyber souhaitée par la police reste infructueuse. Les tenanciers dont les affaires sont florissantes grâce à ces clients capables d’acheter des créneaux horaires équivalents parfois à un ou deux ans de connexion Internet, ne trouvent pas leurs comptes dans cette lutte.
La police a d’autres soucis encore. Le marché des ordinateurs portables baisse de jour en jour ses prix avec l’arrivée des Chinois qui défient la concurrence. En plus, la connexion privée à Internet se développe. Bénin télécoms vient de doubler la capacité de sa bande passante de 256 à 512 kilobits. Aujourd’hui, Bénin télécoms n’est plus le seul fournisseur de connexion Internet ; tous les opérateurs de téléphonie mobile s’y sont mis avec une telle rivalité de prix et de facilités que le client en sort gagnant. Malheureusement, ce gain technologique profite énormément aux cybercriminels qui ont désormais plus de moyens pour échapper à la police. « Les policiers ont déjà du mal à faire des ‘cyberpatrouilles’, ils seront encore plus démunis pour intervenir dans la vie privée des cybercriminels», fait observer M. Lokossou qui dénonce également le vide juridique qui entoure le phénomène et le manque de juges d’instruction spécialisés.