L’histoire
au nom de la Terre.m4a (1.05 Mo)
"Au nom de la terre" est un drame agricole, familial mais aussi social, tiré d’une histoire vraie. Le film invite petit à petit le spectateur dans la détresse de Pierre Jarjeau (Guillaume Canet). D’une grande ferveur, au départ, cet agriculteur endetté par le rachat de la ferme familiale se trouve coincé par l’élevage de chevreaux qui ne rapporte pas. Cette histoire se situe dans les années 90, au moment où le modèle agricole est transformé par l’ouverture du marché mondial. Les cours du marché chutent face à la concurrence démesurée. Pierre est pris en étau, il ne parvient pas à vendre ses chevreaux à bon prix. Encouragé par la coopérative agricole, Pierre souhaite alors s’agrandir et se diversifier pour s’en sortir. Il décide contre l’avis de sa femme et de son père de se lancer dans l’élevage de volailles et la production de céréales. Il se surendette. L’engrenage commence. Le travail à la ferme est intense et épuisant. Les redressements judiciaires s’enchainent pour Pierre. Malgré le désaccord de sa femme, une formidable solidarité règne entre les époux, aidés de leurs deux enfants. Mais cela ne suffira pas pour le sortir de l’impasse. Un événement imprévu créé en lui un profond désespoir et une solitude immense. Désespoir de ne pas assurer sa survie financière. Solitude face au système agricole qui ne lui permet pas de vivre de la vente de ses produits. La vie de la ferme devient alors rythmée par les crises dépressives du père. Pierre s’enferre alors dans une immense souffrance dont il ne sortira pas.
Les pistes de réflexion du film : limites du modèle agricole proposé et isolement des agriculteurs
Ce film ne traite aucunement des problèmes écologiques. En donnant un regard de l’intérieur, le réalisateur convie le spectateur au cœur du problème. Comment vivent les agriculteurs issus du modèle agricole intensif ? Investir plus pour produire plus et gagner plus, est le fondement de ce modèle. Mais est-ce une solution efficace à long terme ? Le film montre que non. L'agrandissement de la ferme, les moyens technologiques déployés et l'investissement engagé ne permettent pas de rentabiliser l'exploitation par la vente des produits. En effet, le prix de vente n’est pas fixé par l’agriculteur et dépend des cours du marché mondial. Ces prix ne tiennent pas compte des charges de production, ni du temps de travail passé par l’agriculteur pour produire. Ainsi, la succession d’événements imprévisibles (baisse des prix, pannes technologiques, problèmes de santé, mise aux normes etc) dessine les limites du système. La finalité est bien souvent la production à perte, l’accumulation des impayés et finalement le surendettement. Les problèmes économiques et la surcharge de travail qui en découlent conduisent les agriculteurs à s’isoler. L’isolement de l’agriculteur est d'ailleurs le point central du film. Isolement face à ses financeurs. Isolement face à ses consommateurs. Et enfin isolement face à la société toute entière, dont ses confrères.
Où en sont les agriculteurs issus de ce modèle aujourd’hui ?
Aujourd’hui, 30 ans après, les agriculteurs vivent toujours ces mêmes difficultés. Les pouvoirs publics ou les lobbies industriels semblent toujours proposer les mêmes solutions inefficaces. Le cercle vicieux se perpétue encore : les organismes de formation promeuvent le développement d’une agriculture de type industrielle. L’endettement est toujours une solution proposée. La politique agricole rend les agriculteurs moins autonomes. Elle fixe les prix qui dépendent de la concurrence mondiale. Les agriculteurs vivent dans le stress et la précarité. Il se surendette pour vivre. Leur santé se détériore, et leur image aussi.
Quelles solutions pour ces agriculteurs en difficulté ?
Existe-t-il de véritables solutions pour aider les agriculteurs à vivre de leur produit et à créer leur propre revenu ? D’après "Solidarité Paysans" des solutions semblent pointer le bout de leur nez. La recherche d’une plus grande indépendance de l’exploitation en mettant en place des pratiques plus autonomes et économes peut conduire au redressement de l’exploitation à court terme. A long terme, le processus consiste à sortir de l’agro-industrie, pour entrer dans l’aire de l’agro-écologie. Cette solution vise à respecter l’agriculteur, sa santé et ses finances tout en respectant l’environnement.
Comment favoriser la mise en place d'une agriculture durable ?
Se convertir en agriculture durable n'est pas si aisée. Elle demande un investissement personnel de la part des agriculteurs, car elle nécessite une formation. Il faut environ 5 ans pour qu’un agriculteur puisse convertir son exploitation conventionnelle en exploitation durable, et rendre son activité rentable. Alors, comment peut vivre dignement l'agriculteur en reconversion durant ces 5 années ? Comment faire lorsqu’on est un agriculteur surendetté jusqu’au cou comme Pierre, qui n’a pas de formation en agriculture durable pour sortir de l’engrenage ? Là est tout le problème. D'une part, il faut que l’agriculteur ait la volonté de changer de mode de fonctionnement. Et d'autre part, il faut qu’il puisse vivre durant sa conversion. Aujourd'hui, l'agriculteur est seul face à ses problèmes. C’est à l’agriculteur de trouver le système qui lui correspond. Mais comment faire pour l'aider, demain ? L'aide ne viendra pas des lobbies ni des pouvoirs publics. Alors que faire ? Ne serait-il pas possible de mettre en œuvre une aide associative et communautaire ? Elle commence tout juste à se développer, mais elle pourrait aller plus loin. La solidarité entre agriculteurs semble éclore comme étant une solution à long terme, tant sur le plan économique qu'écologique. Les AMAP "Associations pour le maintien d'une agriculture paysanne" permettent de créer du lien entre consommateurs et petite paysannerie. Elles favorisent les petites exploitations raisonnées et/ou biologiques et locales. C'est un premier pas. Mais si je suis agriculteur conventionnel, pour me transformer vers du durable, existe-t-il une telle solidarité pour moi ? Non. L'agriculture française est bien scindée. Pour caricaturer, il y a les agriculteurs écolos d'un côté et les conventionnels de l'autre. Comment rectifier le tir ? Des collectifs regroupant les agriculteurs raisonnés/ biologiques et conventionnels ne pourraient-ils pas voir le jour ? Et devenir le principal vecteur de la transition écologique des exploitations intensives ? Comment ? En créant du lien entre tous, en échangeant des savoirs, des biens et/ou des services, en formant les agriculteurs conventionnels à une démarche raisonnée voire biologique, en réduisant la charge de travail des uns et des autres, en fixant les prix et en fidélisant des consomma(c)teurs locaux. Des collectifs où chaque agriculteur choisira son nouveau mode de production, qu’il pourra mieux maitriser, dans le respect de tous et de l'environnement. Ceci, non plus en concurrence avec ses confrères, mais en harmonie. Des collectifs qui seraient soutenus par les consomma(c)teurs. Un mouvement de transition écologique (et économique) qui viendrait du bas d'abord (agriculteurs avec les consommateurs) pour faire enfin bouger les pouvoirs publics, les politiques européenne et mondiale, et les lobbies. Un monde où tout deviendrait alors possible ?!
1. Si vous êtes (ou connaissez) un agriculteur en difficulté et que vous avez besoin d’aide: https://solidaritepaysans.org/
2. Pour aller plus loin :
- livre "Manifeste pour une agriculture durable" de Lydia et Claude Bourguignon
- documentaire sur Youtube "Agroécologie en France : Champs des alternatives" et " Agroécologie en France : Choc politique, la transition écologique"
1. Si vous êtes (ou connaissez) un agriculteur en difficulté et que vous avez besoin d’aide: https://solidaritepaysans.org/
2. Pour aller plus loin :
- livre "Manifeste pour une agriculture durable" de Lydia et Claude Bourguignon
- documentaire sur Youtube "Agroécologie en France : Champs des alternatives" et " Agroécologie en France : Choc politique, la transition écologique"