VILLES CAMEROUNAISES : LES PARADOXES DE L’URBANISME


Par D. MANDENG Rédigé le 24/05/2009 (dernière modification le 24/05/2009)

Les programmes d’assainissement entrepris par le délégué du gouvernement dans la ville de Douala vont bon train malgré les douleurs et les frustrations qu’ils causent aux habitants.


Depuis quelques mois, les principales métropoles du Cameroun, à savoir Yaoundé et Douala sont par endroits le théâtre de vastes opérations de déguerpissement des populations, en application de certaines mesures de police administrative.
A Yaoundé, capitale politique et siège des institutions de la République, le délégué du gouvernement auprès de la communauté urbaine de Yaoundé Gilbert Tsimi Evouna s'active pour redonner à cette ville une image des plus attrayante.
A Douala, les opérations sont menées par le Docteur Fritz Ntonè Ntonè, délégué du gouvernement, dont le rôle consiste à refaire les routes et à rendre les voiries plus aérées et plus accessibles.
Une controverse s’est vite installée autour de ces deux noms, qui reviennent chaque fois que l’on parle de « casses », de « déguerpissement », ou de « travaux d’aménagements routiers ». En effet, l’on note que les délégués dans les deux villes travaillent dans le but de libérer certaines emprises publiques par la destruction des



habitations construites dans l’anarchie et spontanément en marge des règles d’urbanisme.
Ces actions des délégués du gouvernement des communautés de Yaoundé et Douala, malgré
les avantages qu’elles apportent dans le développement urbain, suscitent de la part des populations des cris et des plaintes. Quoi qu’il en soit, les populations, toujours prévenues à l’avance, crient au complot, à la conspiration. Ainsi, on note que dans certains cas, les populations elles-mêmes une fois prévenues du passage de la communauté, ont procédé à la démolition de leurs bâtiments en récupérant tant bien que mal les matériaux qui pouvaient encore l’être.
Dans d’autres cas par contre, la résistance des populations s’est montrée plus rude, obligeant l’administration à déployer des moyens publics de contrainte.
Dans l’ensemble, tout y est passé, boutiques, hôtels, échoppes, débits de boisson, maisons d’habitation…, au grand désarroi des populations.
Le choc finit donc par faire écho entre d’une part les avantages de l’urbanisme, point essentiel qui rentre dans la satisfaction des besoins d’intérêt général et d’autre part, les intérêts naturellement privés des populations, heurtées par les mesures administratives.

En fait, cette situation découle des populations qui, pour vivre ou survivre, occupent et exploitent le domaine public de l’Etat ou des zones classées dangereuses pour l’habitat humain. Elles achètent des parcelles de terrain sans titre foncier, donc sans garantie, soit dans des zones marécageuses, soit sur le domaine public, dans l’espoir d’échapper à leur vie précaire, perturbées par les tracasseries des bailleurs venus revendiquer les loyers.
La collision d’intérêts entre l’administration et les administrés crée une situation paradoxale et désolante où les populations sont jetées à la rue sans une solution préalable de recasement, des familles se retrouvent ainsi dans la rue, sans toits pour s’abriter des intempéries telles que le soleil et la pluie.
Les politiques de recasement entreprises par l’administration à l’égard de ces populations chassées de leurs foyers, ne sont pas toujours des solutions immédiates puisqu’elles prennent du temps pour se mettre en œuvre et pour se concrétisées, pendant ce temps, les populations souffrent, ces populations pour lesquelles les travaux d’embellissement de la ville sont entrepris.
Les délégués de gouvernement des communautés urbaines de Yaoundé et Douala, bien que méritant les encouragements pour leur engagement et leur dévouement pour l’intérêt général, devraient pourtant tout aussi bien se préoccuper plus des populations qui sont déguerpies et qui parfois se retrouvent encore plus démunies sans autre lieu d’habitation.
Ce que l’on pourrait craindre dans cette vaste entreprise d’urbanisation des villes camerounaises est le fait que l’administration créée davantage une situation de précarité, de promiscuité et de misère dans la société, dans la mesure où ne sont pas seulement démolies les habitations, mais aussi des lieux qui permettaient à certains Camerounais de pouvoir gagner leur pain quotidien.
Il est dès lors nécessaire que les mesures entreprises par les pouvoirs publics pour l’assainissement des villes n’entrent pas en contradiction avec la recherche du bien-être des populations, et que ces dernières soient les principaux bénéficiaires de cette œuvre.





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