Une mort des plus discrètes


Par Rédigé le 30/05/2020 (dernière modification le 27/05/2020)

On a appris dimanche que l’écrivain et sociologue Albert Memmi était décédé à Paris le 22 mai à l'âge de 99 ans. Guy Dugas, professeur émérite à l’Université de Montpellier-3, qui collaborait avec l’"écrivain de la déchirure" depuis plusieurs décennies et avait publié de nombreux ouvrages sur sa vie et son oeuvre, a déclaré "Il est mort extrêmement sereinement, dans la nuit de jeudi à vendredi"


Albert Memmi a tenté durant toute son existence de relier entre eux Orient et Occident ainsi que l'Europe et le Maghreb juifs et arabes. (c) arablit.org
On connaît surtout Albert Memmi pour deux ouvrages qui l’ont rendu célèbre. Un roman largement autobiographique "La Statue de sel" paru en 1953 qui avait été préfacé par Ablert Camus. Ainsi que l’essai "Portrait du colonisé", précédé du "Portrait du colonisateur", publié en 1957, au lendemain de l’indépendance de la Tunisie et préfacé par Jean-Paul Sartre. Le prix Nobel 1981, la sud-africaine Nadine Gordimer avait préfacé la traduction anglaise et Léopold Sedar Senghor se disait "enthousiasmé" de sa lecture et ajoutait "Un document auquel les historiens de la colonisation auront à se référer". Héritier d’une triple culture, juif, tunisien et français, Albert Memmi a tenté durant toute son existence de relier entre eux Orient et Occident ainsi que l'Europe et le Maghreb juifs et arabes.

Il était né le 15 décembre 1920 dans le quartier juif de la Hara à Tunis à l’époque du protectorat français, deuxième enfant d’une très nombreuse fratrie, au sein d’une famille juive arabophone fort modeste. Il fréquente d’abord l’école rabbinique puis il apprend le français à l’école primaire de l’Alliance israélite universelle. Une bourse du gouvernement tunisien et de la communauté juive lui permet d’intégrer le lycée français Carnot de Tunis,  ce "sera l’évènement majeur de ma vie" dira-t-il. A partir de 1936 il tient un journal intime qu’il n’abandonnera pas. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il est interné dans un camp de travail. A la fin des hostilités, il part pour Alger où il étudie la philosophie, il rejoindra Paris et suivra les cours de la Sorbonne. Il se marie avec une Lorraine, catholique agrégée d’allemand et s’installe à Tunis où il enseigne la philosophie, anime un laboratoire de psycho-sociologie et dirige les pages culturelles de l’hebdomadaire "L’Action" fondé en 1955 à Tunis qui deviendra "Afrique Action", puis "Jeune Afrique". Mais après l’indépendance de son pays le 20 mars 1956, et même s’il avait soutenu le mouvement d’émancipation, il ne trouve plus sa place dans la nouvelle Tunisie. Memmi déçu décide alors d'aller s’installer définitivement à Paris, où il connaît déjà une certaine notoriété littéraire.

Il est professeur de psychiatrie sociale à l’Ecole pratique des hautes études et attaché de recherches au CNRS, il enseigne aussi à l'Université de Nanterre et dirige chez l’éditeur Maspéro la collection "Domaine maghrébin".
En 1965, il publie une "Anthologie des littératures maghrébines, il obtient la nationalité française en 1967. Il publie aussi de très nombreux essais : "Portrait d’un Juif", "La libération du Juif", "L’homme dominé",  "Juifs et arabes", "La dépendance".

Le 17 octobre 1975, Albert Memmi est élu membre associé de l'Académie des sciences d'outre-mer. Il reçoit entre autres le Grand prix de la francophonie pour l’ensemble de son œuvre écrite en français en 2004. 

Albert memmi.mp3  (5.26 Mo)






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