Un dîner aphrodisiaque pour la Saint-Valentin ?

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Par Dr Jean Vitaux, Canal Académie Rédigé le 11/02/2009 (dernière modification le 11/02/2009)

Occasion de manifester son amour, la Saint-Valentin, dont l’origine historique reste obscure, reste une fête vivace que la gastronomie accompagne à sa manière. Voici, par le Dr Jean Vitaux, quelques idées d’aliments réputés aphrodisiaques, pour les goûter ou seulement en connaître l’histoire, selon votre bon plaisir !


Image: Freezerken
La Saint-Valentin est la fête des amoureux : elle a lieu le 14 février. Elle recouvre des coutumes anciennes : en France, le jour de la fête des brandons, les jeunes filles choisissaient leur soupirant que l’on nommait valentin. En Angleterre, les jeunes gens adressaient des lettres souvent fantasques et débridées à la jeune fille qu’ils avaient choisie : c’était leur valentine. Les festivités de la Saint-Valentin existent toujours : c’est l’occasion de faire des cadeaux - fleurs, friandises - ou de faire un dîner entre amoureux. Mais le rapport entre ces festivités amoureuses et le saint martyr reste pour le moins obscur comme le soulignait déjà Pierre Larousse au XIX° siècle, et c’est peut être la survivance d’une coutume païenne qui s’est abritée sous le parrainage d’un saint qui serait resté bien inconnu sans cela...

L’homme a toujours cherché à favoriser les plaisirs de Vénus après les plaisirs de Bacchus et de Comus, ou selon la terminologie chrétienne les plaisirs de la chair après ceux de la bonne chère. Mais peut-on proposer un dîner aphrodisiaque pour favoriser les plaisirs de Vénus ?

De nombreux aliments ont eu une réputation aphrodisiaque pour des raisons multiples et variées :

L’analogie de forme avec les organes génitaux masculins ou féminins : le poireau, la banane (popularisée par la ceinture de Joséphine Baker), le concombre, par analogie de forme avec le membre viril ; chez les anciens Romains, l’orchis (sorte d’orchidée sauvage), dont les racines avaient la forme de testicules, et le fenouil qui avait la réputation de favoriser la sécrétion de sperme étaient aussi considérés comme aphrodisiaques. Pour les organes génitaux féminins, les huîtres et les moules ainsi qu’à Rome et en Italie de nos jours la figue, sont emblématiques du sexe féminin et ont une réputation aphrodisiaque.
D’autres produits comme le poivre ont également une réputation aphrodisiaque par leur caractère piquant. L’association des huîtres et du poivre était au XVII° siècle un classique de la nourriture aphrodisiaque : en témoignent les tableaux représentant une servante accorte à l’œillade engageante au travers d’une porte (image qui intéresserait les psychanalystes modernes), portant un plateau d’huîtres et un poivrier.
La rareté de certains produits, évoquant par leur coût le luxe et peut-être la luxure, explique leur réputation aphrodisiaque : c’est le cas du caviar et de la truffe. Jean Anthelme Brillat-Savarin fait, dans « La Physiologie du Goût » en 1826, une longue disgression sur les propriétés aphrodisiaques de la truffe noire, qui "peut dans certains occasions rendre les femmes plus tendres et les hommes plus aimables", mais il concluait prudemment qu’il ne faudrait pas "cultiver exagérément le préjugé de la truffe érotique".
Certains vins ont aussi la réputation de favoriser l’appétence sexuelle : c’est le cas du vin de champagne, festif entre tous par sa fraîcheur et ses fines bulles. Le vin et l’alcool ont des propriétés très variables selon les individus et la quantité ingérée. A faible dose, l’alcool libère les inhibitions, ce qui peut favoriser la suite de la soirée, mais à doses plus importantes, il tend à limiter les instinct amoureux et à favoriser l’endormissement : la formule de la chanson à boire "Le bon vin m’endort, l’amour me réveille encore" n’est pas toujours vraie.
Preuve scientifique ou légende culturelle ?


Cependant si l’on en croit les scientifiques, il n’existe pas d’aliment aphrodisiaque. Les seuls produits naturels qui ont un effet pharmacologique sur l’érection masculine sont la cantharide, poudre de petits coléoptères irisés que l’on trouvait naguère sur les marchés du Maroc sous le nom de mouches d’Espagne ou de mouches cantharides : la dose toxique est proche de la dose « thérapeutique », mais on dit que c’était un des poisons des Borgia ! La Yohimbine a aussi des effets pharmacologiques, mais ce n’est pas un aliment à proprement parler bien que ce produit soit issu de l’écorce d’un arbre du Brésil. Néanmoins une bonne alimentation ne peut que favoriser l’activité sexuelle et génésique.

Si toutes les cultures ont recensé de très nombreux aliments à réputation aphrodisiaque, l’approche chinoise est plus originale : l’usage des aphrodisiaques y est très répandu, le plus cher et recherché étant la corne de rhinocéros (par analogie de forme) qui menace d’extinction ce pachyderme. Mais il existe une autre possibilité : adapter les plats en fonction des convives : en fonction de leur horoscope, de leur typologie en médecine traditionnelle chinoise, de leur religion (taoïste, bouddhique), et du caractère yin ou yang des aliments.

Ce qu’en disait Louis XV


Le dîner de la Saint-Valentin doit aussi veiller à ne pas être trop copieux : en effet, si le repas est très copieux, l’énergie sera plutôt employée à digérer qu’à penser à l’autre. Un exemple historique célèbre est les remarques que faisait le roi Louis XV, grand gastronome et grand amateur de femmes, à son petit fils Louis XVI, lui conseillant de ne pas trop manger et de ne pas trop boire, car il s’inquiétait du peu d’intérêt que portait Louis à Marie Antoinette, et de l’absence prolongée d’héritier, ce qui menaçait toujours l’avenir de la monarchie !

Ainsi donc, même pour la Saint-Valentin, il n’y a pas de recette aphrodisiaque à prévoir. Mais l’atmosphère d’un dîner, le cadre (le dîner au chandelles), le côté festif (le champagne), les petites attentions (le choix d’un lieu apprécié, ou des plats favoris), les cadeaux, peuvent mener plus certainement à une ambiance favorable pour que les fastes de Vénus succèdent aux charmes de Bacchus et de Comus.





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