Un bouc sous un clocher


Par Elise Venet Rédigé le 01/05/2019 (dernière modification le 30/04/2019)

Si le nom de Loc Maria de Plabennec ne vous évoque rien, c'est parce que la petite trévé (du breton "treb" qui signifie village) ne se révèle au voyageur que par le bouche-à-oreille, entre maisons de granit et massifs d'hortensias bleus. Un secret bien gardé, en pays finistérien, région des enclos paroissiaux.


Boutok sous le clocher haut de 40m de la chapelle de Loc Maria/ (c) O.L.
Situé à 20 minutes de voiture au nord de Brest, ce calme hameau d'une dizaine d'habitants se distingue par deux éléments conjoints, difficilement séparables: la chapelle en kersanton (granit extrait d'une carrière locale) et Boutok, le bouc domestique d'Olivier L., propriétaire du presbytère accolé à la chapelle.

Issu d'une famille d'agriculteurs installée de longue date à Loc Maria, Olivier possède un projet de vie original: sa démarche à long terme consiste à rénover l'ensemble des bâtiments qui entourent la chapelle, tout en respectant l'environnement et le patrimoine. Et Boutok fait partie de l'équation!

Un bouc sous un clocher.mp3  (2.28 Mo)


Le patrimoine d'une paroisse engagée

La chapelle de Loc Maria, et son calvaire ciselé, dominent la campagne environnante (c) E.V.
Les habitants de Loc Maria sont fiers de leur patrimoine. L'association de la paroisse se réunit régulièrement pour veiller au bon état de l'édifice religieux: du clocher haut de 40m au calvaire sculpté de 11 personnages, en passant par l'autel et les sculptures de kersanton.

"Notre chapelle est atypique. Dédiée à la femme, à la Vierge Marie, elle possède des formes féminines. Sa construction remonte à l'époque gallo-romaine, quand les Celtes du Pays de Galles ont envahi la Bretagne. La légende raconte que les saints patrons de Bretagne, et notamment l'une de leurs sœurs, se seraient installés là, car l'endroit était agréable à vivre, après avoir traversé l'océan à bord de bateaux de granit" souligne Olivier.

La chapelle a pris un rôle symbolique dans les années 1500-1550, au moment où les paysans de Loc Maria devenaient prospères, enregistrant de bonnes rentrées d'argent. Cette richesse se répercutait sur les édifices religieux, de même que sur les seigneuries." Lorsque la Révolution française de 1789 est passée par là, le clergé a dû se séparer d'une partie de ses biens. A Loc Maria, le prédicat a été vendu à un particulier, un privé, en l'occurrence à l'un de mes arrière-arrière-arrière grands parents. La chapelle a été rachetée par la municipalité de Plabennec". raconte Olivier.

La vedette locale très "in"

Olivier jouant avec Boutok devant le corps de ferme attenant à la chapelle de Loc Maria (c) E.V.
Des préoccupations parfois plus prosaïques viennent ponctuer la vie de Loc Maria: les escapades de Boutok dans l'enclos de la chapelle, notamment.

"Tout le monde connaît Boutok à Loc Maria, que ce soit pour ses bêlements lancinants, ou pour son odeur", plaisante le jeune homme. "C'est un bouc de race naine que j'ai depuis trois ans. Je l'ai d'abord pris pour entretenir mon domaine, soit un peu plus de 1.400m2. Boutok est assez vorace, il mange presque toutes les plantes: herbes, ronces, pissenlits, épinards. Il n'a pas toujours eu une vie facile: au début, il était attaché à un piquet et déplacé de temps en temps. Maintenant, il est en semi-liberté et dispose de plusieurs enclos dotés d'une petite cabane pour se protéger quand il pleut" explique Olivier.

Une véritable relation s'est établie entre les deux: "J'ai rapidement remarqué son caractère sociable, et je me suis mis à jouer avec. Il effectue plusieurs bonds par-dessus des obstacles, tourne sur lui-même, ou cherche à se battre. Certaines personnes jouent avec leur chien en arrivant chez eux le soir; moi, c'est mon bouc" détaille Olivier. Au point de susciter des réactions très positives chez ses voisins et ses amis: "Les copains ou le voisinage pensent que c'est super tendance d'avoir un bouc de compagnie, la classe à Dallas".

Il nuance toutefois: "Boutok reste un bouc: il n'ira pas chercher un bâton si je lui lance, et je ne suis pas sûr qu'il reconnaisse son nom; mais il m'identifie comme son maître et fait des sauts de cabri quand il me voit. Quand il s'échappe, il n'est jamais bien loin, à manger les fleurs de la voisine ou de la chapelle".

D'une démarche écoresponsable

L'entretien des lieux n'est pas une sinécure. Olivier y consacre une bonne partie de ses weekends, entre travaux de rénovation et aménagement du terrain. Derrière la chapelle de Loc Maria propriété de la municipalité, le corps du bâtiment attenant appartient à Olivier, qui le tient de ses grands-parents. Il se compose d'un presbytère en ruines, et d'un corps de ferme (la partie habitable) qui se transforme peu à peu, au fil des interventions d'Olivier.

"Je n'apprécie pas beaucoup les matériaux de rénovation conventionnelle, entre peintures toxiques à la respiration et revêtements polluants. Je préfère les fabriquer: par exemple, j'ai utilisé un mélange de chaux-chanvre pour isoler les murs en vieille pierre de l'ancienne écurie. Quand on fait soi-même des matériaux respectueux de l'environnement, on a une meilleure maîtrise du coût et du rendu" conclut Olivier.

S'il obtient les financements nécessaires, il aimerait rénover l'ensemble des bâtiments derrière la chapelle. "Je dois travailler pour me nourrir à côté, la rénovation représente le projet de toute une vie" déclare-t-il.

Ce jeune chercheur agricole assume néanmoins ses choix engagés, en marge de l'agriculture conventionnelle polluante, tout comme ses voisins, établis en bio depuis 40 ans. Il rappelle d'ailleurs au sujet de Boutok : "cet animal pratique l'éco-pâturage; contrairement à une lame de tondeuse, il ne tuera jamais un orvet ou un hérisson".





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