Photo courtoisie (c) Opéra de Marseille
Allons y franco! "Simon Boccanegra", comme "Macbeth" d'ailleurs, est une partition tardive, révisée, tripatouillée. Si les scènes de genre, les ensembles, gardent une sorte d'ingénuité et de verve qui sont celles de la jeunesse et de ses excuses, si le pittoresque est réjouissant et attise la curiosité, le mélodrame est lui tiré par les cheveux. Il est vrai que le librettiste est il Senor Gutierez, celui du "Trovatore"! Tout s'explique dès lors, n'en versez plus, la cour est pleine!
Toutefois, ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain. En 1881, le Verdi de la maturité infusera çà et là des couleurs crépusculaires à sa partition d'origine (1857) avec une vision de l'Homme certes ici pessimiste, car fatigué du pouvoir et de la politique mais qui ne désespère pas de son prochain.
Et la Méditerranée est là, partout, présente, envahissante, rédemptrice presque, avec son odeur, ses embruns, où le vieux Pirate, tel un Hollandais à l'envers, voudrait y trouver son oubli, sa paix, son dernier refuge, sa vraie patrie.
Dans "Boccanegra", une mystique de la mort, de la justice rayonne. Dans un enjeu de querelles, les voix graves dominent. On se croirait par moments chez Shakespeare dans cette marée orchestrale de rumeurs, d'ombres, de malentendus, de brigue du pouvoir voulu ou non, de secrets cachés ou révélés trop tard.
Et puis, il faut pour le rôle titre une éloquence impérieuse, une intériorité, un dedans poétique, bref, une présence déchirante.
Après plus de 200 Boccanegra au compteur, le baryton Leo Nucci, qui sait donc de quoi il parle, reprend, en ouverture de saison phocéenne, son spectacle importé de Piacenza (décors et costumes passe-partout de Carlo Centolavigna et Artemio Cabassi).
D'une limpidité d'eau de roche, sa mise en scène dégage au mieux les temps fort d'un livret tarabiscoté comme pas deux par Piave et Boito, se révèle finalement attachante dans son classicisme de bon aloi, ne dérange en aucun moment - on se croirait dans un film historique de série B - et emporte l'adhésion d'un public sans doute fatigué des excès de transposition. Pourquoi ce drame est-il un peu trop sous-éclairé? Les ténèbres sont filles de la lumière, non de la grisaille...
Déjà applaudi dans "Macbeth" voici deux saisons, Juan Jésus Rodriguez s'empare du rôle-titre avec une intériorité, une force, une présence de tous les instants qui forcent l'admiration. Les mots sont vivants, la diction poétique, l'autorité extravertie de l'adresse aux factions (Plebe, Patrizii) superbe d'éloquence. Certes, la filiation plutôt vériste de son émission vocale ne lui permet pas toujours toute la souplesse et la subtilité nécessaires, pourtant superbement perceptibles au niveau des intentions. On aimerait bien sûr que l'archet fût d'avantage à la corde... Qu'importe, ce Simon est bien à son rang, haut, très haut dans la cohorte des barytons actuels.
Il est rejoint en cela par Nicolas Courjal, admirable de sensibilité et d'humilité, mais de timbre un tantinet trop éclairci pour Fiesco.
Paolo transcendant d'Alexandre Duhamel, ici de stature supérieure, et clin d’œil amusé au Pietro de Cyril Rovery, traître dérisoire mais bien en place, qui s'est fait la tête de Victor Maurel dans Iago à la création parisienne d'"Otello". Roulant des yeux comme Peter Lorre dans "M le Maudit", on le croirait sorti d'un cabaret glauque et saignant d'Hugo ou Eugène Sue...
Dans cet opéra où les clef de fa abondent, ténor et soprano semblent être là par accident comme pour mieux incarner, toutes discordes oubliées, in articulo mortis, un avenir meilleur.
Dans un rôle à sa mesure, presque trop parfait est le Gabriele Adorno de Riccardo Massi, qui trouve dans la délicieuse musicalité d'Olesya Golovneva (Amélia) une belle complicité. Haut médium et aigu ont la luminosité et la rondeur voulues par le compositeur.
Saluons la solidité des trois rôles secondaires et l'excellence des chœurs, vivants comme pas deux.
Paolo Arrivabeni chapeaute le tout et donne à ce drame iodé à l'excès, ses plus belles nuances, ses plus beaux excès dans une progression exemplaire de ses teintes et estompes.
Toutefois, ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain. En 1881, le Verdi de la maturité infusera çà et là des couleurs crépusculaires à sa partition d'origine (1857) avec une vision de l'Homme certes ici pessimiste, car fatigué du pouvoir et de la politique mais qui ne désespère pas de son prochain.
Et la Méditerranée est là, partout, présente, envahissante, rédemptrice presque, avec son odeur, ses embruns, où le vieux Pirate, tel un Hollandais à l'envers, voudrait y trouver son oubli, sa paix, son dernier refuge, sa vraie patrie.
Dans "Boccanegra", une mystique de la mort, de la justice rayonne. Dans un enjeu de querelles, les voix graves dominent. On se croirait par moments chez Shakespeare dans cette marée orchestrale de rumeurs, d'ombres, de malentendus, de brigue du pouvoir voulu ou non, de secrets cachés ou révélés trop tard.
Et puis, il faut pour le rôle titre une éloquence impérieuse, une intériorité, un dedans poétique, bref, une présence déchirante.
Après plus de 200 Boccanegra au compteur, le baryton Leo Nucci, qui sait donc de quoi il parle, reprend, en ouverture de saison phocéenne, son spectacle importé de Piacenza (décors et costumes passe-partout de Carlo Centolavigna et Artemio Cabassi).
D'une limpidité d'eau de roche, sa mise en scène dégage au mieux les temps fort d'un livret tarabiscoté comme pas deux par Piave et Boito, se révèle finalement attachante dans son classicisme de bon aloi, ne dérange en aucun moment - on se croirait dans un film historique de série B - et emporte l'adhésion d'un public sans doute fatigué des excès de transposition. Pourquoi ce drame est-il un peu trop sous-éclairé? Les ténèbres sont filles de la lumière, non de la grisaille...
Déjà applaudi dans "Macbeth" voici deux saisons, Juan Jésus Rodriguez s'empare du rôle-titre avec une intériorité, une force, une présence de tous les instants qui forcent l'admiration. Les mots sont vivants, la diction poétique, l'autorité extravertie de l'adresse aux factions (Plebe, Patrizii) superbe d'éloquence. Certes, la filiation plutôt vériste de son émission vocale ne lui permet pas toujours toute la souplesse et la subtilité nécessaires, pourtant superbement perceptibles au niveau des intentions. On aimerait bien sûr que l'archet fût d'avantage à la corde... Qu'importe, ce Simon est bien à son rang, haut, très haut dans la cohorte des barytons actuels.
Il est rejoint en cela par Nicolas Courjal, admirable de sensibilité et d'humilité, mais de timbre un tantinet trop éclairci pour Fiesco.
Paolo transcendant d'Alexandre Duhamel, ici de stature supérieure, et clin d’œil amusé au Pietro de Cyril Rovery, traître dérisoire mais bien en place, qui s'est fait la tête de Victor Maurel dans Iago à la création parisienne d'"Otello". Roulant des yeux comme Peter Lorre dans "M le Maudit", on le croirait sorti d'un cabaret glauque et saignant d'Hugo ou Eugène Sue...
Dans cet opéra où les clef de fa abondent, ténor et soprano semblent être là par accident comme pour mieux incarner, toutes discordes oubliées, in articulo mortis, un avenir meilleur.
Dans un rôle à sa mesure, presque trop parfait est le Gabriele Adorno de Riccardo Massi, qui trouve dans la délicieuse musicalité d'Olesya Golovneva (Amélia) une belle complicité. Haut médium et aigu ont la luminosité et la rondeur voulues par le compositeur.
Saluons la solidité des trois rôles secondaires et l'excellence des chœurs, vivants comme pas deux.
Paolo Arrivabeni chapeaute le tout et donne à ce drame iodé à l'excès, ses plus belles nuances, ses plus beaux excès dans une progression exemplaire de ses teintes et estompes.