Trois femmes à l'affiche

La chronique culturelle de Colette


Par Rédigé le 18/01/2018 (dernière modification le 17/01/2018)

Aussi différentes que possible... Françoise Sagan renaît au théâtre du Petit Montparnasse grâce à Catherine Loeb. De son côté au studio Hébertot, le duo Bérangère Dautun et Sylvia Roux fait revivre la fascinante Lou Salomé et les hommes qu'elle a ensorcelés. Quant à Tom Wolf, fou de Callas, il nous en restitue la vie et la carrière à travers un documentaire.


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jusqu’au 30 décembre 2017, Caroline Loeb campait une Françoise Sagan plus vraie que nature, au théâtre du Petit Montparnasse, dans cette rue de la Gaîté qui se donne le soir des airs de petit Broadway. Le spectacle doit tout à "Je ne renie rien", recueil d’entretiens que l’auteur avait donnés à plusieurs journalistes dans une trentaine de journaux. Entre 1954, année de la parution de "Bonjour tristesse" chez Julliard, premier roman de Françoise Sagan âgée de 18 ans, qui l'a rendue célèbre, et 1992. Paru sous le titre "Un certain regard" aux éditions de L’Herne en 2008, il est republié chez Stock à l’occasion des 60 ans de "Bonjour tristesse" et du 10e anniversaire de la disparition de l’écrivain, le 24 septembre 2004 à l'hôpital de Honfleur d'une embolie pulmonaire.
L’interprète confie: "J’ai été bouleversée par l’honnêteté, la drôlerie, l’intelligence et l’humour de l’auteure de Bonjour Tristesse. J’y ai trouvé énormément de choses qui me touchaient profondément, et qui me semblaient d’une pertinence, d’une force et d’une évidence absolues".
Dans un décor des plus simples, un bar en fond de scène, un tabouret et une cigarette qui scintille dans l’obscurité de la salle. Le ton est très vite donné avec cette confidence de Sagan: "Si tout était à recommencer, je recommencerais bien sûr, en évitant quelques broutilles: les accidents de voiture, les séjours à l’hôpital, les chagrins d’amour. Mais je ne renie rien". Les spectateurs, comme l’avaient sans doute été les lecteurs, sont sous le charme de cette conversation à bâtons rompus. Faite, durant ce monologue de 1h15, de confidences entremêlées de mots d’esprit et où domine une grande lucidité. Sont évoqués de multiples sujets, vie, amour, amitié, argent, hommes, femmes ou voyages. Sagan, par la voix de Caroline Loeb, ne cache rien de sa passion pour le jeu, insiste sur son dédain de l’argent et le spectateur est fasciné par le "charmant petit monstre" comme l’appelait naguère François Mauriac.
"Françoise par Sagan" fut d’abord créée en 2016 au Théâtre parisien du Marais, puis jouée au Festival d'Avignon. Après ce dernier passage au Petit Montparnasse, le spectacle sera repris du 15 janvier au 26 mars 2018 au Théâtre du Marais dans le IIIe arrondissement de Paris.


Une femme exceptionnelle

Au Studio Hébertot, dans le XVIIe arrondissement de Paris, Bérengère Dautun, une habituée de ces lieux qu’elle investit toujours avec succès, au terme d’une longue carrière à la Comédie-Française, présente "Cantate pour Lou von Salomé". Dans une mise en scène d’Anne Bouvier, est évoquée intensément cette personnalité hors du commun, belle et intelligente qui ne cesse de fasciner. On ne rappellera que le biopic que Cordula Kablitz-Post lui avait consacré en 2016 ou le film de Liliani Cavani sorti en 1977, "Au-delà du bien et du mal".
Lou Andreas-Salomé était née à Saint-Petersbourg le 12 février 1861 et mourut à Göttingen le 5 février 1937, elle fut l'auteur de nombreux livres, de nouvelles, de textes psychanalytiques mais sa vie est encore plus extraordinaire.
Sylvia Roux l’incarne avec passion, vêtue d’une robe noire rappelant celle que portait Lou sur la célèbre photo de Lucerne où elle tient un fouet, prête à en user sur Nietzche et Paul Rée... C’était évidemment une gageure de vouloir évoquer la vie de cette égérie intellectuelle en un peu plus d’une heure. Pour ce faire, Bérengère Dautun s’est plongée dans l’abondante correspondance de Lou. C’est d’ailleurs le premier texte théâtral qu’elle écrit. Cela donne quinze tableaux qui insistent sur les moments décisifs. Ils sont discrètement annoncés comme des chapitres sur une toile au centre de la scène par des projections de photos ou vidéos. Les deux actrices y campent 15 personnages en s’aidant de quelques accessoires, un mannequin de couturière, un uniforme aux multiples décorations ou des lunettes. Ils apparaissent à tour de rôle, le pasteur Heinrich Gillot qui lui enseigne les rudiments de la philosophie et qu’elle détourne presque du droit chemin… A Rome, elle entre dans le cercle d'intellectuels et d'artistes autour de la féministe allemande Malwida von Meysenbug, amie de Wagner. Par son intermédiaire, elle fait la connaissance de Paul Ree et Nietzsche qui déclare: "De quelle étoile sommes-nous tombés pour nous rencontrer?". Elle formera avec eux un trio ambigu. Puis ce seront l’orientaliste Friedrich Carl Andréas qu’elle épousera et René Maria qu’elle rebaptise Rainer Maria Rilke, de quatorze ans son cadet, avec qui elle aura une liaison passionnée. Puis, Sigmund Freud qu’elle rencontre en 1911 au troisième Congrès de psychanalyse à Weimar. Elle se convertira d’ailleurs à la psychanalyse et la pratiquera.
Un enchantement pour tous ceux qui fantasment au simple mot de Mitteleuropa et pour tous les autres qui (re)découvriront cette personnalité fascinante.
Au Studio Hébertot jusqu'au 28 janvier 2018.

Callas for ever

Le titre du film de Franco Zeffirelli sorti en 2002 aurait bien pu convenir au documentaire de 90 minutes que Tom Wolf, photographe de mode, réalisateur et producteur, vient de consacrer à la diva disparue à Paris le 16 septembre 1977 à l’âge de 53 ans. Il l’a appelé "Maria by Callas". Elle était née le 2 décembre 1923 à New York. Tom Wolf ne la connaît que depuis quatre ans mais cette découverte donna lieu à un véritable coup de foudre. Et depuis, il n’a pas ménagé ses efforts pour mieux la connaître. Il a traqué partout tout ce qui a pu la concerner, il a acquis des archives exceptionnelles, des photos et des films. Et à l’occasion du 40e anniversaire de cette disparition, il a aussi été le commissaire d’une exposition qui s’est terminée le 14 décembre 2017, à la Seine musicale sur l’île Seguin de Boulogne-Billancourt. Il est aussi l'auteur d’un ouvrage sur la cantatrice aux éditions Assouline. Le film permet à ceux qui l’ont connue en pleine gloire de la retrouver avec les morceaux mythiques de son répertoire. Et à ceux pour qui elle n’est plus qu’un nom de la voir en chair et en os, d’entendre ses propos, de la retrouver dans les soirées élégantes qui étaient la norme à son époque…
Callas a laissé l'image d'une diva capricieuse, il n’en est rien, ce n’étaient qu’exigence et désir de perfection. Fanny Ardant lit des lettres, la plupart ont été échangées avec Elvira de Hidalgo, cantatrice espagnole qui fut son professeur de chant à Athènes et plus tard sa confidente. Sa véritable carrière commence le 2 août 1947, avec "La Gioconda" de Ponchielli dirigée par le chef Tullio Serafin dans les arènes de Vérone. Le film revient sur le fameux scandale de son annulation au 2e acte de Norma, le 2 janvier 1958. Devant un Opéra de Rome complet et en présence du président de la République italienne Giovanni Gronchi. On voit très peu Giovanni Battista Meneghini, son aîné de 27 ans qui fut pour elle un véritable Pygmalion et son époux. Et encore moins Luchini Visconti qui la transforma et qui ne fait qu’une furtive apparition.
Lors d’une croisière sur le yacht luxueux le Christina, la commère d’Hollywood Elsa Maxwell lui fait rencontrer un richissime armateur grec. Après neuf ans de relation, Callas apprend dans les journaux qu’Aristote Onassis s’est marié avec Jackie Kennedy en 1968. Fanny Ardant lit le courrier bouleversant qu’elle lui adresse et où apparaît sa grande douleur, elle lui a sacrifié une partie de sa carrière. Onassis meurt et elle se retrouve vraiment seule en compagnie des fidèles Feruccio et Bruna, son majordome et sa gouvernante, dans l’appartement de l’avenue Georges-Mandel. Attendant jusqu’à sa mort un appel de quelqu’un qui lui ferait reprendre le fil de sa carrière...







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