Photo courtoisie (c) Opéra de Monte-Carlo
Rarement joué depuis quelques temps (tout simplement par faute d'un vrai ténor héroïque digne de ce nom) le péplum de Camille Saint-Saëns ne finira jamais de fasciner.
On ne le dira jamais assez. L'ouvrage exige de grandes voix, des masses importantes, une grande rigueur musicale et une présentation qui doit éviter les pièges de la convention et du ridicule.
Un peu d'histoire pour commencer. 10 ans seront nécessaires pour composer cette monstrueuse partition. Il faudra attendre 15 ans, après sa création à Weimar, grâce à Liszt, en 1877, pour que l’œuvre, à l'origine un oratorio, soit enfin donnée sur la scène de l'Opéra de Paris. Pas mal d'obstacles donc sur la route du compositeur qui signe là son chef-d’œuvre dans le genre.
En wagnérien acharné, à une époque où les relations franco-allemandes sont assez tendues, Saint-Saëns n'y va pas par quatre chemins, utilise à bonne dose le leitmotiv, saupoudre sa musique riche et colorée de notes orientalistes, abandonne le découpage traditionnel, valorise la déclamation continue... pour donner in fine un opéra biblique ambigu et hybride qui met sournoisement mal à l'aise.
Sans parler du personnage sulfureux de Dalila qui se voit ici accordée une place bien plus importante que dans la Bible, devenant sous la plume du musicien une femme fatale, libre, puissante politiquement, symbole du mal, de la tentation, bref un danger pour l'époque!
Au Grimaldi Forum, le spectacle présenté par Jean-Louis Grinda (aidé par Agostino Arrivabene qui signe des décors et des costumes oniriques car les plus bruts, les plus sauvages qui soient, comme pour mieux nous renvoyer dans les meilleurs blockbusters hollywoodiens, entre "Conan le barbare" et "La guerre du feu") affiche une force peu commune.
Violence des rapports charnels, violence des rapports politiques, sensualité lourde et épaisse chez la protagoniste-séductrice qui contraste avec la hauteur spirituelle de son rival... Jean-Louis Grinda sait comme personne faire évoluer et s'entre-déchirer masse chorale et solistes, êtres de chair et de sang, tout en respectant le message, la grandeur biblique de l'ouvrage.
Jubilation non dissimulée de découvrir une nouvelle facette du directeur! Avec toujours cette utilisation intelligente des projections vidéos (pêché mignon de la maison) qui vous scotchent sur votre fauteuil.
En Samson, le letton Aleksandrs Antonenko projette haut et fort une voix ample, belle, mais à l'aigu pas toujours rayonnant. Oublions bien vite les si bémols fracassés car relevant d'une fatigue évidente, pour mieux souligner, l'émotion vraie, le jeu sans emphase ni gesticulations inutiles (merci Jean-Louis), d'un artiste à l'aise dans sa peau et sachant communiquer au public l'émotion et la joie du vrai théâtre lyrique.
Anita Rachvelishvili donne une image très subtile et calculée de la séductrice-manipulatrice. La voix cuivrée est d'un beau métal qui brille de tout son éclat. Fascinante prima donna.
Tous les seconds rôles ont par leurs qualités fait honneur au spectacle. Vieillard hébreu sans problèmes pour Nicolas Courjal, Philistins percutants et bien en place de Marc Larcher et Frédéric Caton, Satrape visqueux à souhait de Frédéric Diquero... et la centaine de choristes au top, sans bavures, qui se reçoivent comme un uppercut en pleine poitrine. Stefano Visconti peut être fier de son travail.
Reste le cas d'André Heyboer, catapulté dans une tessiture qui le met souvent mal à l'aise, à ce jour léger, trop léger pour un Grand Prêtre de Dagon (ici un moinillon), parfois cotonneux, sans vrai mordant, mais aux nobles intentions scéniques et dramatiques.
Dans la fosse, Kazuki Yamada, précis, dynamique, attentif, a su alléger, vivifier la solennité parfois un peu compassée de la partition de Saint-Saëns. Avec le ballet de l'Opéra de Shangai, la Bacchanale, voulue par Eugénie Andrin, lascive à souhait, tourbillonnante, retrouve son côté drôle dans son érotisme clinquant de pacotille, entre sacrifice rituel barbare, cours d'aérobic cher à Avinée et Vérola ou partouze frénétique chez des primates fanatiques... et c'est tant mieux!
On ne le dira jamais assez. L'ouvrage exige de grandes voix, des masses importantes, une grande rigueur musicale et une présentation qui doit éviter les pièges de la convention et du ridicule.
Un peu d'histoire pour commencer. 10 ans seront nécessaires pour composer cette monstrueuse partition. Il faudra attendre 15 ans, après sa création à Weimar, grâce à Liszt, en 1877, pour que l’œuvre, à l'origine un oratorio, soit enfin donnée sur la scène de l'Opéra de Paris. Pas mal d'obstacles donc sur la route du compositeur qui signe là son chef-d’œuvre dans le genre.
En wagnérien acharné, à une époque où les relations franco-allemandes sont assez tendues, Saint-Saëns n'y va pas par quatre chemins, utilise à bonne dose le leitmotiv, saupoudre sa musique riche et colorée de notes orientalistes, abandonne le découpage traditionnel, valorise la déclamation continue... pour donner in fine un opéra biblique ambigu et hybride qui met sournoisement mal à l'aise.
Sans parler du personnage sulfureux de Dalila qui se voit ici accordée une place bien plus importante que dans la Bible, devenant sous la plume du musicien une femme fatale, libre, puissante politiquement, symbole du mal, de la tentation, bref un danger pour l'époque!
Au Grimaldi Forum, le spectacle présenté par Jean-Louis Grinda (aidé par Agostino Arrivabene qui signe des décors et des costumes oniriques car les plus bruts, les plus sauvages qui soient, comme pour mieux nous renvoyer dans les meilleurs blockbusters hollywoodiens, entre "Conan le barbare" et "La guerre du feu") affiche une force peu commune.
Violence des rapports charnels, violence des rapports politiques, sensualité lourde et épaisse chez la protagoniste-séductrice qui contraste avec la hauteur spirituelle de son rival... Jean-Louis Grinda sait comme personne faire évoluer et s'entre-déchirer masse chorale et solistes, êtres de chair et de sang, tout en respectant le message, la grandeur biblique de l'ouvrage.
Jubilation non dissimulée de découvrir une nouvelle facette du directeur! Avec toujours cette utilisation intelligente des projections vidéos (pêché mignon de la maison) qui vous scotchent sur votre fauteuil.
En Samson, le letton Aleksandrs Antonenko projette haut et fort une voix ample, belle, mais à l'aigu pas toujours rayonnant. Oublions bien vite les si bémols fracassés car relevant d'une fatigue évidente, pour mieux souligner, l'émotion vraie, le jeu sans emphase ni gesticulations inutiles (merci Jean-Louis), d'un artiste à l'aise dans sa peau et sachant communiquer au public l'émotion et la joie du vrai théâtre lyrique.
Anita Rachvelishvili donne une image très subtile et calculée de la séductrice-manipulatrice. La voix cuivrée est d'un beau métal qui brille de tout son éclat. Fascinante prima donna.
Tous les seconds rôles ont par leurs qualités fait honneur au spectacle. Vieillard hébreu sans problèmes pour Nicolas Courjal, Philistins percutants et bien en place de Marc Larcher et Frédéric Caton, Satrape visqueux à souhait de Frédéric Diquero... et la centaine de choristes au top, sans bavures, qui se reçoivent comme un uppercut en pleine poitrine. Stefano Visconti peut être fier de son travail.
Reste le cas d'André Heyboer, catapulté dans une tessiture qui le met souvent mal à l'aise, à ce jour léger, trop léger pour un Grand Prêtre de Dagon (ici un moinillon), parfois cotonneux, sans vrai mordant, mais aux nobles intentions scéniques et dramatiques.
Dans la fosse, Kazuki Yamada, précis, dynamique, attentif, a su alléger, vivifier la solennité parfois un peu compassée de la partition de Saint-Saëns. Avec le ballet de l'Opéra de Shangai, la Bacchanale, voulue par Eugénie Andrin, lascive à souhait, tourbillonnante, retrouve son côté drôle dans son érotisme clinquant de pacotille, entre sacrifice rituel barbare, cours d'aérobic cher à Avinée et Vérola ou partouze frénétique chez des primates fanatiques... et c'est tant mieux!