La région du Nord-Cameroun. Image du domaine public.
1,7 millions de personnes exposées au risque d'insécurité alimentaire au Cameroun. Ce chiffre publié par les Nations Unies l’année dernière a de quoi interpeller, tant la situation humanitaire dans le nord du pays s’est brutalement dégradée depuis un an avec l'afflux de réfugiés et de déplacés fuyant les exactions de la secte islamiste Boko Haram. Et même si le chiffre avancé par l’ONU concerne en partie la région de l’Est qui accueille des réfugiés centrafricains, cette donnée indique à suffisance l’immensité du défi humanitaire qui interpelle le Cameroun dans la partie septentrionale de son territoire.
Dans les zones de recasement, les conditions de vie sont plus que précaires, et l’exposition aux maladies comme à la famine relève de l’évidence. "Il est indispensable d’agir pour préserver la dignité des populations réfugiées et déplacées internes, protéger les enfants contre les risques d’exploitation et de violences et notamment les violence basées sur le genre, prévenir les abus et la séparation familiale, renforcer les capacités de résilience, contenir les risques d’exploitation, surtout des femmes et des enfants, et créer pour elles des conditions minimales d’un épanouissement socioéconomique dans leur environnement d’accueil", plaidait le haut commissariat pour les réfugiés il y a quelques semaines, alors que les visites de terrains mettaient en exergue l’imminence d’une crise humanitaire majeure.
Près de 125.000 Nigérians fuyant les massacres, ont été accueillis au camp de Minawao mis en place dans l’urgence par le HCR. Mais ici, les difficultés sont nombreuses comme le souligne une note de l’Union européenne: "La situation dans le camp est critique suite à l'apparition de l'épidémie de choléra et à des niveaux de malnutrition aigus qui dépassent les seuils d'urgence. Le nombre de forages fournissant de l'eau potable est insuffisant. La fourniture d'hébergements, de produits non alimentaires et de soins de santé doit également être améliorée", s’inquiète cet organisme en fin d’année dernière.
Dans les zones de recasement, les conditions de vie sont plus que précaires, et l’exposition aux maladies comme à la famine relève de l’évidence. "Il est indispensable d’agir pour préserver la dignité des populations réfugiées et déplacées internes, protéger les enfants contre les risques d’exploitation et de violences et notamment les violence basées sur le genre, prévenir les abus et la séparation familiale, renforcer les capacités de résilience, contenir les risques d’exploitation, surtout des femmes et des enfants, et créer pour elles des conditions minimales d’un épanouissement socioéconomique dans leur environnement d’accueil", plaidait le haut commissariat pour les réfugiés il y a quelques semaines, alors que les visites de terrains mettaient en exergue l’imminence d’une crise humanitaire majeure.
Près de 125.000 Nigérians fuyant les massacres, ont été accueillis au camp de Minawao mis en place dans l’urgence par le HCR. Mais ici, les difficultés sont nombreuses comme le souligne une note de l’Union européenne: "La situation dans le camp est critique suite à l'apparition de l'épidémie de choléra et à des niveaux de malnutrition aigus qui dépassent les seuils d'urgence. Le nombre de forages fournissant de l'eau potable est insuffisant. La fourniture d'hébergements, de produits non alimentaires et de soins de santé doit également être améliorée", s’inquiète cet organisme en fin d’année dernière.
Déficit céréalier de 132.000 tonnes
La situation des déplacés internes est tout aussi grave, car les villages camerounais frontaliers de l’État du Borno (Nigeria) se sont vidées des populations fuyant les combats, certaines localités ayant été rayées de la carte par la furie des combattants de le secte. Selon les dernières statistiques, on dénombre 51.200 déplacés dans le département du Logone et Chari, environ 7.300 dans le Mayo Sava, et près de 27.000 dans le Mayo Tsanaga. La réalité est bien supérieure, commente un élu local, selon qui le nombre de déplacés internes pourrait atteindre 200.000 personnes. Une situation qui, explique-t-il, entraine une déstructuration de la société. Car ces milliers de personnes qui vivaient de l’agriculture et de l’élevage ont dû tout abandonner derrière elles, et vivent désormais dans un environnement inhabituel, sans revenus ni perspective de sédentarisation. "La première conséquence immédiate, c’est qu’elles seront rapidement confrontées à la famine. La région de l’Extrême-Nord a enregistré pour cette année, un déficit céréalier de plus de 132.000 tonnes pour des besoins estimés à 770.000 tonnes. Il faudrait donc rapidement combler ce gap par une distribution d’aide alimentaire", explique Guibaï Gatama, Directeur de publication de l’hebdomadaire l’Œil du Sahel.
Un des secteurs sociaux les plus perturbés par cette détérioration de la situation humanitaire est celui de l’éducation. On dénombre déjà quelque 170 établissements scolaires fermés, soit près de la moitié des structures éducatives de ces zones. Globalement, sur un effectif de 166.283 élèves inscrits dans 332 établissements secondaires de la région, 56.501 sont touchés par l’insécurité dont 11.266 élèves dans le Logone et Chari, 13.314 dans le Mayo-Sava et 31.921 élèves dans le Mayo-Tsanaga. Dans les zones qui ne sont pas affectées par les conflits, les écoles sont également fermées, parce qu’elles sont devenues des centres d’accueil pour réfugiés et déplacés.
Si la solidarité africaine et la création des camps de réfugiés permettent de gérer momentanément ces populations en détresse, leur installation durable dans certaines zones est souvent source de difficultés. L’arrivée des réfugiés et de déplacés met la pression sur les ressources locales, notamment les vivres, l’eau, le pâturage et même l’espace. D’autres problèmes sont liés à la cohabitation entre les communautés au cultures différentes. "Les cultures n’étant pas les mêmes, des tensions naissent sur la façon d’enterrer les personnes, l’habitude des réfugiés de déféquer dans la nature, le non-respect des autorités traditionnelles autochtones. Il est donc souhaitable de faire un travail de construction du dialogue interculturel pour combattre chez les autochtones l’idée selon laquelle ils "subissent" la présence des réfugiés", explique Achille Valery Mengo, diplômé de l’institut des relations internationales du Cameroun.
Un des secteurs sociaux les plus perturbés par cette détérioration de la situation humanitaire est celui de l’éducation. On dénombre déjà quelque 170 établissements scolaires fermés, soit près de la moitié des structures éducatives de ces zones. Globalement, sur un effectif de 166.283 élèves inscrits dans 332 établissements secondaires de la région, 56.501 sont touchés par l’insécurité dont 11.266 élèves dans le Logone et Chari, 13.314 dans le Mayo-Sava et 31.921 élèves dans le Mayo-Tsanaga. Dans les zones qui ne sont pas affectées par les conflits, les écoles sont également fermées, parce qu’elles sont devenues des centres d’accueil pour réfugiés et déplacés.
Si la solidarité africaine et la création des camps de réfugiés permettent de gérer momentanément ces populations en détresse, leur installation durable dans certaines zones est souvent source de difficultés. L’arrivée des réfugiés et de déplacés met la pression sur les ressources locales, notamment les vivres, l’eau, le pâturage et même l’espace. D’autres problèmes sont liés à la cohabitation entre les communautés au cultures différentes. "Les cultures n’étant pas les mêmes, des tensions naissent sur la façon d’enterrer les personnes, l’habitude des réfugiés de déféquer dans la nature, le non-respect des autorités traditionnelles autochtones. Il est donc souhaitable de faire un travail de construction du dialogue interculturel pour combattre chez les autochtones l’idée selon laquelle ils "subissent" la présence des réfugiés", explique Achille Valery Mengo, diplômé de l’institut des relations internationales du Cameroun.
Témoignage de Guibai Gatama, Directeur de Publication de l’Œil du Sahel
170 écoles ont déjà fermé dans les zones de combat. Directeur d’une des publications les plus renseignées sur la guerre, et originaire du Mayo Tsanaga, un des départements régulièrement attaquée par Boko Haram, le journaliste revient ici sur le drame humanitaire des réfugiés et déplacés internes.
Quelle est la situation humanitaire dans les zones de conflit?
Il faut déjà savoir que le conflit affecte principalement trois départements de la région de l’Extrême-Nord, à savoir le Mayo-Tsanaga, le Mayo-Sava et le Logone et Chari. Ces unités administratives souffrent de leur voisinage avec l’État de Borno au Nigeria où la secte islamiste Boko Haram est particulièrement active. Elles ont accueilli dans un premier temps, les milliers de Nigérians qui fuyaient les exactions de la secte et qui se sont installés dans les villages frontaliers. Puis, à partir de février 2014, lorsque les premières infiltrations de la secte au Cameroun ont commencé à semer la désolation parmi les réfugiés et les populations installées à la frontière, on a enregistré un double mouvement vers l’intérieur du pays. D’abord, les réfugiés nigérians ont poursuivi leur progression plus en profondeur et puis, les populations camerounaises ont été contraintes d’abandonner leurs villages. Ce mouvement, qui se poursuit d’ailleurs aujourd’hui, a donné lieu à une crise humanitaire sans précédent pour le Cameroun. Les villages camerounais frontaliers de l’État du Borno se sont vidés quand ils n’ont tout simplement pas été rasés par les combattants de la secte. Il y a donc dans cette partie du Cameroun, une déstructuration de la société, des milliers de personnes abandonnées à elles-mêmes.
Quels sont les secteurs sociaux les plus touchés?
Tous les secteurs de la vie sont touchés d’autant plus que la région de l’Extrême-Nord, épicentre du conflit avec Boko Haram, a toujours été la plus pauvre du pays, celle qui concentre les mauvais indicateurs dans tous les domaines sociaux. Dans ces conditions, la moindre petite perturbation sur le tissu social a un dangereux effet multiplicateur. Entre 100 et 150.000 personnes qui vivaient essentiellement de l’agriculture, de l’élevage ou du petit commerce ont fui leurs villages abandonnant tout derrière elles quand Boko Haram n’avait pas tout simplement brûlé les récoltes ou emporté le bétail. Donc, elles se retrouvent aujourd’hui sans revenus, sans perspectives. La première conséquence immédiate, c’est qu’elles seront rapidement confrontées à la famine. La région de l’Extrême-Nord a enregistré pour cette année, un déficit céréalier de plus de 132.000 tonnes pour des besoins estimés à 770.000 tonnes. Il faudrait donc rapidement combler ce gap par une distribution d’aide alimentaire. Privés de revenus, les réfugiés et les déplacés intérieurs ne peuvent même pas faire face au marché où les prix grimpent sans cesse du fait de la rareté des produits. On va donc droit au mur.
Le second secteur sérieusement touché me semble être celui de l’éducation. A ce jour, ce sont quelque 170 établissements scolaires qui ont été fermés. Tantôt à cause de l’insécurité, tantôt parce qu’ils abritent des réfugiés… Globalement, sur un effectif de 166.283 élèves inscrits dans 332 établissements secondaires de la région, 56.501 sont touchés par l’insécurité dont 11.266 élèves dans le Logone et Chari, 13.314 dans le Mayo-Sava et 31.921 élèves dans le Mayo-Tsanaga.
Comment s’organisent les populations pour y faire face?
Il y a bien sûr la solidarité africaine d’autant plus qu’ici et là, il s’agit parfois des mêmes peuples qui vivent de part et d’autres de la frontière. Toutefois, celle-ci montre ses limites en raison de la gravité de la situation. L’économie locale qui dépend pour l’essentiel des échanges avec le Nigeria tourne aujourd’hui au ralenti, et donc ne génère plus de revenus. Cette situation aggrave la pauvreté, et nourri le désespoir. Sans aide extérieur, personne ne peut dire de quoi demain sera fait dans la région de l’Extrême-Nord.
Quelle est la situation humanitaire dans les zones de conflit?
Il faut déjà savoir que le conflit affecte principalement trois départements de la région de l’Extrême-Nord, à savoir le Mayo-Tsanaga, le Mayo-Sava et le Logone et Chari. Ces unités administratives souffrent de leur voisinage avec l’État de Borno au Nigeria où la secte islamiste Boko Haram est particulièrement active. Elles ont accueilli dans un premier temps, les milliers de Nigérians qui fuyaient les exactions de la secte et qui se sont installés dans les villages frontaliers. Puis, à partir de février 2014, lorsque les premières infiltrations de la secte au Cameroun ont commencé à semer la désolation parmi les réfugiés et les populations installées à la frontière, on a enregistré un double mouvement vers l’intérieur du pays. D’abord, les réfugiés nigérians ont poursuivi leur progression plus en profondeur et puis, les populations camerounaises ont été contraintes d’abandonner leurs villages. Ce mouvement, qui se poursuit d’ailleurs aujourd’hui, a donné lieu à une crise humanitaire sans précédent pour le Cameroun. Les villages camerounais frontaliers de l’État du Borno se sont vidés quand ils n’ont tout simplement pas été rasés par les combattants de la secte. Il y a donc dans cette partie du Cameroun, une déstructuration de la société, des milliers de personnes abandonnées à elles-mêmes.
Quels sont les secteurs sociaux les plus touchés?
Tous les secteurs de la vie sont touchés d’autant plus que la région de l’Extrême-Nord, épicentre du conflit avec Boko Haram, a toujours été la plus pauvre du pays, celle qui concentre les mauvais indicateurs dans tous les domaines sociaux. Dans ces conditions, la moindre petite perturbation sur le tissu social a un dangereux effet multiplicateur. Entre 100 et 150.000 personnes qui vivaient essentiellement de l’agriculture, de l’élevage ou du petit commerce ont fui leurs villages abandonnant tout derrière elles quand Boko Haram n’avait pas tout simplement brûlé les récoltes ou emporté le bétail. Donc, elles se retrouvent aujourd’hui sans revenus, sans perspectives. La première conséquence immédiate, c’est qu’elles seront rapidement confrontées à la famine. La région de l’Extrême-Nord a enregistré pour cette année, un déficit céréalier de plus de 132.000 tonnes pour des besoins estimés à 770.000 tonnes. Il faudrait donc rapidement combler ce gap par une distribution d’aide alimentaire. Privés de revenus, les réfugiés et les déplacés intérieurs ne peuvent même pas faire face au marché où les prix grimpent sans cesse du fait de la rareté des produits. On va donc droit au mur.
Le second secteur sérieusement touché me semble être celui de l’éducation. A ce jour, ce sont quelque 170 établissements scolaires qui ont été fermés. Tantôt à cause de l’insécurité, tantôt parce qu’ils abritent des réfugiés… Globalement, sur un effectif de 166.283 élèves inscrits dans 332 établissements secondaires de la région, 56.501 sont touchés par l’insécurité dont 11.266 élèves dans le Logone et Chari, 13.314 dans le Mayo-Sava et 31.921 élèves dans le Mayo-Tsanaga.
Comment s’organisent les populations pour y faire face?
Il y a bien sûr la solidarité africaine d’autant plus qu’ici et là, il s’agit parfois des mêmes peuples qui vivent de part et d’autres de la frontière. Toutefois, celle-ci montre ses limites en raison de la gravité de la situation. L’économie locale qui dépend pour l’essentiel des échanges avec le Nigeria tourne aujourd’hui au ralenti, et donc ne génère plus de revenus. Cette situation aggrave la pauvreté, et nourri le désespoir. Sans aide extérieur, personne ne peut dire de quoi demain sera fait dans la région de l’Extrême-Nord.