RDC-CPI: Bosco Ntaganda plaide non coupable, les victimes de viols crient à une insulte de plus


Par Rédigé le 28/03/2013 (dernière modification le 28/03/2013)

En sa première audience devant la Cour Pénale Internationale à la Hale, Bosco Ntaganda plaide non coupable des crimes de viols et mutilations sexuelles constitutifs de crimes contre l’humanité; meurtres, assassinats et enrôlements forcés des enfants dans les groupes et bandes armées en Ituri qualifiés des crimes de guerres. Ntaganda ne se reproche de rien, ce qui constitue une insulte de plus pour ses victimes.


La CPI piégée?

Le Général Bosco Ntaganda (lunettes noires) lors de la fin d'une bataille avec les troupes de FPC en Ituri, Nord Est RDC. (c) DR

cpi_ntaganda.mp3  (325.71 Ko)

Des millions de femmes vivant dans les quatre coins du Congo attendent de la condamnation de Bosco Ntaganda dit "le terminator", une première vraie réparation des crimes commis à l’Est de la RDC.
De cause à effet, la CPI a des mains sous la planche. Le procureur Fatou Bensouda - qui a trouvé ce dossier en cours de son exécution avec des enquêtes préliminaires entamées par son prédécesseur l’Argentin Louis Moreno Ocampo - devra, de manière convaincante, prouver aux victimes de Ntaganda que c’est bien une femme qui décidera d’une affaire pour laquelle les femmes ont trop pleuré en RDC.
Après avoir disculpé Mathieu Ngundjolo Chui, le numéro deux du FPC de l’Ituri, et condamné à seulement 14 ans Thomas Lubanga, le numéro un, la CPI risque de s’être piégée face au numéro trois Bosco Ntaganda qui se dit simple exécutant et instruit à ses avocats de demander une liberté provisoire en plaidant non coupable.
La justice internationale devra faire un choix entre d'exercer le droit ou résoudre un problème social qui n’a que trop duré.
La libération de Chui Ngundjolo, vers la fin de l’année dernière, avait été mal perçue par l’opinion publique congolaise qui aurait juré que le numéro 2 agissait au nom de la solidarité gouvernementale. Le FPC (Front Patriotique Congolais) considéré comme groupe de malfaiteurs devait voir tous ses animateurs condamnés. Mais quand le numéro 2 est blanchi au mobile de la responsabilité directe des décisions prises, que dire du numéro 3 et de la suite?
Les premières indiscrétions proches de Kigali - qui a joué un rôle majeur dans la reddition de cet ancien Bouchet de l’Ituri - parlent d’un non-lieu de l’affaire Ntaganda devant la justice internationale. Ces mobiles auraient mêmes été utilisés dans les manœuvres menant à Convaincre "le terminator" à pouvoir se rendre de lui-même.

Les femmes violées veulent la justice

Une victime de viol, ayant perdue toute dignité humaine, cachant son visage. Photo (c) BS
La reddition la semaine dernière de Bosco Ntaganda, chef rebelle et principal cause de la mutinerie du Mouvement du 23 Mars (M23), son exil momentané à l’ambassade des États-Unies à Kigali - mais aussi les échanges des tirs entre fractions rivales du M23 pro ntagandistes et makengistes vers la frontière rwando-congolaise au Nord Kivu - ont été jusqu’ici qualifiés de mascarade des politiques par les Congolais et Congolaises, victimes des méfaits de cette guerre pour laquelle Bosco Ntaganda a été un vrai rouleau compresseur.
Les femmes congolaises ouvrent bien leurs yeux et regardent d’un bon œil la CPI et à travers elle, toute la communauté internationale.
Mina, que nous désignons par un pseudonyme, est une jeune fille de 22 ans, victime d’un viol massif en 2005 à Bukavu par 16 mutins dirigés par Laurent Nkunda et Jules Mutebusi. Elle n’avait que 14 ans au moment du viol. Elle nous confie ceci à la première audience de Bosco Ntaganda: "C'est triste de voir comment ces violeurs n’ont même pas de conscience ni de cœur". Pour elle, Bosco Ntaganda vient de remuer la plaie de son viol macabre en se disant innocent. Elle poursuit en disant que la Cour Pénale Internationale signera son arrêt de mort si jamais Bosco s’en sortait indemne...

Pour les femmes de l’Est, le Général Ntaganda est le premier d’une longue liste. La sanction qui lui sera infligée pourra soulager - tant soit peu les douleurs des victimes - de nombreuses autres femmes qui voient les auteurs de leurs viols se cacher derrière le fait que la CPI été absente lors de la commission des actes.
"Nous voudrons bien qu’un jour les responsables du massacre de Kasika ayant enterré les femmes vivantes soient jugés, le massacre de Makobola, de Gatumba au Burundi ou encore tous les viols, pillages et tueries enregistrés à l’entrée de l’AFDL en 1996, du RDC en 1998 ou même les dernières exactions commis à Goma avec la prise de la ville par les M-23 récemment", dit Élodie Ntamuzinda, Présidente de la Société Civile du Sud Kivu à Bukavu.

Le procès de toutes les vérités

Bosco Ntaganda à Kanyaruchinya, Kutshuru, Nord Kivu. (c) DR
A l’instar du procès de Jean-Pierre Bemba, l’affaire Ntaganda attirera l’attention de plus d’un. Dans l’éventualité de pouvoir sauver sa peau, Bosco Ntaganda pourra jouer la carte qui lui évite de mourir seul.
Or, il sera jugé pour des crimes commis en 2000 avec le FPC en Ituri dans la province Orientale; d’aucun n’ignore qu’à l’issue du brassage et mixage des Forces Armées de la République Démocratique du Congo et différentes forces négatives et groupes armés, le nouveau locataire des cellules de la CPI est remercié par le régime de Kinshasa d’un grade de Général Major et est nommé commandant second des opérations Armani Léo et Kimya II pour traquer les FDLR dans le Nord Kivu. Il n’entrera dans son placard que quand les bruits sur son mandat d’arrêt international feront la une.
Il sera longtemps protégé par le régime de Kinshasa avant que ce dernier ne le lâche sur fond de pression. Au tour de Kigali de le récupérer et le renvoyer au Congo sous le label M-23. La RDC étant un "all men’s land", Bosco Ntaganda est le prototype de mercenaire qui a pratiquement servi tout le monde. De Kinshasa à Kigali, les crimes pourront facilement avoir comme commanditaires des personnes de la calibre d’un Paul Kagame ou d'un Joseph Kabila en leur qualité de commandant suprême des armées rwandaises et congolaises.
Soulignons enfin qu’en juin 2002, le Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (UNIFEM, aujourd’hui ONU Femmes) publie un rapport intitulé "Gender Profile of the Conflict in the Democratic Republic of the Congo", concernant les conséquences du conflit congolais sur les femmes. Selon cette organisation, les soldats de l’armée nationale congolaise, soldats rwandais, combattants des groupes rebelles, combattants Maï-Maï, groupes rebelles rwandais, burundais..., ont tous eu massivement recours au viol et aux tortures sexuelles envers femmes et enfants.

En mars 2009, Human Right Watch (HRW) publiait un rapport sur les violences sexuelles en RDC. Le rapport, intitulé "La guerre dans la guerre", dénonce la guerre parallèle que mènent les parties impliquées au conflit: celle de la violence sexuelle contre les femmes et filles. Dans ce rapport le cas de Bosco Ntaganda, de Laurent Nkunda et de beaucoup d’autres chefs de guerre sont cités pour avoir utilisé le viol comme arme de guerre.
Fort conscient des enjeux de l’issue de ce procès à La Haye, l’adjointe du Secrétaire Général et Envoyée spéciale du Secrétaire général des Nations unies en charge des violences sexuelles en zones de conflits, Madame Zeinab Awa Bangoura, qui a séjourné à l’est de la RDC et à Kinshasa, a mis en garde tous les fauteurs en eaux troubles, les groupes armés et bandes armées qu’elle dit pouvoir éradiquer pour mettre réellement fin aux viols et violences sexuelles en RDC. "Bosco Ntaganda n’est qu’un début, plusieurs autres seigneurs de guerre devront suivre".





Autres articles dans la même rubrique ou dossier: