Probablement les Bahamas

La chronique culturelle de Colette


Par Rédigé le 25/01/2018 (dernière modification le 25/01/2018)

C'est le titre assez mystérieux d'une pièce de l’Anglais Martin Crimp, "Definitely The Bahamas", écrite pour la radio en 1987, alors que son auteur avait dépassé de peu les trente ans. Traduite par Danielle Merahi, elle a été présentée jusqu'au 18 janvier 2018 à l’Artistic Théâtre dans le XIe arrondissement de Paris.


Chronique culturelle 250118.mp3  (1.37 Mo)

Après plusieurs transformations, cette vieille salle du XIXe siècle, située dans un quartier populaire de Paris, est devenue un théâtre en 1980, les Athévains. Et depuis 2016, elle poursuit son existence sous le nom d’Artistic Théâtre. La maîtresse des lieux en est depuis une bonne trentaine d'années Anne-Marie Lazarini, elle y officie comme metteur en scène et a fait connaître à un public, souvent constitué d’habitués, de grands textes classiques peu connus et de nombreux écrivains contemporains. Ce qui ne l’a pas empêchée de présenter ces dernières années un délirant "Chat en poche" de Feydeau...

La pièce "Probablement les Bahamas", fut d’abord jouée en 2008 à Toulouse dans le cadre du Festival d’Automne. Relativement courte, elle dure un peu plus d’une heure. Pas de paysage tropical ou de plages paradisiaques comme pourrait le suggérer le titre, mais un pavillon confortable du sud de l’Angleterre où un couple de retraités de la classe moyenne, Milly et Franck, coulent des jours semble-t-il paisibles.
Installés dans leur salon, ils font face à un homme assis dans un fauteuil, lequel tourne le dos au public et on ne voit jamais son visage. Il écoute imperturbable le flot de banalités, de redites ponctuées de "hein Franck" que débite Milly, excellemment interprétée par Catherine Salviat, sociétaire honoraire de la Comédie-Française. ils étalent une vie qu’ils jugent agréable et expriment la fierté que leur inspirent leur fils Michael et leur belle-fille. Le mari risque quelques réflexions, en particulier à propos d'un voyage que des connaissances auraient effectué aux Bahamas à moins que ce ne fût aux Canaries....

L'action se déroule dans le décor original de Dominique Bourde et François Cabanat, codirecteurs avec Anne-Marie Lazarini de l’Artistic Théâtre. Il représente le rez-de-chaussée du cottage, cuisine, séjour, deux chambres et une salle de bains. Pour Elisabeth Angel-Perez, professeur de littérature anglaise à l’université de Paris-Sorbonne, qui s’est exprimée à propos de la pièce de Martin Crimp "Un brin ridicule mais presque attendrissant au premier abord, le couple de quinquagénaires que forment Milly et Frank semble d'entrée de jeu bénéficier de la plume bienveillante de Crimp: cruelle illusion, car c'est bien sous le couvert de leur apparente candeur et de leur petites chamailleries anodines que se révèle le vrai visage du fascisme domestique".

Tout serait parfait s’il n’y avait chez eux Marijka, une jeune Hollandaise au pair, elle écoute "une musique de sourds" selon Milly, on lui téléphone beaucoup. Elle semble menacer la tranquillité de ce logis. Elle la menacera encore plus par un bref monologue dit d’une façon monocorde qui nous apprend que le fils Michael n’est pas aussi parfait que le croient ses parents… Le spectacle se termine vraiment lorsque le rideau se ferme et que la façade d’un coquet pavillon y est projetée. On a alors l’impression que Milly et Franck sont irrémédiablement enfermés dans leur univers fait de satisfaction dérisoire et de crainte devant le monde extérieur. 







Autres articles dans la même rubrique ou dossier: