Nouveaute discographique: Norma de Bellini chez Decca


Par Rédigé le 13/06/2013 (dernière modification le 13/06/2013)

Du bel canto sur instruments anciens ou quand la Bartoli se prend pour Norma et y laisse quelques plumes...


extrait_Norma.mp3  (114.31 Ko)

Cecilia Bartoli? On l’adore ou on la voue aux Gémonies. On apprécie ou pas sa voix ultra-light, sa médiatisation intelligente, ses prises de position musicologiques irritantes parfois mais fascinantes toujours car d’un intérêt certain, sa simplicité, son avide curiosité et sa bonhomie qui vous feraient prendre des vessies pour des lanternes.
En s’attaquant à Norma, une chose est sûre. Elle ne cherche en aucun cas à vraiment rivaliser avec ses illustres consœurs présentes ou passées ou jouer dans la cour des Grandes. Voulant apporter sa touche personnelle et ses idées sur le rôle et l’œuvre, parfaitement consciente de son gabarit vocal, de ses possibilités dramatiques, la diva romaine a donc choisi de s’installer dans un confortable à peu-près qui va irriter ou séduire par son côté roublard mais toujours professionnel et sincère.

La volcanique Cecilia a donc choisi de revenir aux sources de cet opéra, avec orchestre sur instruments anciens, tonalité d’origine (soit un bon demi ton plus bas mais on sait qu’à l’époque le diapason était chose toute relative d’un théâtre à l’autre) et partenaires un bon cran au-dessous des normes habituelles. Imiter la Pasta? Soit, mais sur quelle base historique? Même si la réhabilitation de quelques pages ou ornementations transposées peuvent se comprendre dans le désir d’une restauration de la partition originale, tout cela sent la tambouille et l’arrangement entre amis. Il faut donc se décrasser les oreilles avant d’ouvrir le luxueux coffret, laisser au vestiaire ses références discographiques ou scéniques, oublier les tripatouillages de studio et entrer dans le jeu.
L’ouverture sonne plutôt très bien sous la baguette de Giovanni Antonini à la tête de l’Orchestra La Scintilla. Un drapé tragique de bon aloi, l’entrée de l’International Chamber Vocalists et du solide, monolithique, Oroveso de Michele Pertusi achevant de nous séduire.
John Osborne, musical en diable, fait d’emblée penser à un centurion de seconde classe courant la pucelle gauloise. Voilà un Proconsul romain au mollet léger qui flotte dans sa cuirasse. A vous de deviner qui est qui dans le court duo avec Flavio…
Arrive enfin, sur l’une des plus belles marches enregistrées ce jour, celle pour qui on a monté l’originale entreprise: Cecilia. Pas Sarkozy, la nôtre. "Sediziose voci, voci di guerra" manque d’un brin d’autorité, on dirait une institutrice faisant la morale à sa classe qui pâlit du simple poids vocal de son Père et des percutantes interventions du chœur. Casta Diva, suprêmement étudié, pensé, réfléchi, murmuré, distille un chapelet de notes toutes plus agréables les unes que les autres, s’écoute comme une berceuse, une romance à l’étoile plus qu’une invocation à la lune mais force la sympathie dans le genre exercice de style, leçon de chant calculée. C’est aérien, les vocalises sont d’une souplesse étonnante, la coloration aisée, la musicalité certaine, d’une folie décorative ébouriffante!
L’Adalgisa de Sumi Jo (qui se prend donc pour La Grisi, créatrice ne l’oublions pas d’Elvira des Puritani) va dans son sens. Évanescente, chantant sur des œufs, on cherche en vain l’abattage que savait y mettre une Caballé sur le tard… Là encore, c’est joli, décoratif, un rien soporifique. Le théâtre est ailleurs, les soubresauts à l’orchestre ne changeront rien. Toutes voiles dehors, le trio final endiablé pourra même séduire dans sa nouveauté. On devait quand même s’ennuyer un peu à la création. O tempora, O mores!
Tout l’acte II est de la même eau. Gentil, aseptisé, dévitaminé, orchestre et chœur certes plus que mieux, Adalgise et Norma discutant, en bonnes soubrettes, autour d’une tasse de thé, Polione ne pouvant guère montrer sa quinte aigüe. Si l’incandescente montée au bûcher purificateur garde son pouvoir émotionnel ce sera encore une fois grâce au compositeur mais aussi à la ferveur retrouvée chez les artistes, le temps d’un éclair.
En conclusion, une expérience belcantiste de plus pour notre Cecilia, un produit original de luxe qui se vendra sans gloire mais pas sans honneur pour son approche sympathique et la bonne volonté de ses protagonistes.
Nous retournerons sans honte à un certain spectacle scaligère de 1955…

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