Norma en play-back à l'Opéra de Monte-Carlo


Par Rédigé le 22/02/2016 (dernière modification le 21/02/2016)

Cécila Bartoli désacralise le rôle des rôles belcantiste.


Une Norma néo-réaliste qui vous happe et ne vous lâche plus

Photo courtoisie (c) Alain Hanel-OMC 2016

Norma Bartoli.mp3  (50.61 Ko)

Norma, prêtresse gauloise transposée dans une sorte de "Rome ville ouverte" avec accents alla Magnani, comme autant de clins d’œil, fallait oser!
Patrice Caurier et Moshé Leiser ont superbement relevé le défi et rarement le drame sentimental de la druidesse envers son occupant romain n'aura bouleversé à ce point. Voici trois ans, à Salzbourg, le spectacle avait un tantinet divisé modernes et classiques pour une petite bataille d'Hernani de haut vol.
Ici, sur la scène de Garnier, les images néo-réalistes, en de longs plans-séquences, s'enchaînent sans un temps morts.
Fini donc le péplum traditionnel et place à une histoire d'amour intemporelle de trahison, de sacrifice, comme il y en aura encore en ce temps qui sentent la poudre à canons. Pour une Norma chef de réseau de résistance qui finira tondue, humiliée, mais purifiée dans un brasier gigantesque par ses compagnons de maquis très à cheval sur les principes.
Présenter "Norma" aujourd'hui est une gageure. A la fois scénique et vocale. C'est, ne le cachons pas un ouvrage difficile. Non seulement pour les protagonistes, mais aussi pour la présentation scénique où les risques de pompiérisme sont innombrables, et, pour la musique, où la simplicité de Bellini n'est qu'apparente... Ces lits d'accords largement arpégés sont bien plus redoutables que les traits brillants ou les complexités spectaculaires d'un tissu orchestral réalisé dans l'optique du théâtrale.
Concoctée sur mesure, dans tous le sens du terme, pour la sympathique diva italo-helvétique, cette vision hors norme, décapante (décors et costumes de Christian Fenouillat et Agostino Cavalca), reste toutefois toujours respectueuse du livret, le tout baignant dans une économie dramaturgique de bon aloi qui laisse à la musique toute sa place sans jamais en contrarier le cours impétueux.
On connaissait bien l'approche de la belle Cecilia envers ce que certains considèrent comme l'opéra des opéras belcantistes. Son disque (et nous en étions) avait soulevé enthousiasme... mais aussi quelques réserves. Le confort des studios est une chose, la vie scénique en est une autre.
Dans l'écrin confortable de la bonbonnière monégasque, cette Norma moderne, révolutionnaire, vous happe et ne vous lâche plus. Amoureusement soutenue par Diego Fasolis à la tête des Barocchisti, la diva, culottée et ambitieuse, prend le contre-pied de la tradition bellinienne.
Telle une prêtresse descendue de son piédestal, avec retour obligé à la tonalité d'origine (sauf erreur de notre part un bon ton plus bas) Cecilia nous murmure à l'oreille ses honteuses confidences, ses remords, ses furies, ses jalousies d'une liaison coupable qui trouvera dans l'immolation finale la plus belle des transfigurations.
Pour mieux nous restituer une Norma fragile, humaine, désacralisée, un être de chair, de sang, un peu comme vous et moi, mais toujours d'une force dramatique superbe de drapé antique.
On a craint un instant que devant tant de conviction et de probité musicale (les graves se moirent des accents du lied et les la au-dessus de la portée assurés crânement) que ses partenaires pâtissent de cette écrasante présence.
Glissons vite sur un Pollione aussi chaleureux vocalement qu'une tranche napolitaine, pour mieux saluer la performance des deux Adalgise.
Aphone, malade, Rebeca Olvera mime sur scène son rôle. Côté cour, Eva Mei chante à sa place. Un play-back réussi. Son timbre se marie à merveille avec celui de Norma, la voix est très séduisante et le personnage chanté aux bords des larmes. Tour de force, l'artiste a appris en 48 heures la partition d'origine.
Orovese sans problème de Peter Kalman, seconds rôles bien en place, chœur de la Radio Télévision Suisse Italienne, personnage à part entière, percutant comme toujours.
L'autre bonne surprise de la soirée est venue sans doute de l'orchestre I Barocchisti, dirigé par Diego Fasolis.
Dès l'ouverture on est séduit par l'équilibre des tempos énergiques choisis par le chef, un parti pris dramatique qui ne se dément jamais et donne tout au long du spectacle une véritable réplique aux chanteurs.
La partition originale de Bellini, jouée ici sur instruments anciens, semble presque savante sous cette baguette avertie.







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