Comme toujours des documents inestimables et des distributions de haut vol
Jouez hautbois, résonnez musettes! Le trio gagnant du nouvel arrivage aux Éditions Montparnasse va, encore une fois, rendre heureux tous les amoureux de théâtre classique, le seul, le vrai, celui capté dans les années soixante et soixante-dix, celui confié aux bons soins de la Comédie-Française et ses acteurs, comme en état de grâce.
Avec "Domino" de Marcel Achard ("Au théâtre ce soir", 1967) on déguste une délicieuse dragée au poivre. Un jeu de l'amour et du hasard (monté à la création en 1937 par Jouvet himself) qui renouvelle astucieusement le traditionnel trio mari/femme/amant dans un cruel, amer ou tendre à la foi, chassé-croisé où le perdant n'est pas celui que l'on croyait au départ. Si, enfin, quand même un peu...
La réalisation de Pierre Sabbagh en noir et blanc cerne au mieux les joutes verbales de ce cynique et audacieux jeu de société réglé avec un goût exquis et décadent par Jean Meyer.
Voyez un peu. Incapable de faire taire la jalousie de son mari, Heller, Lorette invente un stratagème afin de dévier ses soupçons sur un autre homme, un inconnu. Le gagnant du casting sera Dominique/Domino, un ovni qui se définit dans cette contradiction, "J'ai trop d'énergie pour travailler".
Le ton est donné! Tous les ingrédients sont réunis pour se mélanger dans un grand bain le faux qui prend parfois les habits du vrai. Encore une fois, les masques tombés, l'amour triomphera... pas le médiocre.
En machiavélique figurant, faux puis réel amant de la belle Lorette (ici Geneviève Casile belle à damner tous les saints du Paradis, d'une classe, d'une race, d'une élégance folle, d'un chic parisien jamais égalé, avec en prime cette diction, cette musique d'eau de source claire et tranchante à la fois!), Jean Piat, aux mêmes dates Lagardère sur la même chaîne, crève littéralement l'écran: désinvolte, impertinent, insolent, saisi un instant par la débauche, révélé par l'amour. Une grande composition, comme l'étaient ses Cyrano, Dubois, Bois d'Enghien...
Quelle émotion également de retrouver les regrettés Georges Descrières en mari berné, pitoyable, Bernard Dhéran, Crémone pathétique, les délicieuses Françoise Kanel et Claire Vernet qui en trois attitudes, deux regards vous campent non pas des silhouettes mais des vrais personnages.
Jean-Claude Arnaud enfin, tire d'une manière sympathique vers les Raimu ou Fernandel son Crémone digne des meilleurs pagnolades.
Transposer "Les Fourberies de Scapin" dans le monde du cirque, il fallait le faire. Jacques Échantillon a osé en 1973! Et avec quel aplomb! Sans dénaturer un seul instant le propos du Maître des lieux. Chapeau bas aussi aux costumes de Pace et aux choix des extraits musicaux colorés qui collent si bien à l’œuvre. Un succès populaire mérité qui - sauf erreur de notre part - se maintiendra en tournée un peu partout sur l'Hexagone et ailleurs.
En vieux briscards des planches René Camoin et Georges Audoubert ne font qu'une bouchée dans une tornade délirante des ridicules Argante et Géronte, vieux grigous enfarinés avares et tyranniques.
Alain Pralon, cowboy justicier des chapiteaux semble sortir d'une bande dessinée, Lucky Luke/Tarzan acrobatique prompt à dégainer et rouler son monde dans la farine. Ce bel acteur tient la pièce avec un aplomb jouissif, s'amuse, s'en amuse. Ses mots et son corps sont l'ossature même de la pièce. Il innerve la comédie de ses répliques acerbes, de sa présence virevoltante et visqueuse.
Plaisir de découvrir André Dussolier (Octave) et son compère-complice bégayeur Francis Perrin (Silvestre) dans leur unique saison au Français. Un duo qui marche à merveille à coups de malices réglées. Bernard Alane, qui venait de quitter la troupe de Jacques Fabbri, fait lui aussi regretter son départ de la Maison. Voilà un Léandre drôle, lunatique, rêveur à souhait.
Le trio féminin pète de vie et d'espièglerie. Paule Noëlle, Claire Vernet et Virginie Pradal s'en donnent à cœur joie dans l'art de décaper ce pilier du répertoire aux rires faciles, un tantinet empesés, donné ici dans un scope couleur irrésistible de mouvement, de drôlerie et de spiritualité.
"Monsieur Teste" de Paul Valéry n'est pas à proprement parler une pièce de théâtre, plutôt un ensemble de textes, sorte d'autobiographie intellectuelle, un conte philosophique, un essai-fiction.
Paul Valéry, ne nous voilons pas la face reste "un auteur difficile", comme le disait en 1927 Gabriel Hanotaux, immortel bien oublié du Quai Conti, "un philosophe aux clartés profondes".
On doit à Pierre Dux l'idée du spectacle créé en 1974 sur la petite scène (15 m2) du Petit Odéon.
Pierre Dux connaissait bien l'oeuvre du sétois, dont on sait que la bêtise n'est pas le fort. Sous la houlette de Pierre Franck, le futur Administrateur du Français avait d'ailleurs connu un joli succès, peu de temps avant, avec Mon Faust.
Les caméras de Lazare Iglésis sont pleines de gros plans, de regards complices face à l'objectif, et la captation permet de pénétrer encore plus "les clartés profondes" de Paul Valéry.
Pour du théâtre intellectualisé à l'extrême, parfois ardu à suivre. Il faut s'accrocher et ne pas hésiter à visionner encore et encore telle ou telle scène pour tenter de pénétrer dans l’œil du cyclone.
En bref, l'intelligence sera au XXe siècle ce que la puissance créatrice avait été au XIXe. Après le culte de l'art et du sentiment, voici venu le temps, non pas le temps de l'Ile aux Enfants, mais du pur intellect.
Plein d'ironie sera Michel Duchaussoy en Valéry plus vrai que nature, face aux aphorismes du Monsieur Teste/Pierre Dux redondant, vieux matou humoriste parfois moraliste.
Jacques Toja, Gérard Caillaud et Claude Winter complètent avec un bonheur non dissimulé la distribution de cette pièce unique en son genre.
Avec "Domino" de Marcel Achard ("Au théâtre ce soir", 1967) on déguste une délicieuse dragée au poivre. Un jeu de l'amour et du hasard (monté à la création en 1937 par Jouvet himself) qui renouvelle astucieusement le traditionnel trio mari/femme/amant dans un cruel, amer ou tendre à la foi, chassé-croisé où le perdant n'est pas celui que l'on croyait au départ. Si, enfin, quand même un peu...
La réalisation de Pierre Sabbagh en noir et blanc cerne au mieux les joutes verbales de ce cynique et audacieux jeu de société réglé avec un goût exquis et décadent par Jean Meyer.
Voyez un peu. Incapable de faire taire la jalousie de son mari, Heller, Lorette invente un stratagème afin de dévier ses soupçons sur un autre homme, un inconnu. Le gagnant du casting sera Dominique/Domino, un ovni qui se définit dans cette contradiction, "J'ai trop d'énergie pour travailler".
Le ton est donné! Tous les ingrédients sont réunis pour se mélanger dans un grand bain le faux qui prend parfois les habits du vrai. Encore une fois, les masques tombés, l'amour triomphera... pas le médiocre.
En machiavélique figurant, faux puis réel amant de la belle Lorette (ici Geneviève Casile belle à damner tous les saints du Paradis, d'une classe, d'une race, d'une élégance folle, d'un chic parisien jamais égalé, avec en prime cette diction, cette musique d'eau de source claire et tranchante à la fois!), Jean Piat, aux mêmes dates Lagardère sur la même chaîne, crève littéralement l'écran: désinvolte, impertinent, insolent, saisi un instant par la débauche, révélé par l'amour. Une grande composition, comme l'étaient ses Cyrano, Dubois, Bois d'Enghien...
Quelle émotion également de retrouver les regrettés Georges Descrières en mari berné, pitoyable, Bernard Dhéran, Crémone pathétique, les délicieuses Françoise Kanel et Claire Vernet qui en trois attitudes, deux regards vous campent non pas des silhouettes mais des vrais personnages.
Jean-Claude Arnaud enfin, tire d'une manière sympathique vers les Raimu ou Fernandel son Crémone digne des meilleurs pagnolades.
Transposer "Les Fourberies de Scapin" dans le monde du cirque, il fallait le faire. Jacques Échantillon a osé en 1973! Et avec quel aplomb! Sans dénaturer un seul instant le propos du Maître des lieux. Chapeau bas aussi aux costumes de Pace et aux choix des extraits musicaux colorés qui collent si bien à l’œuvre. Un succès populaire mérité qui - sauf erreur de notre part - se maintiendra en tournée un peu partout sur l'Hexagone et ailleurs.
En vieux briscards des planches René Camoin et Georges Audoubert ne font qu'une bouchée dans une tornade délirante des ridicules Argante et Géronte, vieux grigous enfarinés avares et tyranniques.
Alain Pralon, cowboy justicier des chapiteaux semble sortir d'une bande dessinée, Lucky Luke/Tarzan acrobatique prompt à dégainer et rouler son monde dans la farine. Ce bel acteur tient la pièce avec un aplomb jouissif, s'amuse, s'en amuse. Ses mots et son corps sont l'ossature même de la pièce. Il innerve la comédie de ses répliques acerbes, de sa présence virevoltante et visqueuse.
Plaisir de découvrir André Dussolier (Octave) et son compère-complice bégayeur Francis Perrin (Silvestre) dans leur unique saison au Français. Un duo qui marche à merveille à coups de malices réglées. Bernard Alane, qui venait de quitter la troupe de Jacques Fabbri, fait lui aussi regretter son départ de la Maison. Voilà un Léandre drôle, lunatique, rêveur à souhait.
Le trio féminin pète de vie et d'espièglerie. Paule Noëlle, Claire Vernet et Virginie Pradal s'en donnent à cœur joie dans l'art de décaper ce pilier du répertoire aux rires faciles, un tantinet empesés, donné ici dans un scope couleur irrésistible de mouvement, de drôlerie et de spiritualité.
"Monsieur Teste" de Paul Valéry n'est pas à proprement parler une pièce de théâtre, plutôt un ensemble de textes, sorte d'autobiographie intellectuelle, un conte philosophique, un essai-fiction.
Paul Valéry, ne nous voilons pas la face reste "un auteur difficile", comme le disait en 1927 Gabriel Hanotaux, immortel bien oublié du Quai Conti, "un philosophe aux clartés profondes".
On doit à Pierre Dux l'idée du spectacle créé en 1974 sur la petite scène (15 m2) du Petit Odéon.
Pierre Dux connaissait bien l'oeuvre du sétois, dont on sait que la bêtise n'est pas le fort. Sous la houlette de Pierre Franck, le futur Administrateur du Français avait d'ailleurs connu un joli succès, peu de temps avant, avec Mon Faust.
Les caméras de Lazare Iglésis sont pleines de gros plans, de regards complices face à l'objectif, et la captation permet de pénétrer encore plus "les clartés profondes" de Paul Valéry.
Pour du théâtre intellectualisé à l'extrême, parfois ardu à suivre. Il faut s'accrocher et ne pas hésiter à visionner encore et encore telle ou telle scène pour tenter de pénétrer dans l’œil du cyclone.
En bref, l'intelligence sera au XXe siècle ce que la puissance créatrice avait été au XIXe. Après le culte de l'art et du sentiment, voici venu le temps, non pas le temps de l'Ile aux Enfants, mais du pur intellect.
Plein d'ironie sera Michel Duchaussoy en Valéry plus vrai que nature, face aux aphorismes du Monsieur Teste/Pierre Dux redondant, vieux matou humoriste parfois moraliste.
Jacques Toja, Gérard Caillaud et Claude Winter complètent avec un bonheur non dissimulé la distribution de cette pièce unique en son genre.