Les journalistes ont-ils tous les droits ?


Par Christophe Penaguin Rédigé le 30/05/2020 (dernière modification le 20/05/2020)

La liberté d’expression des médias n’est pas illimitée. Encadrée par des textes juridiques, elle doit concilier le droit à l'information et la protection des droits individuels.


Le journaliste est soumis, comme tout citoyen, aux lois de son pays. (c) Ich bin dann mal raus hier. de Pixabay
Le journaliste est soumis, comme tout citoyen, aux lois de son pays. En France, le travail des médias est encadré, en plus du droit général, par un texte spécifique : la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Comme son nom l’indique, cette loi a été promulguée dans le but de garantir la liberté d’expression des journalistes. Toutefois, cette liberté n’est pas sans limite et le texte de 1881, modifié à plusieurs reprises au fil du temps, définit la responsabilité pénale des journalistes et entreprises de presse. Le développement de nouveaux médias (radio, télévision, Internet) a nécessité une adaptation des textes de loi en fonction d’une exigence qui, elle, ne change pas : la conciliation du droit d’informer et des droits individuels des personnes mises en cause par les journalistes.

Un principe fondamental encadré par la loi

Le droit d’informer est inscrit dans un certain nombre de textes internationaux. L’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 affirme le droit « de chercher, de recevoir et de répandre » les informations. L’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme consacre la liberté « de recevoir des informations et des idées ». L’article 11 de la Charte européenne des droits fondamentaux indique que la liberté d’expression est un droit qui « comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées ». Ces textes indiquent clairement que le droit d’informer et le droit d’être informé sont inséparables.

En France, l’article 1 de la loi de 1881 contient une seule phrase : « L'imprimerie et la librairie sont libres », ce qui fait du droit d’informer le principe fondamental de ce texte. L’article 2 stipule que « Le secret des sources des journalistes est protégé dans l'exercice de leur mission d'information du public. » De plus, cet article donne force de loi au principe d’indépendance en affirmant qu’un journaliste « ne peut être contraint à accepter un acte contraire à sa conviction professionnelle » et qu’il « a le droit de refuser toute pression, de refuser de divulguer ses sources et de refuser de signer un article, une émission, une partie d'émission ou une contribution dont la forme ou le contenu auraient été modifiés à son insu ou contre sa volonté. »

Cependant, le droit d’informer est strictement encadré par la loi de 1881 qui proscrit la diffamation et l’injure (article 29), la provocation à la discrimination et à la haine (article 24), l’appel à commettre un crime ou un délit (article 24), la publication de nouvelles fausses ayant troublé l’ordre public (article 27), l’atteinte à la présomption d’innocence (article 35), la diffusion de certains éléments d’enquêtes ou de procédures policières et judiciaires (article 38).

Protéger les individus sans museler l’information

La responsabilité pénale et civile des journalistes et entreprises de presse étant engagée par les propos qu’ils publient, les personnes concernées par un des délits mentionnés plus haut peuvent déclencher des poursuites judiciaires. Par ailleurs, la loi de 1881, dans son article 13, prévoit que « Le directeur de la publication sera tenu d'insérer dans les trois jours de leur réception, les réponses de toute personne nommée ou désignée dans le journal ou écrit périodique quotidien » (ou dans le numéro suivant la réception de la réponse pour les périodiques non-quotidiens). Le droit de réponse a été inscrit dans d’autres textes en ce qui concerne les services de communication audiovisuelle (radios et télévisions) et les services de communication au public en ligne (sites Internet).

Dans le cadre de la responsabilité civile des journalistes, les particuliers mis en cause peuvent demander des réparations. Le juge peut ainsi leur attribuer une somme d’argent à titre de dommages-intérêts. Il peut aussi contraindre l’entreprise de presse condamnée à publier la décision de justice. Exceptionnellement, le juge des référés peut ordonner l’interdiction ou la saisie d’une publication si celle-ci contient une mise en cause particulièrement grave (article 809 du Code de procédure civile).

Bien entendu, la possibilité pour les personnes (physiques ou morales) de se défendre et de demander réparation si elles sont victimes d’abus de la part de la presse ne doit pas être détournée. Un recours non encadré au droit de réponse ou des accusations de diffamation mal définies pourrait aboutir à museler les journalistes. C’est pourquoi la loi et la jurisprudence veillent à équilibrer les droits des mis en cause et le droit général d’informer.






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