Globalisme ou nationalisme ?
Le monde en noir et blanc (c) kytalpa de Pixabay
"Il est faux de dire que l'Amazonie appartient au patrimoine de l'humanité, et c'est une erreur des scientifiques de dire que notre forêt est le poumon de la planète" a déclaré Bolsonaro. Soutenu "sans réserves" par Donald Trump, qui a affirmer que "l'avenir n'appartient pas aux mondialistes. L'avenir appartient aux patriotes".*
Le discours des "patriotes" semble innocent et de bon sens : défendre ses valeurs, ses intérêts et son territoire. C’est pourquoi beaucoup sont séduits. Finalement il n’y a rien de mal à défendre des choses si nobles. Sauf un détail : si on parle de patriotes, c’est qu’il y a une guerre quelque part, présente ou future. Militaire ou politique. A-t-on besoin d’être patriote en temps de paix? Pas vraiment. On pourrait même dire que le patriotisme, dans le sens moderne du terme, est un amour romantique et guerrier pour quelque chose que l’on n’a pas mais que l'on veut avoir: la patrie. On parle de patriotisme dans le contexte de la Révolution française, ou bien dans celui des guerres d’indépendance des peuples soumis par l’Empire ottoman et l’Empire austro-hongrois, par exemple. Mais on pourrait parler de patriotisme également dans les empires. Dans la Rome antique, les Romains (du centre) aimaient leur pays et ils étaient prêts à se sacrifier pour qu’il devienne plus grand et plus puissant. Et aussi pour amener la civilisation dans la barbarie environnante, de force.
Le globalisme, le mondialisme ou l’universalisme semble aussi noble et de bon sens. Avant d’être membres d’un groupe – qu’il soit une famille, une communauté ou un pays – nous sommes les membres de la même espèce nous avons tous les mêmes droits et la même dignité, et nous devrions jouir des mêmes libertés. Oui, sauf que les choses ne se passent pas vraiment comme ça en réalité. La globalisation n’a pas été juste une somme d’ententes et de traités pour éviter la guerre, elle a conduit aussi à une mondialisation de l’avidité et à la destruction massive de la nature. Ce qui n’a arrangé en rien nos droits réels, ni notre dignité, ni notre liberté. On a voulu globaliser nos valeurs et on a globalisé aussi nos défauts.
*www.france24.com
Le discours des "patriotes" semble innocent et de bon sens : défendre ses valeurs, ses intérêts et son territoire. C’est pourquoi beaucoup sont séduits. Finalement il n’y a rien de mal à défendre des choses si nobles. Sauf un détail : si on parle de patriotes, c’est qu’il y a une guerre quelque part, présente ou future. Militaire ou politique. A-t-on besoin d’être patriote en temps de paix? Pas vraiment. On pourrait même dire que le patriotisme, dans le sens moderne du terme, est un amour romantique et guerrier pour quelque chose que l’on n’a pas mais que l'on veut avoir: la patrie. On parle de patriotisme dans le contexte de la Révolution française, ou bien dans celui des guerres d’indépendance des peuples soumis par l’Empire ottoman et l’Empire austro-hongrois, par exemple. Mais on pourrait parler de patriotisme également dans les empires. Dans la Rome antique, les Romains (du centre) aimaient leur pays et ils étaient prêts à se sacrifier pour qu’il devienne plus grand et plus puissant. Et aussi pour amener la civilisation dans la barbarie environnante, de force.
Le globalisme, le mondialisme ou l’universalisme semble aussi noble et de bon sens. Avant d’être membres d’un groupe – qu’il soit une famille, une communauté ou un pays – nous sommes les membres de la même espèce nous avons tous les mêmes droits et la même dignité, et nous devrions jouir des mêmes libertés. Oui, sauf que les choses ne se passent pas vraiment comme ça en réalité. La globalisation n’a pas été juste une somme d’ententes et de traités pour éviter la guerre, elle a conduit aussi à une mondialisation de l’avidité et à la destruction massive de la nature. Ce qui n’a arrangé en rien nos droits réels, ni notre dignité, ni notre liberté. On a voulu globaliser nos valeurs et on a globalisé aussi nos défauts.
*www.france24.com
Civilisation ou primitivisme?
Une coïncidence intéressante: les incendies les plus étendus ont eu lieu en Sibérie et en Amazonie, des régions où il existe encore des communautés qui n’ont pas changé leur mode de vie depuis plusieurs siècles. Ces communautés sont détruites ou menacées pas les effets de notre civilisation, sans avoir les moyens de riposter ou de se sauver. Pire encore, des dirigeants comme Trump et Bolsonaro nient la souffrance de ces "primitifs", ainsi que l’ampleur du désastre. Mais les primitifs vivent proches de la nature et la respectent, car ils savent que leur vie et leur santé y sont liées. Pourtant, la solution n’est pas de revenir en arrière, car la "civilisation" a évolué aussi par le désir de surmonter les difficultés de la vie un peu sauvage.
Faut-il alors blâmer le capitalisme? Il y est pour quelque chose, c’est plutôt évident. Cependant, la liberté d’entreprendre et le droit à la propriété a mis fin à beaucoup d’abus. D’après certain, le communisme est meilleur car tout le monde y trouvera son compte. L’expérience des pays de l’Est a prouvé que le communisme avait oublié une variable: la nature humaine. Il est impossible que les hommes et les femmes qui distribuent et administrent l’égalité – il faut bien que quelqu’un le fasse – ne soit pas corrompus par leur pouvoir absolu. L’homme "nouveau" qu’ils espéraient obtenir par le nouvel ordre communiste s’est avéré être un monstre. D’ailleurs, a-t-on réellement besoin d’ordre? L’anarchie ne serait-elle pas meilleure?
Alors que faire? Et enfin, c’est quoi l’idée? C’est mal aimer son pays? C’est mal vouloir que les gens de toute la planète jouissent des mêmes droits? Il faut renoncer aux idéaux de justice sociale ? Il faut bannir la propriété? Abandonner l’ordre? Mettre plus de’ordre? Ou bien il faut retourner au primitivisme? Certainement pas. C’est juste que la pensée en noir et blanc ne mène, de toute évidence, nulle part, quand elle ne mène pas à la guerre et à la destruction.
Faut-il alors blâmer le capitalisme? Il y est pour quelque chose, c’est plutôt évident. Cependant, la liberté d’entreprendre et le droit à la propriété a mis fin à beaucoup d’abus. D’après certain, le communisme est meilleur car tout le monde y trouvera son compte. L’expérience des pays de l’Est a prouvé que le communisme avait oublié une variable: la nature humaine. Il est impossible que les hommes et les femmes qui distribuent et administrent l’égalité – il faut bien que quelqu’un le fasse – ne soit pas corrompus par leur pouvoir absolu. L’homme "nouveau" qu’ils espéraient obtenir par le nouvel ordre communiste s’est avéré être un monstre. D’ailleurs, a-t-on réellement besoin d’ordre? L’anarchie ne serait-elle pas meilleure?
Alors que faire? Et enfin, c’est quoi l’idée? C’est mal aimer son pays? C’est mal vouloir que les gens de toute la planète jouissent des mêmes droits? Il faut renoncer aux idéaux de justice sociale ? Il faut bannir la propriété? Abandonner l’ordre? Mettre plus de’ordre? Ou bien il faut retourner au primitivisme? Certainement pas. C’est juste que la pensée en noir et blanc ne mène, de toute évidence, nulle part, quand elle ne mène pas à la guerre et à la destruction.
La nature est pleine de couleurs, notre pensée devrait l’être aussi
Dans l’organisation de la société, à grande ou petite échelle, il n’existe pas de vérité absolue et unique, qui peut être démontrée pas le bon sens, la logique ou la science. Il n’existe pas non plus un Bien universel, qui se comporterait comme un objet appartenant à quelqu’un. L’idée n’est pas de tomber dans le relativisme absolu, mais de reconnaitre que la réalité est complexe. Et la complexité ne plaît pas beaucoup aux politiques. Il est bien plus simple, et plus rentable, de faire croire aux électeurs qu’il existe une solution simple et claire aux "problèmes" complexes, et cette solution, ils l’ont.
Et si, de plus, il ne s’agissait pas des "problèmes" à proprement dit ? Une piste intéressante pourrait être celle du physicien américain David Bohm*. Nos difficultés contemporaines, psychologiques, communautaires ou globales – dit-il – ne sont pas des problèmes stricto sensu, elles sont des paradoxes. Un problème est éminemment pratique ou technologique, basé sur une série de présuppositions implicites, parmi lesquelles celle que la question soulevée est rationnelle et non-contradictoire. Par exemple, les bateaux à voiles ont été considéré comme trop lents, donc on a eu l’idée de les faire propulser par un moteur à vapeur, ensuite on a dû résoudre le problème de réaliser cela techniquement et de trouver les moyens de mettre l’idée en pratique.
Dans le cas des impasses psychologiques ou relationnels, il ne s’agit plus de problèmes car les présuppositions de la question mis en avant sont souvent fausses, absurdes ou contradictoires. Par exemple, quelqu’un qui est très sensible à la flatterie souffre en général d’une faible estime de soi. Le sentiment de ne pas valoir grande chose est tellement douloureux que la personne l’enfoui dans l’inconscient et soulage sa douleur par les flatteries des autres. Elle sait qu’elle devrait être honnête envers elle-même, pourtant elle ne peut pas s’empêcher d’être sensible à la flatterie. Il est évident, selon Bohm, qu’il ne s’agit pas d’un "problème" à résoudre par une démarche logique ou rationnelle, mais d’un paradoxe. Ce qu’il est nécessaire de faire, c’est d’observer le paradoxe et en devenir conscient. Une fois arrivé à la conscience, il se dissout de lui-même.
Si, par contre, on essaye de traiter un paradoxe comme un problème, on ne va pas le dissoudre mais au contraire, on va l’amplifier. Malgré cela, on traite souvent les paradoxes comme des problèmes parce que c’est plus simple et plus confortable: on doit faire beaucoup plus d’effort et consommer beaucoup plus d’énergie pour s’observer et s’analyser que pour s’adonner au jeu purement mental de résolutions de problèmes. Et alors on tourne en rond autour de nos difficultés, en essayant désespérément de nous voir en noir et blanc.
La même chose se passe peut-être au niveau socio-politique. On cherche des solutions à des problèmes qui sont de paradoxes. Les solutions blanches d’hier deviennent noires aujourd’hui, pour devenir à nouveau blanches demain et noires après-demain. Dans un désastre qui n’arrête pas de s’étendre.
L’issue pourrait être de s’arrêter et de s’observer. D’amener à la lumière nos besoins et nos désirs contradictoires, et les suppositions qui sont à la base de notre façon de penser et d’agir. Et, plus compliqué encore, on devrait faire cela non pas seulement chacun pour soi, mais dans un vrai dialogue. Dans un dialogue où on serait capable d’écouter réellement l’autre, où on serait tous de bonne foi et où on serait tous disposé à voir et admettre des vérités inconfortables sur nous-mêmes.
Malheureusement, cela n’est pas au goût de beaucoup. Car cela n’apporte pas de gain immédiat et demande beaucoup d’énergie psychique (qui est plus ou moins renouvelable et même amplifiable). De plus, c’est complexe, compliqué et… coloré.
*David Bohm, "On dialogue", Routledge 1996
Et si, de plus, il ne s’agissait pas des "problèmes" à proprement dit ? Une piste intéressante pourrait être celle du physicien américain David Bohm*. Nos difficultés contemporaines, psychologiques, communautaires ou globales – dit-il – ne sont pas des problèmes stricto sensu, elles sont des paradoxes. Un problème est éminemment pratique ou technologique, basé sur une série de présuppositions implicites, parmi lesquelles celle que la question soulevée est rationnelle et non-contradictoire. Par exemple, les bateaux à voiles ont été considéré comme trop lents, donc on a eu l’idée de les faire propulser par un moteur à vapeur, ensuite on a dû résoudre le problème de réaliser cela techniquement et de trouver les moyens de mettre l’idée en pratique.
Dans le cas des impasses psychologiques ou relationnels, il ne s’agit plus de problèmes car les présuppositions de la question mis en avant sont souvent fausses, absurdes ou contradictoires. Par exemple, quelqu’un qui est très sensible à la flatterie souffre en général d’une faible estime de soi. Le sentiment de ne pas valoir grande chose est tellement douloureux que la personne l’enfoui dans l’inconscient et soulage sa douleur par les flatteries des autres. Elle sait qu’elle devrait être honnête envers elle-même, pourtant elle ne peut pas s’empêcher d’être sensible à la flatterie. Il est évident, selon Bohm, qu’il ne s’agit pas d’un "problème" à résoudre par une démarche logique ou rationnelle, mais d’un paradoxe. Ce qu’il est nécessaire de faire, c’est d’observer le paradoxe et en devenir conscient. Une fois arrivé à la conscience, il se dissout de lui-même.
Si, par contre, on essaye de traiter un paradoxe comme un problème, on ne va pas le dissoudre mais au contraire, on va l’amplifier. Malgré cela, on traite souvent les paradoxes comme des problèmes parce que c’est plus simple et plus confortable: on doit faire beaucoup plus d’effort et consommer beaucoup plus d’énergie pour s’observer et s’analyser que pour s’adonner au jeu purement mental de résolutions de problèmes. Et alors on tourne en rond autour de nos difficultés, en essayant désespérément de nous voir en noir et blanc.
La même chose se passe peut-être au niveau socio-politique. On cherche des solutions à des problèmes qui sont de paradoxes. Les solutions blanches d’hier deviennent noires aujourd’hui, pour devenir à nouveau blanches demain et noires après-demain. Dans un désastre qui n’arrête pas de s’étendre.
L’issue pourrait être de s’arrêter et de s’observer. D’amener à la lumière nos besoins et nos désirs contradictoires, et les suppositions qui sont à la base de notre façon de penser et d’agir. Et, plus compliqué encore, on devrait faire cela non pas seulement chacun pour soi, mais dans un vrai dialogue. Dans un dialogue où on serait capable d’écouter réellement l’autre, où on serait tous de bonne foi et où on serait tous disposé à voir et admettre des vérités inconfortables sur nous-mêmes.
Malheureusement, cela n’est pas au goût de beaucoup. Car cela n’apporte pas de gain immédiat et demande beaucoup d’énergie psychique (qui est plus ou moins renouvelable et même amplifiable). De plus, c’est complexe, compliqué et… coloré.
*David Bohm, "On dialogue", Routledge 1996